Finalement, il se décida à aller dormir il reçut un grand « tchiippp » de la part de Nafi,sa femme, quand il se glissa sous la couette. Elle avait bien changé depuis la naissance de leur fille. Mais il l'aimait et lui pardonnait toujours ses écarts de langages. Même si ces temps ci ça devenait de plus en plus compliqué.
- ne t'avise surtout pas de me toucher...commença t'elle alors qu'il avançait lentement sa main.
Il suspendit son geste et poussa un gros soupir.
- Nafi, je suis ton mari...
- je m'en fiche...
Il renonçât et se tournât de l'autre côté. Et sans s'en rendre compte, l'image d'Assy se cachant derrière le frigo lui revint en mémoire....
Au même moment dans la pièce à côté, Assy se recoucha le cœur battant. Tonton Ibrahima l'intimidait. Elle le trouvait trop beau, trop clair, trop calme, trop gentil. Ses airs distants en faisaient un personnage totalement inaccessible. A chaque fois qu'il prenait la peine de lui parler, elle avait toujours cette impression bizarre. Cette sensation qu'elle ne pouvait expliquer. Oui, il l'impressionnait. Il était très attaché à sa fille et toute les conversations qu'il avait eu avec elle jusque là la concernait. Oui, Sophie, malgré sa maladie était la chouchou de son papa. Ça se voyait qu'il aimait sa fille. Elle le voyait comme le père qu'elle n'a jamais connu. Oui, elle l'appréciait beaucoup. Elle finit par s'endormir en pensant à lui....involontairement
Le lendemain, après son travail habituel, elle se préparait pour rentrer. Comme c'était la fin du mois, elle avait vraiment espéré que tata Nafi lui remettrait de l'argent. Elle voulait donner à sa mère pour qu'elle puisse passer sa radio. Heureusement qu'elle travaillait. Elle était prête depuis une bonne heure mais attendait un peu en espérant que tata Nafi l'appellerait pour lui donner son argent. Fatou, l'autre bonne se moquait d'elle.
- Toi rentre. Tata Nafi depuis ce matin ne cesse de riposter en disant que tu l'énervais. Même si elle avait ton argent, elle ne te donnera rien.
- aye Fatou, ne dis pas ça. Ma mère est souffrante et je n'ai que 300 f sur moi...
Elle a rigolé, sans aucune pitié pour la pauvre Assy
- et ton thiof là qui t'appelle tout le temps. Il ne peut pas te donner l'argent pour acheter un médicament à ta mère ?
Elle ne comprenait pas Assy. Elle pourrait avoir tous les hommes à ses pieds et pourtant, elle ne parle que de ce type qui apparemment n'est même pas capable de lui offrir du crédit pour appeler. Et elle ne semblait pas se rendre compte de tout ce qui lui passait sous le nez
- Fatou, laisse mon Elhadj. S'il le pouvait, il me donnerait tout ce qu'il a. Mais pour le moment, il n'a pas les moyens.
- tchhiippp tu m'énerve Assy. Tu n'as vraiment aucune ambition.
- Merci...répondit-elle en souriant. Attend que je rentre walay...on ne me donnera rien.
- et tu vas faire comment pour les médicaments de ta mère ?
- je ne sais pas. Tu n'as pas 5000 à m'avancer ? Je te rembourse dès que j'ai de l'argent.
A ce moment tonton Ibrahima est rentré à ce moment dans la cuisine avec Sophie sur ses talons. Elles se sont tues toutes les deux, intimidées par sa présence. Tonton Ibrahima forçait le respect par sa prestance. Il a prit une bouteille d'eau avant de ressortir rapidement.
Elle en profita prendre congé car Fatou refusait de lui avancer la somme d'argent. Elle ne savait pas trop comme faire en s'avançant vers l'arrêt des cars quand elle fut rattrapée par la voiture de tonton Ibrahima. Sans aucune parole, il descendit juste la vitre et glissa dans ses mains une liasse de billet de banque. Avant qu'elle ne puisse réagir, il était déjà parti. Elle est restée sur place des minutes à regarder la voiture s'éloigner. Il y avait 40 000 ; exactement sa paie. Tient peut être que finalement tata Nafi avait changé d'avis se dit-elle ravie. Sans trop se poser de question, c'est d'un pas plus léger qu'elle a attendu le bus qui devait l'amener dans la lointaine banlieue de Pikine. Là ou depuis quelques années, sa mère avait trouvé une chambre en location.
