Bon, je suppose que le début de leur idylle vient de commencer. Je la sais trÚs incisive et son histoire de fatigue à 22h30 je n'y crois absolument pas.
Je pousse un soupir en balayant du regard la table qu'elle n'a mĂȘme pas pris le temps de dĂ©barrasser et commence Ă empiler les assiettes et les plats vides avant d'aller vers la cuisine. A mon deuxiĂšme aller-retour, je remarque aux pieds de la chaise oĂč se trouvait Shomari, un portefeuille noir. Je le rĂ©cupĂšre et vĂ©rifie l'identitĂ© du propriĂ©taire: c'est sans surprise Shomari.
Manquait plus que ça.
AprÚs avoir embaumé ma maison de son parfum, troublé mon regard avec son sourire ravageur, voilà qu'il laisse une trace qui m'assurera à coup sur son retour chez moi. A moins que je le donne à sa nouvelle copine.
Fait chier.
Je vais aller me coltiner la vaisselle, prendre une douche puis me glisser dans le lit, ça vaut mieux pour moi.
Le lendemain, je rejoins difficilement les bancs de l'église et constate avec étonnement que Kala est présente.
-Pourquoi t'es en retard ? Me demande-t-elle pendant que la chorale entonne un cantique religieux
-J'ai eu du mal Ă me lever. Et toi, qu'est-ce que tu fais lĂ ?
-Ah mais c'est quoi cette question bĂȘte, je fais quoi Ă l'Ă©glise un dimanche matin ?
-Non, mais t'Ă©tais sensĂ©e ĂȘtre avec Shomari non ?
-C'est ce que je t'ai dit ? Moi je suis partie dormir pour moi. Lance-t-elle agacée avant de se concentrer sur le chant
Je ne la crois pas une minute. Lorsqu'elle a quitté la maison, elle avait ce petit regard malicieux qu'elle arbore toujours lorsqu'elle est sur le point de satisfaire un de ses désirs.
Il a dĂ» se passer quelque chose qu'elle n'a visiblement pas envie de me dire et je le respecte.
De toute façon, je ne suis pas sĂ»re d'ĂȘtre en mesure d'entendre tout ce qu'elle me dira sur eux.
Je reporte Ă mon tour mon attention sur la chorale et chante le cantique dans mon coeur.
-Le repas est chez qui aujourd'hui ? Me demande Kala lorsque nous sortons de l'Ă©glise
-Maman Delphine, mais je ne vais pas y aller, je ne me sens pas bien.
-Ohhhh donc tu vas me laisser y aller toute seule ?
-Je te dis que je me sens pas bien !
-Mais tu iras te reposer lĂ -bas, on dirait que les lits manquent chez elle. Allons-y
Je m'arrĂȘte et la regarde monter dans sa voiture.
Un jour j'aurai assez de cran pour l'envoyer se faire foutre.... mais ce jour n'est pas encore arrivé.
Je finis par monter et c'est légÚrement contrariée que je la laisse nous conduire en silence vers la maison de maman Delphine.
C'est l'une des deux soeurs de ma mĂšre. Pour ĂȘtre plus prĂ©cise, c'est la cadette, celle qui vient avant ma mĂšre. Je n'aime pas aller chez elle, mĂȘme si ça n'a pas toujours Ă©tĂ© le cas.
Quand j'Ă©tais plus jeune, j'allais souvent chez elle pour les vacances avec Kala et d'autres cousins. A l'Ă©poque maman Delphine n'avait pas d'enfants et se faisait un plaisir de nous accueillir pour remplir sa grande maison de rire, de cris d'enfants et ainsi combler le lourd silence qui y rĂ©gnait en temps normal. Tous les enfants adoraient aller chez elle, parce que son mari et elle nous traitaient comme des rois et des reines. Tout se passait plutĂŽt bien jusqu'Ă ce que mes premiĂšres formes apparaissent de façon prĂ©coce Ă l'Ăąge de 9ans. C'est Ă cette Ă©poque que je me suis plus renfermĂ©e. Je n'aimais pas la façon dont on me regardait, et surtout la façon dont les hommes en gĂ©nĂ©ral - et le mari de ma tante, en particulier - me regardaient. Leurs regards sur moi avaient changĂ©, ils Ă©taient devenus lubriques et me faisaient froid dans le dos. C'est Ă cette pĂ©riode que j'ai commencĂ© Ă coller Kala. Je passais tout mon temps Ă la suivre comme son ombre afin de ne jamais ĂȘtre seule.
