Ça fait maintenant deux jours que je n'ose pas sortir de la maison. Je me gave de chocolats et de glaces. Assise sur le lit dans ma chambre, qui est totalement sombre, j'ai l'impression que le moindre rayon de lumière peut me transpercer le cerveau et la peau, comme si j'étais un vampire.
Mon téléphone sonne, encore, je le regarde de loin pour voir qui m'appelle. Maman. Encore. Je ferme les yeux et je laisse les larmes couler sur mes joues. Combien de temps vais-je encore continuer à la décevoir ? Quand est-ce que je pourrais la rendre heureuse ?
L'entendre me dire qu'elle est fière de moi ? J'en ai tellement marre de cette vie, j'avais cru enfin pouvoir tourner la page, recommencer une nouvelle vie dont j'aurais le contrôle total, dont je serai fière, avec une grande carrière dans la parfumerie. Mais tout, absolument tout tourne mal pour moi. À chaque fois que je pense avoir réussi à faire quelque chose de vrai, que je pense toujours pouvoir être heureuse, je me heurte contre un mur. Pourquoi ma vie est-elle aussi pathétique ? Aussi compliquée ? N'aurais-je donc jamais droit à ma part de bonheur ? Est-ce qu'un jour je pourrais enfin m'affirmer en tant que personne et révéler le potentiel que j'ai en moi ? Ça commence à me gonfler tout ça.
Je me couche encore une fois et je pleure. Parce qu'il n'y a que dans ce domaine que j'excelle. Je suis une fichue pleurnicheuse.
Je ne sais pas combien de temps j'ai dormi, mais quand je me réveille, une lumière aveuglante m'agresse les yeux, je les referme d'un coup. J'entends des pas dans la chambre et quelqu'un qui parle.
- Oui, j'y suis ne vous en faites pas Amanda, elle dort là.
- ...
- Moi aussi je suis inquiète pour elle, elle recommence à se morfondre, je ne vais pas la laisser sombrer, je vous appellerais quand elle ira mieux, bisous je t'embrasse.
Merde ! C'est Amélie. Ma mère a sûrement dû l'envoyer en renfort. Je n'aurais jamais dû lui donner le double des clés. Comment je fais moi maintenant pour me débarrasser d'elle ? On ne peut même plus être seul dans sa propre maison.
- Je sais très bien que tu ne dors plus.
- Tu peux fermer les rideaux s'il te plaît dis-je en me glissant sous la couverture.
- Je ne vais rien fermer du tout dit-elle en tirant sur la couverture d'un geste ferme.
- Eh mais arrête !
- Non toi arrête, dit-elle d'une voix furieuse. Toi arrête de te renfermer, de te morfondre. Arrête de te faire du mal bon sang ! Hurle-t-elle.
- Je ne mais pas du mal...
- Ah oui ? Alors dans ce cas que fais-tu ? Me coupe-t-elle. Tu fais des jours sans me parler, ta mère t'appelle sans jamais avoir de réponse, alors dis-moi comment on appelle ça si ce n'est pas une fuite ?
Je me tais un instant, sans savoir quoi dire.
- C'est vrai que vu comme ça, on pourrait effectivement penser que j'ai pris la fuite.
- Et ce n'est pas ce que tu as fait ? Me coupe t'elle encore.
- Peut-être que si tu me laissais parler, je pourrais en placer une ! Dis-je en sortant du lit. Je voulais juste être seule un moment.
- Mais seule pourquoi ?
- Parce que j'ai l'impression que je suis une ratée ! Hurlais-je. Tout ce que je fais se transforme en désastre, j'ai l'impression que je ne serais jamais heureuse, que je ne mérite pas de bonheur dans ma vie. Et quelle vie merde ! Je n'ai même pas de vie finis-je en m'effondrant sur le sol à côté de mon lit.
Mon amie s'avance vers moi, le regard emplit de larmes, elle s'agenouille en face de moi et me prend la main.
- Nathie, on traverse juste une mauvaise passe, nous finirons bien par trouver une solution, on s'en est toujours sortis jusqu'à présent et ça ne va pas changer, tu te rappelles de notre devise ? Toi et moi contre le reste du monde.
- Oui dis-je en souriant à travers mes larmes. Mais tu vois très bien ce que je veux dire. Ma vie est une succession d'épreuves, j'ai comme l'impression que je ne succède que les échecs. J'ai été mariée et regarde moi maintenant. Non, dit Amélie en se levant.
- Tu ne vas pas regretter de t'être mariée, d'avoir voulu être heureuse. Ce n'est pas de ta faute si ces gens n'ont pas pu voir le trésor qu'ils avaient entre leurs mains. Je ne te laisserai pas te flageller pour des gens qui n'en valent pas la peine.
- Je suis beaucoup trop naïve, je me laisse berner facilement vois-tu, regarde ce qui s'est passé avec Blanchard, c'est moi qui l'ai engagé, j'aurais dû voir que c'était un sale escroc !
- Ah non ! Tu ne vas pas te rendre responsable de tous les problèmes du monde bon Dieu ! Nous l'avons engagé ensemble tu t'en souviens ? Et je me rappelle même t'avoir dit que je le sentais bien. Que je voyais que c'était quelqu'un de bien. Tu veux blâmer quelqu'un ? Alors blâme moi aussi car moi aussi je lui ai fais confiance.
- Si tu savais comme je m'en veux...
- Moi aussi je m'en veux, mais qu'est-ce qu'on peut y faire ? Ce qui s'est produit est un concours de circonstances. Par contre tu ne résoudrais rien en restant cloîtrée ici ! Nous devons nous battre, nous devons sauver notre société. Où est donc passé ton désir de combativité ? Je croyais que tu avais décidé de reprendre le dessus.
