« Oui. J'ai demandé une messe à l'église St Paul. Ensuite, j'irai faire un tour sur la tombe de ton père. Et nous allons manger quelque chose. Oh, on ne fera pas de folie, juste un petit repas. Je vais appelé ses amis de SOGARA et ta tante Sosso et moi allons leur offrir un plat de sanglier et un bouillon de carpe avec de la bière. C'est juste un petit repas en souvenir d'Ontala. »
« Ok maman. J'espère que ça ira et que tu n'iras pas te faire une hausse de tension en arrivant au cimetière. »
« Oh, non : je vais attraper le cœur, ne t'en fait pas. Et après ça, j'ai toute la semaine de congé pour enfin déménager pour aller dans la grande maison. »
« D'accord. Je suis contente pour toi. J'ai bien reçu vos papiers. J'ai fait la demande à la mairie pour le certificat d'hébergement. Donc dit déjà à Maman Sosso de ne pas prendre de « malades » pour les 3 prochains mois. »
« Oh ! Écoute-moi celle-là ! Elle dit qu'elle va devenir blanche si elle reste trop longtemps en France. »
« Dis-lui qu'elle ne sait pas ce qui l'attend ici. Peut-être qu'elle va trouver son vieux blanc qui l'accompagnera pour le reste de sa vie. »
« Elle te dit qu'il ne faut pas blaguer ! Elle n'a plus besoin d'un homme qui va venir la fatiguer. »
Je raccroche après un fou rire.
Je dois dire que je suis heureuse que les choses prennent forme. Ma mère aura déménagé à la fin de la semaine prochaine. Elles pourront déposer leur demande de visa et ensuite arriver à Toulouse en fin juillet.
Je me suis arrangé avec Valentin, qui lui, reste à Toulouse pour son stage d'été. Moi, je serai déjà en partance pour l'Espagne à leur arrivée. De là-bas, je pourrai tranquillement prendre le train pour les rejoindre à Toulouse.
Je remercie le ciel car mon ventre est calme et ne me fatigue pas. Je me lève, marche et avance tranquillement ; pas de malaise ni d'insomnie. Je me sens légère avec cette envie de voir l'avenir se concrétiser avec l'arrivée au monde de ma fille.
J'ai trouvé un second prénom. Vu que la providence veut qu'elle soit baptisée Anne-Sophie comme sa grand-mère paternelle, j'ai décidé que je l'appellerai Inivah. Reste à savoir en quelle position viendra ce prénom dans son acte de naissance. Inivah. Mon trésor venu du ciel, mon bien le plus précieux.
Je peux dire que je suis heureuse même les choses ne sont pas évidentes tous les jours. Il me suffit de voir ces publicités à la télévision au sujet de la fête des père et de me demander si ma fille me posera plus tard des questions sur son père. Ça me fait pas mal flipper, puis je passe à autre chose en me disant que le temps arrangera tout ça. Parfois quand je vois sur mon chemin, un couple dont la femme est enceinte et que le mari la tient tendrement dans ses bras, ou passe le caddie pendant qu'ils font les courses, j'aimerais aussi avoir quelqu'un là, qui caresserait mon ventre en me murmurant qu'il est heureux car il sera bientôt papa. Je n'ai pas tout ça, mais je dis merci au ciel car Valentin me soutient et le Père Faustus prie pour moi. Une fois mon enfant venu au monde, j'aurais bien assez le temps et le loisir de penser à tout cela.
Nous sommes vendredi. Je viens de mettre un point final à mon année scolaire, en rendant la dernière copie des partiels de cette année. Nous aurons les résultats la semaine prochaine puis les bulletins de notes seront envoyés à nos parents après nous avoir été photocopiés. Je ne sais pas si la personne qui recevra mon bulletin aura la présence d'esprit de m'appeler pour me félicité. Non, je suppose que c'est sa secrétaire si particulière qui le recevra. Bref, je zappe ! Parler de Jean-Paul me donne mal au cœur.
Il est 19h quand j'arrive chez moi après m'être arrêtée dans un supermarché Casino pour me prendre des pots de crèmes glacées, 4 romans Harlequins et des fruits. Mon téléphone sonne alors que je referme la porte d'entrée derrière moi. Je réponds et suis soulagée en entendant la voix du Père Faustus.
