Assy...
Assy...
Aujourd'hui elle a un peu trainé les pieds pour aller en cours. La volonté était là, mais le corps ne répondait plus. Elle était trop fatiguée. La journée de travail a été vraiment laborieuse. Très. Plus que d'habitude. Elle n'avait même pas eu le temps de revoir ses cours et de se préparer pour l'évaluation qu'elle devait avoir ce soir. Dommage. Il était déjà presque 17 heures et elle risquait d'être en retard. Elle a pressé les parts en réfléchissant sur sa capacité à soutenir ce rythme.
Mais elle ne pouvait pas laisser tomber ce travail car ça lui permettait de payer ses cours du soir à l'école. Son petit salaire lui permettait aussi d'aider sa mère et d'avoir de quoi garder en poche pour ses petits besoins. En plus, elle tenait vraiment à décrocher son bac cette année. Elle avait échoué l'année précédente malgré tous les efforts qu'elle avait consentie. Manque de chance comme l'on dit pour la plupart de ses connaissances. Mais malgré tout, cet échec a été terrible pour elle car elle s'était donné corps et âme pour ce diplôme. Surtout qu'elle n'avait pas de temps à perdre. Non, elle devait réussir rapidement. Elle a même pensé à laissé tomber et se chercher un travail pour aider sa mère. Mais cette dernière a refusé, estimant qu'elle se devait de persévérer pour les sortir de cette situation. Et elle était prête à tout pour ça.
Mais elle refusait que sa mère se tue au travail pour financer ses études. Non, elle en avait suffisamment fait pour elle. A 19 ans, elle devait maintenant se prendre en charge. Elle avait donc décidé cette année de se chercher du travail et de s'inscrire à des cours du soir dans une école privée et de passer à nouveau le BAC. Ce n'était pas la première fois qu'elle travaillait. Chaque année, elle le faisait pendant les vacances pour avoir de quoi s'acheter des fournitures et s'inscrire.
Mais juste après son échec, elle a cherché un travail plus stable et sa mère l'a mis en rapport avec Tata Nafi. Cette dernière cherchait une baby-sitter qui pourrait s'occuper de sa fille Sophie, âgée de 5 ans et atteinte de troubles mentaux et qui avait des problèmes pour évoluer en milieu scolaire. C'était une enfant difficile qui nécessitait beaucoup d'attention et demandait beaucoup de temps. Heureusement qu'elles s'entendaient bien ensemble, mais quand Sophie était agitée, c'était des journées très éprouvantes pour elle et elle les passait à lui courir après, et à essayer de la calmer. C'était éprouvant. Et en plus elle devait aussi lui faire son linge et de temps en temps, quelques menus autres travaux de la maison, qui était assez grande. C'était Fatou qui s'occupait de la cuisine, mais elle était tellement fainéante qu'elle se déchargeait toujours sur elle. Même si s'occuper de Sophie était laborieux, elle avait beaucoup d'affection pour cette petite et cédait à ses moindres caprices. Il lui arrivait de la porter au dos malgré son poids pour l'apaiser car elle adorait cette position. Oui, parfois ce n'était pas facile et c'est à ce genre de journée qu'elle a été confrontée aujourd'hui. Mal tombée. Le jour ou elle avait une évaluation en SVT. Elle travaillait le matin et se rendait à ses cours de 17 heures à 20 heures. "On ne réussir pas en entreprenant deux choses à la fois dit -on" Surtout avec Tata Nafi qui était toujours sur son dos
Comme elle s'y attendait, elle savait à la sortie de l'évaluation qu'elle était complètement passée à côté du sujet. Elle n'avait même pas le cœur à commenter avec ses camarades de classe les pièges qu'il fallait éviter, elle savait que de toute façon, elle n'avait pas bien travaillé. Non, elle avait juste envie de se reposer. Heureusement que demain, c'était samedi. Elle pourra rentrer chez elle et avoir un peu de liberté. Dans le bus qui la ramenait à son lieu de travail ou elle passe toute la semaine, la sonnerie de son téléphone a interrompu ses pensées. C'était sa mère.
- allo, maman...
- ma fille, je n'ai pas eu de tes nouvelles toute la semaine. Je m'inquiétais.
Elle a soupiré.
- tu as raison maman. Cette semaine, Sophie était très agitée. Je m'endormais dès que je posais ma tête sur l'oreiller.
- massa ma fille...
- Je suis dans le bus et je t'entends mal. Dès que je descends je vous rappelle.