- Oui dis-je en essuyant mes larmes. Je te jure que je ne fuis pas, je voulais juste prendre du recul. Essayer de réfléchir à tout ça, pour voir s'il y'a une solution.
- Écoute j'ai déjà essayé de réfléchir de mon côté, et je vais vendre la maison que m'a laissé grand-mère.
Je me lève d'un bon révoltée.
- Non ! Tu ne peux pas faire ça. Cette maison, Amélie l'adore, elle est située juste au bord de la mer, avec une vue magnifique, il n'y a aucune autre maison aux alentours et c'est justement cet environnement calme qu'Amélie et moi adorons. On a toujours rêvé d'y amener nos enfants en vacances.
- Mais on a pas d'autres solutions figure toi, en plus, ce n'est rien qu'une maison dit-elle en baissant la voix. On pourra en trouver d'autres.
- Ce n'est pas qu'une maison ! Si c'était le cas tu n'aurais pas mal au cœur juste en parlant d'elle. Je ne te laisserai pas te séparer du seul souvenir que ta grand-mère t'a laissé, surtout en sachant combien tu as dû te battre pour l'avoir.
En effet, pour avoir cette maison, Amélie avait dû affronter ses parents car ceux-ci estimaient que cette maison leur revenait de droit et qu'elle n'avait pas à en hériter, c'était il y'a un an. Et jusqu'à présent, ils ne s'adressent pas toujours la parole.
- C'est ma maison et ma décision est déjà prise.
- Et moi je m'y oppose, tu ne peux pas...
Je suis interrompue par le bruit de la sonnette de la porte. Qui ça peut bien être ? On en a pas fini toi et moi dis-je en voyant mon amie sortir de la chambre pour aller ouvrir la porte.
Je lui emboîte le pas et je vais me servir un verre d'eau dans la cuisine, puis je reviens au salon, quand je vois le visage agacé d'Amélie, je comprends tout de suite de qui il s'agit.
- Nathie, ma chérie.
- David... Merci d'être venu dis-je en allant le prendre dans mes bras.
Je vois mon amie lever les yeux au ciel. Et je lui fais de gros yeux pour lui dire d'arrêter tout de suite ce qu'elle fait. Je sais que les deux ne s'apprécient pas, mais il pourrait faire un petit effort pour moi tout de même ! David est mon petit ami.
Bon petit ami serait un peu trop, disons que nous nous fréquentons, et ma meilleure amie ne l'apprécie pas, elle le trouve beaucoup trop parfait, beaucoup trop gentil, tellement que ça en devient faux dit-elle.
Vous savez le genre d'homme, beau, grand, élégant et blond, le genre qu'on présenterait sans hésiter à sa maman et de surcroît il est français. Il est avocat et travaille dans un grand cabinet d'avocats.
- Tu vas bien ? Demande-t'il en déposant un baiser sur mon front.
- Elle a l'air d'aller bien d'après toi ? Demande Amélie d'un ton brusque.
- Amélie dis-je en la regardant avec de gros yeux.
- Non, elle a raison j'ai posé une question tout à fait idiote.
Un son bizarre sort de la bouche d'Amélie, un son qui résonne comme une espèce d'idiot. Je secoue la tête et je me tourne vers la fenêtre, je n'ai vraiment pas besoin de ça en ce moment.
- J'irais mieux ne t'en fait pas.
- Mais qu'est-ce qui s'est passé ?
- Non mais tu le fais vraiment exprès n'est-ce pas ? Tu n'as pas lu les journaux ou quoi ? C'est pourtant écrit partout, oriental smell a été volé par son conseiller financier.
- Je sais tout ça dis David en s'emportant, mais je veux qu'elle me raconte les choses d'un point de vue personnel.
- Il n'y a rien à dire David, les journalistes ont tout bien décrit. Et sans oublier aucun détail.
Un silence s'ensuit, plus aucun de nous trois ne parle. D'ailleurs qu'aurait-il à dire ? Absolument rien ! Nous sommes tous aussi surpris, aussi résignés.
- Je suppose que vous n'avez pas trouvé de solutions.
- Tu crois que si on avait une solution nous serions assises là à réfléchir.
- Amélie envisage de vendre sa maison de campagne.
- Oh dit-il en regardant dans la direction d'Amélie, sans vouloir t'offenser, je ne pense pas que ton argent servira à grand chose, tu vendras ta maison pour rien.
- C'est ce que je lui ai dit, je ne veux pas qu'elle vende cette maison ce serait un énorme sacrifice.
- Mais puisque je dis que ça me fait plaisir.
- Mais pas à moi vois-tu. Je refuse que tu te sacrifies encore pour moi.
- Je ne le fais pas que pour toi, cette compagnie est aussi la mienne. Nous devons sortir de là ensemble. Puisque tu as de si bonnes idées tu pourrais peut-être nous dire quoi faire monsieur je sais tout. Effectivement, je vais vous suggérer de vous trouver un investisseur.
Je le regarde dubitative, un investisseur, j'ai pensé à cela, mais que très brièvement, quel homme d'affaires censé voudrait investir dans une entreprise comme la nôtre ?
- Moi aussi j'y ai pensé, mais je ne pense pas vraiment que quelqu'un de censé voudrait investir dans une entreprise en faillite.
- C'est justement là où tu te trompes, de nombreux hommes d'affaires investissent dans des sociétés en faillite. Laisse-moi faire, je finirais par trouver.
- Vraiment ?
- Je ferais n'importe quoi pour voir ces yeux s'illuminer à nouveau.
- Merci beaucoup David.
Je lui serai éternellement reconnaissante s'il pouvait me sortir de ce mauvais pas.