- Bonjour maman, je suis là, dit-elle toute heureuse de retrouver sa maman. Il faisait tard et le chemin a été long depuis Ouest foire jusqu'à Pikine.
- Assy, namenala. Si tu savais comme je suis seule en semaine sans toi.
Elle s'est blottie dans les bras de sa mère en quête d'affection, de chaleur humaine. Elle s'en voulait tellement de la laisser seule avec son frère pendant toute la semaine.
- mais ou est Abdoulaye ? demanda t'elle soudain, remarquant son absence
C'était son jeune frère. Il avait une dizaine d'année, mais passait son temps à trainer dehors avec ses copains au lieu d'étudier. Ce comportement a toujours énervé Assy qui quand elle était là, le cherchait dans tout le quartier avant de le ramener en le tirant par le col ; après il s'en suivait toujours une petite séance de bastonnade, ou la pauvre s'en sortait parfois tellement fatiguée qu'elle se jurait de ne plus la taper ce petit chenapan, car il ne se laissait pas faire. et à force de regarder la lutte, il avait acquis des techniques de défenses incroyables.
- je ne sais même pas. Ton frère n'est pas vraiment de bonne compagnie. Je n'aime même pas le voir, sinon, il m'énerve.
- aye maman, et tu le laisse trainer comme ça. Comment il va étudier alors.
Et c'était parti pour une discussion houleuse sur la manière d'éduquer Abdoulaye. Mais elle n'était pas disposée à aller le chercher. Elle était trop fatiguée. D'ailleurs, alors que sa mère lui racontait sa semaine, elle avait déjà commencé à somnoler, la tête posée sur sa cuisse, ne faisant pas attention à son téléphone qui sonnait dans son sac.
Maman Saly regardait sa fille dormir. La pauvre. Elle n'a même pas eu le temps d'aller faire le tour des chambres voisines pour dire bonjour. La vie n'a pas été tendre avec elle. Du tout. Et pourtant, ceci n'a pas toujours été le cas. Au contraire. Le père d'Assy, Souleymane, était un riche commerçant, très réputé et très connu dans la ville. Il faisait la fierté de sa famille et leur belle maison des Sicap ne désemplissait jamais. Tout leur souriait, mais il avait un vice. Les jeux. Chaque jour, il faisait le tour des casinos et des salles de jeux clandestins, à la quête d'un jackpot à décrocher. Tant que ses affaires marchaient, ça pouvait passer. Mais quand son activité a commencé à chuter, son vice a vite été mis à nu. Maman Saly a alors fait le tour des marabouts pour l'aider à se séparer des salles de jeux. Sans succès. Au bout de quelques années, non seulement, il s'est retrouvé sans le sou, mais en plus, il devait beaucoup d'argents à ses fournisseurs et autres collègues de jeux car il mettait tout en jeux. Quand les dettes ont commencé à l'assaillir, sans aucune considération pour sa famille, il a décidé de quitter le pays. Sans prévenir personne. Même pas sa propre femme qui du jour au lendemain s'est retrouvé envahi par une kyrielle de créanciers qui venait lui réclamer de l'argent. Elle a vendu ses bijoux, ses habits, les meubles tout de qu'elle avait de valeur pour essayer de s'en sortir. Mais ceci n'a pas suffit. La maison était sous hypothèque et, dans l'impossibilité de rembourser les échéances, elle a finalement été saisie. Oui, Saly, se retrouvait du jour au lendemain sans maison, et surtout sans soutien. Sa belle famille s'en lavait les mains, traitant Souleymane de tous les noms d'oiseaux et oubliant les largesses dont ils ont bénéficié. Elle a été obligée de chercher du travail et de déménager. Son dernier fils venait juste d'avoir 2 ans tandis qu'Assy réussissait avec brio son entré en sixième dans une prestigieuse école privée. Le changement a été brutal. Aussi bien pour elle que pour ses enfants. Mais c'est Assy qui en a le plus souffert