« Bonsoir Mon père. »
« Bonsoir ma fille. Je t'appelle car je viens de recevoir un coup de fil du notaire de feu ton époux. »
« Oh ! Je ne pensais même plus à cette histoire. »
« Oh ! Elle m'était moi aussi sortie de la tête. Mais j'ai reçu ce coup de fil et je voulais t'en restituer les éléments. »
« D'accord. Qu'a dit le notaire. »
« Oh ! C'est tellement long que je lui ai demandé d'abréger. C'est bien simple, il s'agit du fils du notaire que nous avions tous les deux rencontré à Paris. Il reprend tout juste les dossiers de son père qui est décédé il y a 2 mois. Et il est arrivé sur ce dossier sur lequel il travaille depuis 3 semaines. Son père l'avait, semble t-il, laissé en stand-by, pour une recherche d'héritier potentiel et pleins d'autres éléments. »
« D'accord mon Père. Je comprends. Et qu'est ce que tout cela donne ? »
« Oh ! C'est très compliqué. La valeur de l'entreprise de feu ton époux a pris un coup ; Il m'a parlé de mauvais placement et de cours de bourse. Tout ça pour dire qu'il n'y a quasiment plus que des miettes à distribué entre 5 héritiers, dont tu fais parti. »
« Oh ! Heureusement que je suis passé à autre chose. J'aurais attendu cet argent pour rien, étant donné qu'il ne viendra pas. »
« Oh ! Je lui ai laissé ton numéro. Le moment venu, il te contactera pour que tu ai une idée de la somme définitive que tu recevras. Mais il faut mettre une croix semble t-il sur ce bien immobilier à Paris, qui t'a été légué. C'est compliqué mais il semble bien que les deux énergumènes qui ont cru t'éliminer en t'abandonnant dans un ravin sur la route, n'auront que des miettes et leurs yeux pour pleurer la fortune de leur père. Le fils a insisté pour prendre les rennes de l'entreprise malgré les réticences du conseil d'administration et voilà le résultat ! »
« Je ne comprends rien à la bourse, aux placements et à tout le reste. Et j'espère juste que cette histoire ne viendra pas me pourrir la vie. »
« Dieu est au contrôle. Prend soin de toi et je t'attends pour la messe, dimanche. »
« Merci mon Père. »
~~~ La coupe est pleine pour Alec.~~~
« Ce n'est pas possible darling ! Dis-moi ce qui ne va pas ! J'ai t'ai demandé juste une chose, une seule et tu me as été incapable de la faire ! Tu as si peu de considération pour moi, Gaëlle ? »
Le teint sur le visage d'Alec a changé d'un coup. Et lorsqu'il est en colère comme à cet instant, il devient tout jaune. Je cherche intérieurement comment faire baisser la température, mais je n'y parviens pas. Tout ça parce qu'au fond de moi, je pense avoir raison.
Cela fait un quart d'heure que nous sommes rentrés à la maison et il ne décolère pas. Je me tiens en retrait adossé au Canapé du salon alors qu'il est à la fenêtre à une dizaine de mètres de moi. Ce qui promettait être une très belle soirée vient de se terminer en fiasco parce que mon beau-père, qui m'a été présenté ce matin, a confié à son fils que j'ai été très impolie envers lui et qu'il s'attendait à tout sauf à ce que son fils choisisse une fille qui ne sait pas se tenir en société et n'a aucun respect pour ses beaux-parents.
« Je suis désolée chéri. C'est tout ce que je peux dire. J'avoue que j'ai vu rouge quand ton père a osé me dire ce qu'il a dit. Je... »
« Arrête Gaëlle ! Tu penses vraiment que la vie est aussi simple ! Il s'agit de mon père ! Il me semble que jamais je n'ai manqué de respect à tes parents ni à tes amis. Je t'ai simplement demandé d'être gentille et de les supporter pendant une semaine, simplement une semaine. Après ça, ils s'en vont. Et toi, dès le premier jour, tu mets les deux pieds dans le plat en te montrant impolie ! »
Plus il parle avec autant de colère, puis je me sens fautive alors même que j'ai toutes les raisons de me sentir insultée dans l'affaire. À 3 reprises et non pas une, mais trois, le beau-père a osé me répéter qu'il espérait que son fils se trouve une petite suédoise ou à défaut une black avec une light skin, faut comprendre, un fille à la peau claire. J'ai gardé ma bouche fermée la première fois en feignant n'avoir pas compris. Une heure après, le type revient à la charge et me répète que vraiment, il a tout fait pour que ses enfants aient tout sauf la couleur du café noir et voilà que son fils retourne vers le passé. Je n'ai rien dit, en me promettant de rester loin de lui tout le temps que durera son séjour à Cape Town. Et là, patatra, le type revient à la charge alors que je débarrassais la table et me sort la même chose. Là, la fille de Port-Gentil qui sommeille en moi à proprement pété les plombs. Je lui ai balancé en pleine figure tout ce que je pensais. Et il n'y avais ni Jileska, ni Charline pour me donner un coup discret pour m'empêcher de parler.