Mais un soir, alors que nous passions les vacances chez ma tante et que nous venions de changer de lit pour permettre à mes cousins nombreux, venus également, de dormir ensemble, je me suis retrouvée dans la chambre solo -celle qui avait un lit pour une personne. C'était un privilÚge de pouvoir dormir dedans et j'en aurais sûrement eu un bon souvenir si ce soir là , le mari de ma tante n'avait pas pénétré dans la chambre et ne s'était pas glissé dans mon lit. "ça va yaya" m'avait-il demandé en posant une main sur ma hanche. Je savais que si je restais silencieuse comme j'avais l'habitude de le faire, j'allais vivre le pire moment de ma vie, et celui-ci me marquerait à jamais. Je me suis donc mise à hurler de toutes mes forces et ma tante a déboulé dans la chambre.
"Je venais juste voir si elle dormait bien" avait-il dit lorsque j'avais expliquĂ© Ă ma tante ce qui s'Ă©tait passĂ©. Elle a prĂ©fĂ©rĂ© le croire et a commencĂ© Ă me maltraiter. Quand ma mĂšre a Ă©tĂ© informĂ©e, elle est immĂ©diatement venue me chercher. Elle m'a crue, mais pour garder les liens de famille soudĂ©s, m'a demandĂ© de garder le silence, et ne m'a plus envoyĂ© chez sa soeur. Plus personne n'a reparlĂ© de cette histoire mais je n'ai pas tirĂ© un trait sur elle et mĂȘme si aujourd'hui j'ai grandi, je me sens toujours mal Ă l'aise lorsque je vais chez eux.
Kala le sait, et c'est ce qui m'Ă©nerve
-On ne reste pas longtemps, je dois voir Dany. Dans une heure on prend le chemin du retour
-...
Vaut mieux pas que je réponde.
Lorsque nous arrivons chez ma tante, comme Ă mon habitude, je salue tout le monde d'un vague geste de la main et vais m'asseoir dans un coin du salon. Mais ce n'est pas assez pour Ă©chapper aux bavardages de cette femme de petite taille au visage semblable au mien, qui se dirige droit vers moi une main sur la hanche
-Mayé tu as trouvé tes petits frÚres et soeurs dans cette maison pour saluer tout le monde d'un geste de la main
-Maman....
-Maman quoi? Je n'aime pas ça, lÚve-toi, tu vas saluer les gens et tu entres en cuisine aider. C'est quoi ces maniÚres ? C'est pour qu'on vienne dire que je t'ai mal élevé !
Est-ce que j'ai le choix ? Pas vraiment Ă moins que je rĂȘve de me faire laver verbalement par ma mĂšre devant tout le monde !
Je prends sur moi pour saluer les personnes se trouvant dans le salon - et remercie le seigneur de ne pas trouver le mari de ma tante - puis je vais en cuisine et me mets à préparer les brochettes
Une heure elle avait dit non ? En voilĂ trois que je suis aux fourneaux
-Tu as mangé ? Me demande ma mÚre en entrant de la cuisine alors que je fais la vaisselle
-Non
-Mais tu attends quoi? Laisse la vaisselle lĂ , bientĂŽt il n'y aura plus rien
J'ai un sourire désabusé en l'entendant. Elle peut me rabrouer un minute et l'autre s'inquiéter pour moi avec une douceur maternelle qui m'attendrit et que je bénis de pouvoir encore jouir à mon ùge
-Je vais me faire un "emporter, je vais pas tarder Ă rentrer
-Tu vas rentrer comment ?
-Kala va me déposer, d'ailleurs tu peux lui demander de venir ?