Avant qu'elle ne range son téléphone, il sonna à nouveau. Cette fois c'était Elhadj. Son chéri. Enfin si on peut l'appeler comme cela. Leur relation était trop compliquée ces temps ci et elle n'avait pas trop le cœur à parler avec lui. Plus tard peut être. Elle a donc préféré le zapper en se disant que de toute façon, il rappellerait. Dès qu'elle est arrivée, elle a eu droit aux éternelles réprimandes de tata Nafi.
- Assy, c'est à cette heure que tu viens ? Je dirais à ta mère qu'au lieu de rentrer directement de tes cours, tu traines jusqu'à des heures impossibles
- mais tata, ce sont les embouteillages...
- embouteillage, embouteillage....dit' elle en continuant à rouspéter. Et puis j'ai trouvé Sophie affamée et avec des couches sales. Si tu n'es pas capable de bien t'occuper d'elle, il faut me le dire que je cherche une autre. Je commence à en avoir assez ; chaque jour tu me prétextes des cours et tu la laisses avec Fatou toute sale et sans lui donner à manger.
- mais tata, walay, j'ai changé sa couche et je lui ai donné à manger avant de partir.
- tu mens. Cria-t-elle. Et puis tu te tais quand je parle...
Assy a baissé la tête. Complètement abattue par autant d'injustice. Pourtant, comme d'habitude avant d'aller en cours, elle lui avait donné un bain, changé sa couche et ses habits avant de lui servir un gouter avant de partir, le laissant à Fatou, qui devait attendre le retour de tata avant de quitter. Mais cette dernière ne faisait aucun effort avec la petite et disait qu'elle était trop sale et impolie.
- je te paie beaucoup d'argent pour que tu t'occupe d'elle. Si ce n'était pas ta mère Assy, je t'aurais renvoyé depuis....
- Nafi arrête voyons...
C'était Tonton Ibrahima, le mari de tata Nafi. Lui était plus calme, plus pondéré et surtout semblait se rendre compte de tous les efforts que fournissait la pauvre Assy pour s'occuper de leur fille.
- c'est bien la première fois que tu as une bonne qui accepte de rester aussi longtemps et pourtant tout le temps tu es sur son dos. Arrête voyons...dit-il sur un ton un peu énervé.
Nafi a vu rouge. Elle n'aimait pas être contredite. Surtout devant les employés de maison. Et de surcroit par son mari.
- oh toi, tu ne m'énerve pas. Ce que je dis ou pas à Assy ne te concerne pas. Arrête de toujours prendre sa défense en me faisant passer pour la méchante...je la considère comme ma petite sœur.
- toi tu ne fais absolument rien pour Sophie...tous les jours, tu ne t'occupe que de ta boutique...
Assy ne voulait pas assister à cette scène. Elle s'est discrètement effacée et est allé retrouver Sophie dans sa chambre. Son rayon de soleil. Oui, malgré son handicap, elle adorait cet enfant. Elle avait hérité des beaux traits maures de son père. Ibrahima Aidara. Dès qu'elle la vit, elle a laissé tombé la poupée qu'elle martyrisait pour venir se jeter dans ses bras.
- Asshyy...cria t'elle.
Depuis qu'elle était sa nounou, elle était arrivée à lui faire dire quelques mots alors qu'à son arrivée, elle ne faisait que crier ou s'enfermait dans un silence total. Oui, elle avait fait des progrès. A cinq ans, elle portait encore des couches car n'étant pas capable de s'exprimer quand elle voulait faire ses besoins. Mais de plus en plus, quand elle était à la maison, elle la laissé sans couche pour lui apprendre à devenir propre. Mais sa maman n'appréciait pas. Comme d'habitude. Comme à chaque fois qu'elle voulait prendre l'initiative pour l'aider à grandir. Elle lui criait dessus en lui disant de se limiter à ce qu'elle lui demandait de faire. Mais malgré tout, elle aimait cette petite.
- pourquoi tu as fait pipi dans la couche ma chérie ? Je t'ai demandé d'aller dans les toilettes si tu as envie de le faire. Et puis regarde comment tu as sali ta belle robe. C'est bien ça ? dit-elle gentiment en lui montrant l'énorme tache sur sa belle robe
Elle a compris et a secoué la tête. Assy a continué à discuter avec elle comme à une grande personne en lui racontant qu'elle est passée à côté de son évaluation et la pauvre petite l'écoutait silencieusement, souriant même parfois comme si elle comprenait ses états d'âme. Elle l'a changé et elles sont sorties pour aller diner quand elle a encore entendu des éclats de voix du couple Aidara depuis leur chambre. Elle a paniqué un moment, se sentant un peu responsable de cette dispute. Elle ne voulait pas. Tonton Ibrahima parlait peu et était très discret. Tout le contraire de sa femme.