« Je m'attendais à tout sauf à ce que ton père me dise des choses aussi méchantes. Jamais personne ne m'a jugé en fonction de la couleur de ma peau. Je veux dire, les parents qui m'ont élevée m'ont toujours répété qu'en amour il n'y a pas de frontière. J'ai vu rouge quand il m'a dit tout ça. Je... »
Il me regarde intensément et me dit :
« Tu n'écoutes pas quand je te parles, j'ai l'impression ! »
« Pourquoi dis-tu cela ? Pourquoi tous les torts me retombent dessus alors qu'il aurait dû mieux se tenir et éviter d'être aussi désagréable envers moi ? »
« Je nage entre deux eaux, Gaëlle. Je vis dans deux mondes différents. Je te l'ai expliqué à plusieurs reprises. Je ne t'ai rien caché du stress et des angoisses que j'ai pu vivre en étant dans la famille de mon père aux Usa. Tu savais à quoi t'attendre avec mes parents. Je t'ai demander d'ignorer tout ce qui pouvait t'être dit de désagréable ou de déplacé et toi, tout ce que tu as jugé bon de faire, c'est de piquer une crise et d'insulter mon père ! Dis-moi comment je dois prendre la chose ? Dis-le moi parce que je ne sais pas. »
Je garde le silence en m'asseyant sur le canapé. Et là, je lui dis :
« C'est toi qui ne me comprends pas. Tu n'étais pas à ma place, Alec. Comment est-ce seulement possible que ton père, au lieu de chercher à me connaître, se mette à critiquer la couleur de ma peau, comme si j'étais un déchet juste bon à jeter dans la poubelle ? Tu ne trouves pas cela saugrenu ! Je n'en reviens pas que tu sois là à me juger et à me condamner alors que lui s'est montrer méchant gratuitement ! »
« Tu aurais dû venir me voir et me dire ce qui se passait au lieu d'agir comme tu l'as fait. Tu as osé l'insulter en public, t'en rends-tu compte ? Non seulement je dois rattraper le coup avec lui, mais je d ois en plus t'excuser auprès de ses amis. »
Le silence qui retombe entre nous en dit long sur la nuit qui va suivre. Alec se masse les tempes des deux mains comme s'il essayait d'évacuer son énervement. Je reste là dans le canapé ne sachant comment agir. Je suis profondément blessée et je m'attends à ce qu'il me reconnaisse au moins le droit d'être touchée, chamboulée.
La journée avait bien commencé. Je me suis levée aux aurores, trop stressée par l'arrivée de ce beau-père et de son petit frère. Ils sont arrivés de Bruxelles ce matin à 10 heures. Charline et moi sommes allées les chercher à l'aéroport car Alec rentrait de sa garde de nuit et était complètement claqué. Nous les avons déposés à leur hôtel et sommes allées ensuite chercher Jileska pour l'emmener faire un tour, pour prendre l'air. A 17heures 30, Alec et mois sommes partis les rejoindre. Nous étions tous invités chez un couple amis des parents de mon chéri, qui vivent à Parklands, un coin chic de la ville. C'était une soirée barbecue. Comme je connais déjà la dame chez qui nous étions, j'ai aidé à la cuisine et pour dresser la table, pendant que les hommes discutaient tranquillement dans le jardin, au bord de la piscine. Il y avait une dizaine de personnes. Rien que des adultes. Alec et moi étions les plus jeunes. Le beau-père que Dieu m'a donné, vient me suivre jusque dans la cuisine pour me dire deux mots, comme si c'était aujourd'hui qu'il apprenait mon existence dans la vie de son fils.
Merde alors ! Je vis dans cette ville où j'ai tous les jours l'opportunité de rencontrer des blancs pouvant me dire des conneries ou m'insulter, et il faut que se soit un nègre comme moi qui vienne me dire qu'il rêvait d'autre chose qu'une négresse pour son fils ! C'EST LE MONDE A L'ENVERS !
Si cela doit me coûter une nuit de maux de tête à me faire du souci parce qu'Alec a du mal à me trouver des excuses, vraiment, j'aurais au moins eu l'opportunité de dire à ce type ce que je pense.