-Mais Kala est partie depuis un moment. M'informe-t-elle étonnée
-Quoi ?
Non, elle ne m'a pas fait ça ?
Faut croire que si.
AprÚs avoir fait un tour dans le salon, je ne l'ai pas trouvé et j'ai eu confirmation par une autre de mes cousines qu'elle était bel et bien partie. Son mec l'a appelé semble-t-il.
Pourquoi je suis encore surprise, ce n'est pas comme si c'Ă©tait la premiĂšre fois.
Je laisse un sourire amer Ă©clairer mon visage alors que je salue quelques membres de ma famille, dont maman Delphine qui me lance un regard noir en me voyant, puis je pars prendre un taxi.
C'Ă©tait la derniĂšre fois que je me faisais avoir par Kala.
*** Trois semaines plus tard ***
-Tu ne veux pas y aller ?
-Non Kala ça ne me dit rien, mais pourquoi t'y vas pas avec Shomari ?
-Tu me parles de lui pourquoi ? Si je te demande à toi c'est parce que tu es ma cousine et que j'ai envie de t'avoir à mes cÎtés
-C'est ça ...
-Tchiiip, t'es vraiment une go ennui, il faut commencer Ă changer si tu ne veux pas finir vieille fille
-Merci pour le conseil mais ça ne change rien, je ne viens pas
-Tsss, bon reste là avec tes gùteaux ! Lance-t-elle avant de claquer ma porte d'entrée
Je me félicite ! En temps normal, j'aurais suivi Kala aprÚs qu'elle m'ait supplié de venir avec elle mais aujourd'hui, j'ai tenu bon. Je ne digÚre toujours pas le fait qu'elle m'ait laissée pour aller retrouver son mec, avec qui ça n'a pas l'air d'aller.
A plusieurs reprises, j'ai essayé de lui parler du portefeuille de Shomari - que j'avais complÚtement oublié, jusqu'à ce que je tombe dessus il y a trois jours- mais dÚs que je prononce son prénom, elle devient irritable. J'ai dû passer par ya Taliane. D'ailleurs, je vais devoir passer chez elle pour le lui remettre.
Je le ferai demain, pour l'heure, je vais me prélasser devant un vieux film et une bonne part de gùteaux au chocolat que j'ai préparé la veille.
"TOC, TOC, TOC"
Roh, je parie qu'elle revient pour m'inciter Ă la suivre !
-Je ne viens .... pas.
-Salut ! Tu ne viens pas oĂč ?
-euh, euh, désolée, je pensais que c'était... Qu'est-ce que tu fais là ?
-Il semblerait que ce soit toi qui es en possession de mon portefeuille
Oui, mais je pensais aller chez ya Taliane pour le lui remettre et ainsi tu le rĂ©cupĂ©rerais lĂ -bas. Ăa m'Ă©vitait de te voir et d'empirer la torture mentale que je subis actuellement.
-Mayéla ?
-oh...oui, oui. Je l'ai. Entre
Je m'Ă©loigne de la porte pour faire entrer Shomari et manque de dĂ©faillir en humant son parfum qui se rĂ©pand rapidement dans la piĂšce avec plus de force que lors de sa premiĂšre venue. Tout sur lui semble frais, de ses vĂȘtements, Ă son odeur. Il doit certainement sortir de la douche pour qu'il soit aussi intense.
Je l' installe dans le salon, l'invite Ă s'asseoir, ce qu'il refuse, et je pars chercher son portefeuille.
Je le lui remet puis comme à mon habitude, je ne sais pas quoi dire, encore moins soutenir son regard intense qu'il pose sur moi, alors je baisse les yeux et ai regardé mes orteils.