Aujourd'hui, elle a diné avec Sophie, qui depuis quelques temps, et sous son insistance commençait à manger toute seule. Eh oui, avec beaucoup de patience, elle est arrivée à beaucoup de chose avec cette petite. Elles étaient à choisir qui terminera le diner quand tata Nafi est revenu dans la cuisine le visage sombre et lui a lancé un regard incendiaire. Elle a alors baissé la tête, rêvant juste d'avoir des pouvoirs qui lui permettrait de disparaitre dans ce genre de situation embarrassante. N'eut été sa mère et l'amour qu'elle portait à cette pauvre petite, elle aurait laissé tombé ce travail depuis belle lurette. Ça faisait bientôt un an qu'elle supportait les sautes d'humeur de tata Nafi et ça commençait vraiment à lui peser. Et pourtant elle faisait tout ce qu'elle lui demandait, sans jamais se plaindre et Dieu sait que parfois c'était difficile de s'occuper de Sophie. Mais elle ne disait jamais rien. Elle avait des scrupules pour cela.
À la maison, il y avait aussi la sœur de tata Nafi, Dina, et aussi Pape, un neveu de Tonton Ousmane. Ils étaient tous les deux étudiants à l'université et c'était Dina qui s'occupait de chauffer le diner et de servir. Tata Nafi et son mari dinait habituellement seul au salon tandis que le reste des sourghas, mangeait dans la cuisine dans une bonne ambiance.
Plus tard, couché sur le matelas au pied du lit de Sophie, elle essayait tant bien que mal de trouver le sommeil. Elle avait rappelé sa mère qui lui avait dit être allé à son rendez vous médical, mais le médecin lui avait prescrit une radio à faire. Elle se demandait vraiment ou elle allait trouver cet argent. Surtout qu'elle a du dépenser le peu qu'elle avait gardé pour réparer son téléphone que Sophie avait jeté contre le mur dans un de ses accès de colère. Elle se tournait et se retournait quand son téléphone a vibré. C'était encore Elhadj. Elle a décroché en soupirant
- Ma chérie, j'ai essayé toute la soirée de t'appeler. Commença t-il
- Oui, mais j'étais occupé, répondit-elle dans un souffle. Elle ne voulait pas réveiller Sophie, ni Dina qui dormait aussi à côté sur l'autre lit.
Elhadj aimait Assy. Un peu trop selon ses amis. Il ne voyait pas sa vie sans elle. Ils s'étaient connus alors qu'elle avait juste 16 ans et il a été attiré par sa beauté insolente, son innocence juvénile et son caractère timide. Il a eu dès le début envie, besoin de la protéger car il la sentait fragile, perturbée. Et quand il a su sa situation familiale, il l'a encore plus pris sous son aile, essayant comme il pouvait de la guider dans le droit chemin en l'encourageant pour ses études. Mais malheureusement c'est tout ce qu'il pouvait faire. Il était simple instituteur et son maigre salaire ne pouvait pas beaucoup l'aider, surtout qu'il était soutien de famille et la grande famille à Podor attendait tous les mois l'envoi de son argent pour vivre. Mais il avait tellement d'ambition pour elle. Il voulait faire d'elle sa femme, la mère de ses enfants. Mais sa jalousie maladive était en train d'avoir raison de la belle relation qu'il était en train de construire. Et il y avait de quoi. Assy grandissait. Sa beauté s'affirmait, ses traits se distinguaient, ses belles formes ne passaient plus inaperçues, mais heureusement qu'elle ne s'en rendait pas vraiment compte. Non Assy était tellement timide qu'elle ne relevait pas la tête quand elle marchait dans la rue. Elle ne se rendait pas compte qu'elle avait des yeux magnifiques, un teint caramel que lui enviaient la plupart des femmes et surtout un visage...oui, elle était belle. Elhaj est un homme jaloux . Il ne supportait pas qu'elle reste toute la semaine à son lieu de travail. Il avait l'impression qu'elle lui échappait, qu'elle se forgeait un nouveau caractère. Non, il n'aimait pas cette situation. Mais comme à chaque fois qu'elle venait les week-ends et qu'il se voyait, il ramenait le sujet, ça finissait en dispute et Assy repartait souvent en larme, ne comprenant pas tout ce qu'il lui reprochait au final.
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