« Je me suis sentie tellement sale quand il m'a parlé. Je veux dire, c'est pas évident de garder son calme en entendant ce genre de chose ! Je ne comprends pas pourquoi tu m'en veux autant. »
Il me regarde en essayant de maîtriser ses nerfs et me dit :
« Tu aurais dû venir me voir. Je t'aurais dit comment agir avec lui. Au lieu de cela, tu as préféré te donner en spectacle devant tout le monde en insultant mon père. C'est mon père, qu'est ce que tu ne comprends pas ! Tu n'aurais pas pu te maîtriser, non ? Tu as l'intention de te montrer impolie avec tous les membres de ma famille qui te sortiront des réflexions désagréables ? »
La petite voix dans ma tête me dit « Gaëlle reconnais tes torts et excuse-toi. » Je préfère écouter celle qui me dit : « Son père n'avait pas le droit de te traiter ainsi. Il doit te respecter. » Alors, je reste bouche close, les bras croisé au niveau de la poitrine. Je me machouille les lèvres en me demandant comment tout cela va finir. Vu comment sont parties les choses, l'on va passer la nuit à jouer à qui est le plus fâché et qui va faire le premier pas vers l'autre. Même si là, j'ai l'impression d'avoir fait exploser un volcan.
Alec quitte la fenêtre où il se tenait et me lance :
« Je vais prendre l'air. J'ai besoin de respirer. »
« Mais, tu ne vas pas sortir maintenant. Il est 23 heures. »
Il ne m'écoute pas. Il est déjà à la porte d'entrée alors que je continue de l'appeler.
« Alec, s'il te plaît. Reste là. »
C'est le vide et la porte refermée qui me réponde. Je reste statique derrière la porte en me demandant quoi faire. Aucune idée ne me vient. Je suis simplement perdue parce que c'est la première fois qu'il est aussi fâché. Je...Je...
Je tourne en rond dans le salon pendant ce qui me semble une éternité. Je prends mon téléphone portable et appelle le numéro d'Alec. Son téléphone sonne sans la salle à manger parce qu'il y a laissé son sac en bandoulière. Autant dire que je vais devoir devoir attendre qu'il revienne. Mon Dieu, je suis mal !
Je prends alors mon téléphone et décide d'appeler ma grande sœur Charline pour lui raconter ce qui se passe. Elle répond au bout de 5 soneries. Je vois bien qu'elle était déjà endormie. Je lui raconte toute l'histoire depuis le début. Elle s'écrit alors :
« Mais Gaëlle, tu as merdé grave ! Premier dîner et tu insultes le beau-père ! Tu réserves la gifle pour la belle-mère, c'est ça ! »
Et là, elle pouffe de rire.
« C'est sympa Charline. Je t'appelle parce que je me sens mal et toi ça te fait rire. »
« Oui, ça me fait rire, ma chérie. Tu t'es cru dans un film ou quoi ? »
« Je te jure qu'il m'a vraiment humiliée. Je me suis sentie sale. C'était comme s'il s'adressait à un bout de caca. »
« Je vois. Mais tu n'aurais pas dû l'insulter, mais simplement l'ignorer. »
« C'est parti d'un coup. Je n'ai pas pu garder ma langue dans ma poche. »
« Oui, maintenant il va falloir rattraper le coup avec Alec. »
« Mais pourquoi ne veut-il pas reconnaître que son père aussi a des torts ? »
« Parce qu'il veut t'apprendre la politesse, la fille de mon père. Depuis quand on insulte les aînés ? Tu veux que j'appelle maman pour qu'elle te donne une leçon de bonne conduite ? »
« Non ! S'il te plaît non. Ne fais pas ça, Charline. Je me sens déjà assez mal comme ça ! »
« Dans ce cas, tu vas apprendre à contrôler ta langue. »
« Je ne savais pas qu'un noir pouvais me dire ce genre de chosse, Charline. »
« Mais qu'est ce tu crois, Gaëlle ! Les parents sont tous les mêmes. Quand nos parents myènès snobent et ignorent les anongôma (les non myènès) que leur filles leur présentent parce qu'ils veulent que leurs filles leur ramènent des blancs, tu ne penses pas que c'est tout aussi violent ? Alec t'avait dit comment est sa famille. Il t'a bien dit qu'il préfère rester dans la famille de sa mère parce que là-bas les gens ne focalisent pas sur la couleur de leur peau mais prennent les gens comme ils sont ! Quand le père s'est montré méchant avec toi, tu aurais dû aller en parler au fils. Là, non seulement tu te retrouves dans la merde, mais en plus tu dois défaché Alec et présenter tes excuses à son père et bien sûr, aux gens qui vous ont invités. Ça fait beaucoup, tu ne trouves pas ? »
« Oh ! Je me sens mal. »
« Y a de quoi. J'espère que la prochaine fois tu tourneras 7 fois la langue dans ta bouche avant de parler. Maintenant, va prendre un douche et assied-toi tranquillement au salon pour attendre le retour d'Alec. Et s'il te plaît, ce n'est pas la peine de jouer à la grande. Laisse ton orgueil de côté et demande-lui pardon même à genoux s'il le faut. Tu es vraiment grave, Gaëlle Azizet ! »