Tiens il faudrait peut-ĂȘtre que je pense Ă me faire une pĂ©dicure, mon vernis commence Ă s'Ă©cailler
-Je suis bien content de l'avoir retrouvé. J'avais déjà entrepris des démarches pour refaire mes papiers qui sont à l'intérieur. Dit-il en montrant son portefeuille. Tu sais comment l'administration congolaise fonctionne
Mon dieu, c'est vrai. J'avais complÚtement oublié qu'il y avait ses papiers à l'intérieur. En cette période préélectorale, et leur histoire de "mbata ya bakolo"* il n'est pas bon de marcher dans les rues de brazzaville sans ses papiers
-Je suis dĂ©solĂ©e. Je voulais te le remettre dĂšs que je l'ai trouvĂ© mais ça m'est sorti de la tĂȘte. J'allais le remettre demain Ă ya Taliane. Je peux te rembourser le montant des dĂ©penses dĂ©jĂ engagĂ©. Dis-je en allant vers ma chambre dans le but de rĂ©cupĂ©rer mon chĂ©quier...
-Hey c'est bon, t'inquiĂšte pas, je suis le premier Ă avoir la tĂȘte en l'air, je vais pas t'en tenir rigueur. La prochaine fois, je ferai plus attention Ă mes affaires ça m'apprendra tout simplement.
-D'accord, d'accord
Un blanc s'installe de nouveau, et ce n'est pas sur moi que l'on peut compter pour le rompre.
-Bon, je vais te laisser retourner à ton sport. Lance-t-il avec un léger sourire en coin
-Mon sport ?
Je suis son regard qui examine ma tenue de la tĂȘte aux pieds et Ă©touffe un cri avant de croiser les bras sur mon corps.
Punaise, je suis en brassiÚre et boxer ! J'avais complÚtement oublié !
Quand je passe une journĂ©e devant la tĂ©lĂ©, j'aime ĂȘtre Ă l'aise, et Ă©tant donnĂ© que je vis seule, je vois pas l'utilitĂ© de me gĂȘner...
Je cours en direction de ma chambre et enfile rapidement un t-shirt et un pantalon. Pfff, il a vu mes grosses cuisses et mon ventre pas si plat que ça. Je comprends mieux pourquoi il avait se sourire en coin. Il devait repenser au corps svelte de Kala et se demander si on Ă©tait vraiment de la mĂȘme famille vu ma quantitĂ© de graisses. Ăa me saoule qu'il ait pu me voir...
DĂ©pitĂ©e, je retourne au salon, oĂč je le retrouve comme je l'ai laissĂ©
-Je m'excuse, pour m'ĂȘtre prĂ©sentĂ©e Ă toi vĂȘtue, d'une tenue aussi indĂ©cente. Ce n'est pas dans mes habitudes
-T'inquiÚte pas, c'était agréable à regarder
-Pardon ?
-j'ai dit qu'il n'y avait pas de mal. Puis je ne me suis pas annoncé
J'aurai juré qu'il venait de dire que c'était agréable à regarder. Mais qu'est-ce qui serait agréable à regarder ? Mon bidon de bouda?
Non mais n'importe quoi moi ! Faut que j'arrĂȘte de prendre mes rĂȘves pour la rĂ©alitĂ©
-Okay. Encore une fois, je te prĂ©sente mes excuses pour avoir gardĂ© ton portefeuille. Si e peux faire quelque chose pour me faire pardonner de la gĂȘne que j'ai occasionnĂ©e... n'hĂ©site surtout pas Ă me dire....
-Un gĂąteau et on oublie tout
-....Euh.. et bien... enfin... j'ai
-Je plaisante.
-Oh, ok... J'avais fait un gĂąteau au chocolat. Je pouvais t'en couper une part
-Tout compte fait, ce n'Ă©tait pas une plaisanterie. Lance-t-il en riant
Son rire étant communicatif, sans m'en rendre compte, je le rejoins et me détends légÚrement
-Je vais t'en couper une part
Je m'efface de la porte d'entrée et le précÚde dans le petit couloir. à ma grande surprise, il entre dans le salon et s'installe autour de la table à manger.
Ah.
Je pensais qu'il voulait simplement prendre une part de gĂąteau, et non la manger sur place.
Bon, autant profiter de sa présence
Je vais dans la cuisine, et prends deux assiettes que j'empile et sur lesquels je dépose deux verres puis prends le tout dans une main, et récupÚre le gùteau dans l'autre main avant de retourner au salon.
Des cascades acrobatiques comme celle-ci, qui risquent de finir en catastrophe, j'en fais pas tous les jours et connaissant ma maladresse légendaire. Je me demande pourquoi je m'amuse à tenter le diable et surtout aujourd'hui. A croire que mon subconscient veut saboter ce moment.
Ătrangement, je ne casse rien sur mon trajet et pose mĂȘme avec dĂ©licatesse tout ce que j'ai amenĂ©
-Ăa va, t'es plutĂŽt agile. Lance Shomari en me regardant faire
Ah. Ah ! Si tu savais...
Je me contente de sourire - c'est décidément tout ce que je sais faire quand il est là - et prendre place en face de lui. Je nous coupe une part de gùteau chacun et lui propose une des boissons posées sur la table
-J'ai aussi des boissons fraßches dans le frigo si tu veux. Moi je n'aime pas trop, parce que ça me fait mal aux dents...
Mais qu'est-ce qu'il en a à foutre de ce que ça peut faire à mes dents ?
-A oui ? Moi c'est tout le contraire, j'aime sentir quand le froid rentre en contact avec mes dents. J'ai les dents bien solides, d'ailleurs,je mange souvent des glaçons. Mais on va faire une exception aujourd'hui
-Mais non ! J'ai euh.... du jus de mangue, euh... du...
-C'est bon, celui qui est Ă la papaye devant moi, conviendra parfaitement ! Dit-il en prenant la bouteille de jus.
Je pensais qu'il allait s'en suivre un silence de plomb mais non, on s'est mis à discuter. Enfin il a commencé à parler, je l'ai longtemps écouté - mais surtout regardé - puis j'ai réussi par je ne sais quel miracle à rebondir sur une de ses anecdotes. Et c'est ainsi qu'une heure aprÚs son arrivée, on est toujours en train de parler
-Oh là ! Il manque que ça. Fait-il en indiquant une petite quantité avec son pouce et son index. Et tu dÚtrÎnes ma mÚre
-Ah ce point ?
-Je t'assure et il faut prendre ça pour LE compliment suprĂȘme, parce qu'il en faut beaucoup pour la dĂ©trĂŽner. Ma mĂšre est un chef Ă©toilĂ© mĂ©connu du grand public
-Hummm permets moi d'en douter. Je trouve que c'est pas trĂšs objectif
-C'est en toute impartialité que je te dis ça et tu peux demander à toute ma classe de seconde, ils attesteront de la véracité de mes propos
-Ta classe de seconde ?! Répété-je en riant
-Ouaip....Gui-Gui, mon meilleur ami depuis l'enfance, et moi-mĂȘme avons risquĂ© nos jeunes vies pour leur faire goĂ»ter la nourriture de ma mĂšre. C'Ă©tait pendant la pĂ©riode des fĂȘtes de fin d'annĂ©e. Elle avait organisĂ© une rĂ©ception, et s'Ă©tait prĂ©parĂ©e en consĂ©quence: RĂ©veil Ă 4h, tour au marchĂ© pour avoir les premiers produits frais et tout ce qui va avec. A midi il fallait voir la quantitĂ© de nourriture qu'il y avait, c'Ă©tait dingue, on aurait dit qu'elle voulait nourir un rĂ©gimen. De retour pour le dĂ©jeuner, Gui-Gui et moi nous sommes introduits discrĂštement dans la cuisine, lorsqu'elle est partie envoyer la bonne acheter des produits manquants, puis avons embarquĂ© un mix de tout ce qu'elle avait fait avant qu'elle ne revienne. Mais on avait pas Ă©tĂ© assez rapide. Dit-il d'un ton faussement triste. J'ai jamais dĂ©campĂ© aussi vite de la maison. On a enfourchĂ© nos vĂ©los comme s'il s'agissait de motos et on a taillĂ© la route
Hein? C'est pas vrai !
Je ne m'attendais tellement pas Ă cette chute que je me mets Ă rire sans retenue !
-ArrĂȘte, je suis sĂ»re que tu me fais marcher !
-Non, je t'assure que c'est vrai. J'ai fui la maison tout le week-end et la semaine qui a suivi, sous recommandation de mon pĂšre " fils, tu n'aimes pas ta vie, reste chez Guislain jusqu'Ă la fin de la semaine. Je vais faire en sorte qu'elle ne te tue pas Ă ton retour". Mime-t-il avec une voix qui se veut grave
-Quoi, hihi ! Pour quelques plats ?
-Hey, hey ce n'était pas n'importe quels plats. Ils avaient été préparés par ma mÚre, ils avaient le goût de l'ambroisie, le nectar des Dieux !
-Pffff hihihi
Je ris de plus belle en voyant la tĂȘte qu'il prend quand il en parle.
-Ăa valait amplement les cinq minutes que nous avions passĂ©es Ă pĂ©daler comme des fous de peur qu'elle nous rattrape, mĂȘme si c'Ă©tait impossible. Je me suis senti comme un braqueur qui venait de rĂ©ussir le casse du ciel. En plus on Ă©tait tellement cons Ă l'Ă©poque, qu'on avait mis des petites bouteilles d'eau en plastique entre les chaĂźnes de nos vĂ©los, ce qui reproduisait le vrombissements des motos et nous donnait l'impression d'ĂȘtre sur des vraies motos
C'est plus que je ne peux supporter, pensĂ©-je en Ă©clatant de rire de plus belle ! Mes cĂŽtes implorent le silence afin que j'arrĂȘte de rire mais c'est impossible. Je l'imagine sur son vĂ©lo en train de pĂ©daler, un sourire de pritate victorieux aux lĂšvres malgrĂ© le vent qui fouette son visage... Et j'arrive Ă entendre le bruit ridicule des vrombissements, permis grĂące Ă la bouteille d'eau.
Je repars pour un autre fou-rire
-Roh, je te pensais pas aussi moqueuse...
-Non. Ai-je répondu en essuyant de mon index les larmes qui venaient de s'échapper. Snif, je ne le suis pas..hihi...snif... Pardon, je ne suis pas moqueuse, c'est de vous imaginer ton ami et toi sur vos vélo-moto ya guangzhou* qui me fait rire
Je me stoppe net quand les mots que je viens de dire font Ă©cho dans ma tĂȘte
Oh mon dieu ! J'ai pas dit ça, seigneur ne me dis pas que j'ai dit ça...
Qu'est-ce qui vient de me prendre là . A coup sûr, il va mal le prendre, se lever et partir sans demander son reste. Mais pourquoi il faut toujours que je foire tout ?
Je baisse la tĂȘte, honteuse et m'apprĂȘte Ă me confondre en excuse quand j'entends son rire, sonore et gaie. Je lĂšve la tĂȘte pour le regarder jeter la sienne en arriĂšre, me permettant de voir un large sourire sur les lĂšvres qui dĂ©voile une magnifique dentition. Il semble trĂšs loin d'une personne qui a mal pris mes propos. Je l'Ă©coute rire, sans le rejoindre savourant le son rauque faisant Ă©cho dans la piĂšce.
Il hoquette pendant de longues secondes, puis pose une main sur sa poitrine, comme pour se calmer
-Ah on me l'avait jamais faite, celle-lĂ . Pas mal, pas mal
-... Désolée...
-Parce qu'on avait des vélo-moto ya guangzhou ? Lance-t-il avant de recommencer à rire.
Son rire est vraiment communicatif pensé-je quand je finis par rire avec lui quelques secondes avant que mon regard ne se pose sur Kala, debout devant l'entrée du salon un sac MK, porté au pli du coude.
Elle porte une magnifique robe verte à manche courte, qui lui arrive aux les genoux, sur une paire de sandales à talons marrons foncés. Et ses cheveux soigneusement tirés dans un chignon lùche, affinent encore plus les traits de son visage parfaitement maquillé.
Le tout lui donne une allure assez élégante sans trop en faire.
Ăa n'en a pas l'air comme ça mais, elle a longtemps rĂ©flĂ©chi avant d'opter pour cette tenue. Je n'Ă©tais pas avec elle lorsqu'elle l'a choisie mais, je le sais. C'est ce qu'elle fait. Tout le temps. Elle ne se permet aucun "Ă©cart" vestimentaire " Tu ne sais pas qui tu peux rencontrer dans la rue, mĂȘme en allant chez le boutiquier, il faut toujours ĂȘtre soignĂ©". Me dit-elle constamment.
En la voyant, j'ai le réflexe de tirer sur mon t-shirt en coton gris, qui me paraissait adapté lorsque je l'ai mis et qui fait tùche maintenant. Ou c'est moi qui fait tùche.
Elle s'avance lentement vers nous et ce n'est que lorsqu'elle se trouve en face de Shomari, que je remarque son sourire contrarié. Celui qu'elle offre lorsqu'elle n'est pas contente
-Salut.
-Bonsoir Mayé.... Ari ? Je suis surprise de te trouver ici. Je pensais que tu devais sortir boire un verre avec un de tes amis ? Dit-elle à l'attention d'Ari
-Humm humm
Mince, elle plisse légÚrement les yeux, comme pour observer les moindres réactions de son visage. Comme si elle pensait qu'il allait lui raconter un mensonge.
Je sens qu'elle va lui poser plus d'une question, est Ă juste titre, ils sont ensemble, alors je dĂ©cide de discrĂštement m'Ă©clipser dans la cuisine, en emportant les assiettes vides de Shomari et moi mĂȘme.
Je vais faire la vaisselle en attendant
*****
Mais elle ne lĂąche rien celle lĂ ! C'est pas possible ?
Je passais étonnamment un bon moment avec Mayélà , à discuter de tout et de rien et ça me titille un peu qu'elle soit venue l'interrompre.
Ce n'est pas tout le temps que je vois, cette version de MayĂ©la. Celle oĂč elle est dĂ©tendue, souriante et surtout bavarde. D'accord, ce n'Ă©tait pas non plus le bavardage d'une charlataña mais comparĂ© Ă toutes les fois prĂ©cĂ©dentes oĂč je n'entendais que quelques bouts de phrases, c'Ă©tait Ă©norme.
J'ai aimĂ© notre Ă©change oĂč j'ai pu enfin entendre le son de sa voix, fluet et doux, sans les tremblements et les bĂ©gaiements. Et je ne pensais rester; je devais rĂ©cupĂ©rer mon portefeuille, puis retourner chez moi et vĂ©gĂ©ter devant un programme abrutissant mais je n'ai pas regrettĂ© mon changement de programme... Jusqu'Ă maintenant. Jusqu'Ă ce qu'elle apparaisse
Ăa va faire une semaine que je l'ignore intentionnellement. Celle-lĂ , j'en veux plus comme NPQR, ni mĂȘme comme mougou pan. C'est le genre de pĂ©tasse aussi dangereuse qu'un paludisme cĂ©rĂ©bral, qu'il faut Ă©viter comme la peste. En temps normal, mon radar flair ce genre de spĂ©cimen Ă 5km Ă la ronde, mais cette fois, il a Ă©tĂ© brouillĂ©, sĂ»rement Ă cause de MayĂ©la. Je pouvais pas imaginer qu'une fille comme elle marcherait avec ce genre lĂ .
Elle a vraiment cru qu'elle réussirait à me prendre pour sa nouvelle banque.
Je rigole intérieurement en me rappelant nos trois rendez-vous qui ont succédé notre nuit foireuse.
AprÚs m'avoir annoncé qu'elle avait ses choses de femmes, j'ai pris sur moi malgré la " pression" pour rester le plus courtois possible. Je voulais la raccompagner chez elle est enchaßner les longues minutes sous un jet glacial, mais, elle a tenu à dormir à la maison prétextant qu'il se faisait tard pour qu'elle rentre.
Un rire de gorge m'a Ă©chappĂ©. On ne se connaissait pas, c'Ă©tait la premiĂšre fois qu'on se voyait, elle venait de me chauffer pour me laisser, coagulĂ© et voulait quand mĂȘme rester.
La meilleure partie a Ă©tĂ© le moment oĂč elle m'a proposĂ© de lui faire visiter la maison, " pour faire passer le temps" avant de regarder des films.
J'ai pas voulu ĂȘtre grossier et lui ai simplement rappelĂ© qu'elle avait ses choses et que je ne disposais de rien pour l'arranger. Elle a paru déçue et irritĂ©e quand je l'ai raccompagnĂ©e.
MalgrĂ© toutes ses pĂ©ripĂ©ties, je l'ai rappelĂ©e le lendemain, afin de ne pas passer pour un connard frustrĂ© qui ne pense qu'Ă baiser -mĂȘme si la veille c'Ă©tait le cas. On s'est mĂȘme donnĂ©s rendez-vous pour prendre un verre, et c'est Ă partir de ce rendez-vous que mon radar, c'est lentement mais sĂ»rement remis en route.
En trois rendez-vous, dont le dernier de 10 min, j'ai découvert que la Kala rencontrée au supermarché qui me semblait juste ouverte d'esprit était en réalité une tchoukoumeuse. Une de ces filles dont l'ambition premiÚre est d'attraper un homme, un papa a pesa a tala té, disposant de ressources suffisantes pour satisfaire leurs désirs moyennant une prestation en nature. Une sorte de prostitution nouvelle génération que certains qualifie de nouvelle forme d'amour.
Ces filles m'horripilent à un point inimaginable, parce que beaucoup d'entre elles se font passer pour des modÚles de vertu, ce qui est le cas de Kala, alors qu'en réalité, elles ne sont pas mieux que les prostituées. Et encore, je trouve les prostituées plus respectables, au moins elles assument clairement ce qu'elles sont.
Je ne juge pas, chacun fait son argent comme il peut, le pays est dur, ses réalités le sont encore plus mais, seigneur ..... préserve ma queue des tchoukoumeuses.
En tant normal, elles ont de multiples clients, pardon, amants, et je pensais qu'aprÚs l'avoir autant négligé Kala comprendrait qu'elle ne m'aurait pas dans ses filets, mais il semble que non, elle ne lùche pas.
-Humm, humm ? Ce n'est pas une réponse.
-Je suis venu récupérer mon portefeuille et j'ai mangé une part de gùteau offert par Mayéla. Dis-je simplement
-Tu as rĂ©cupĂ©rĂ© ton portefeuille? OĂč ça ? Ici ?
-Oui, je l'avais oubliĂ©, le soir oĂč on a dĂźnĂ© ici.
Elle fronce des sourcils, l'air Ă©nervĂ© puis tourne sa tĂȘte en direction de la porte, comme si elle voulait appeler quelqu'un, sĂ»rement MayĂ©la, avant de se rĂ©tracter et reporter son attention sur moi.
-D'accord... Mais du coup tu es disponible lĂ , on peut aller boire un verre ?
-Euh... Non, non, je ne suis pas dispo, je vais pas tarder Ă le rejoindre
-Dans ce cas, je t'accompagne. Balance-t-elle enjouée
Elle fait exprĂšs de ne pas comprendre ?
Je cogite rapidement pour trouver une formule assez sympa qui voudrait dire " C'était marrant mais les tchoukoumeuses, c'est pas pour moi " quand Mayéla revient dans le salon et qu'une idée de génie me traverse l'esprit
-Oui, pourquoi pas, mais on va attendre MayĂ©la. Tu peux ĂȘtre prĂȘte dans combien de temps ? DemandĂ©-je Ă l'attention de MayĂ©la
Elle se retourne en posant sur moi de gros yeux ronds, pleins d'interrogations.
-Quoi ? Je...Je...de-de quoi, tu pa-parles ?
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*Mbata ya bakolo= la claque/ gifle des aßnés
*Guangzhou = canton de chine, mais utilisé pour parler des "chinoiseries"
*Mougou pan= relation sans lendemain
*Tchoukoumeuse= fille qui fait la vie
*Papa a pesa a tala té= papa donne, il ne regarde pas. Ce sont des hommes qui dépensent sans compter
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