Chapitre 5 Question d'honneur

Le lendemain matin, Sania et Malec dorment tous les deux près du camp. Leur nouveau garde du corps est également assoupi non loin. Mais un son au loin le fait se relever immédiatement. Il dort, certes, mais que d'un œil a priori. Bromir s'approche des deux adolescents. Il s'accroupit près d'eux et secoue doucement Malec. Celui-ci ouvre un œil et reconnaît immédiatement l'homme penché sur lui. Sania est contre lui, il n'ose donc pas bouger pour ne pas la réveiller.

- Ne bouge pas, ne t'en fait pas je comprends. Que faites-vous ici ?

- Elle s'entraînait avec Imar.

Bromir tourne la tête vers le concerné qui reste immobile.

- Pourquoi ?

- Elle veut devenir plus forte pour te faire revenir sur ta décision d'hier. Si elle peut me contrôler, pas besoin de garde ni d'enfermement.

Le chef hoche la tête tout en soupirant. Elle est tenace ça ne fait aucun doute. Elle est comme ses parents après tout. Digne héritière de son rang. Il n'aime pas agir contre elle, mais son statut de chef l'oblige à prendre certaines décisions difficiles.

- Très bien. Venez me voir dans la journée. J'aurais quelque chose à vous proposer.

Le jeune homme accepte et Bromir les laisse là. Malec se réinstalle et se rendors tout en caressant les cheveux ondulés de Sania. Il est encore tôt et, de toute manière, c'est un jour de repos.

Plus tard dans la journée, il lui explique la visite de son père et ils se rendent alors auprès de lui. Lorsqu'ils entrent dans son bureau, il se met face à eux et entre directement dans le vif du sujet.

- Tu as une semaine.

- Une semaine pour quoi ?

- Une semaine pour me prouver que je peux revenir sur ma décision. Prouve-moi que tu es suffisamment forte pour gérer le pouvoir de Malec et ça sera bon pour moi.

- Et comment je te prouve ça ?

- Tu devras me battre.

Sania se fige sur place. Il est le plus puissant de toute l'Organisation, le battre est impossible...

- Mais... Personne ne t'a jamais battu. Comment je pourrais le faire ? Même Imar ne pourrait pas et c'est lui qui nous surveille.

- C'est la condition. Si tu me bats, je vous laisserai tranquille. Si tu n'y parvient pas, Imar restera avec vous jusqu'à ce qu'on trouve une solution.

La détermination se lit clairement dans le regard de Sania. Elle hoche la tête et quitte la pièce avec son ami qui lui court après.

- Attends tu es sérieuse là ? Tu vas vraiment te battre contre ton père ?

- Si c'est ce qu'il faut pour qu'on nous laisse tranquille, oui je le ferais.

- Mais c'est insensé ! Je ne t'ai jamais demandé ça ! Je suis d'accord avec leur décision, pourquoi toi tu ne l'est pas ?

- PARCE QUE C'EST INJUSTE !

Tous ceux autour d'eux se retournent en entendant le cri. Les plus anciens comprennent pourquoi elle agit ainsi, quand les plus jeunes sont étonnés. Malec prend la jeune fille par le bras et l'emmène plus loin. Une fois à l'écart des oreilles indiscrètes, à l'exception de Imar bien sûr, ils reprennent leur discussion.

- Écoute Sania, je ne comprends pas. C'est moi qui devrait être énervé. Mais on dirait que tu prends les choses beaucoup plus à cœur que moi. Pourquoi ?

- Parce que tu ne mérites pas ça.

- Mais as-tu seulement pensé à ce que je pouvais ressentir en sachant que tu vas droit vers un combat perdu d'avance contre ton propre père ?

Sania ne dit rien. C'est vrai qu'elle ne s'est pas préoccupé de ce qu'il pensait jusque là... La culpabilité se fait ressentir en elle.

- Je n'aime pas ça... J'ai l'impression d'être un fardeau et de m'immiscer entre toi et tes parents...

- Je suis désolée. Je n'y avais pas pensé...

- C'est bien le problème. Tu pars en croisade pour moi mais je ne t'ai rien demandé !

Ces mots blessent Sania. La peine se lit sur son visage. Malec s'en veut immédiatement mais il ne peut s'empêcher de ressentir cette colère depuis la décision de la veille.

- Je sais que tu ne veut pas que je fasse ça, mais laisse-moi essayer. Si je perds, j'admettrais ma défaite et n'insisterai plus. Laisse-moi juste tenter cette ouverture.

- Pourquoi tu fais tout ça ?

- Parce que c'est toi. Tu es tout pour moi Malec. J'aime mes parents, mais je ne peux pas les laisser te faire ça. Je veux que tu sois avec moi à chaque instant. Peu importe que tu ai des pouvoirs ou pas. Je te connais, tu es incapable de faire ce que dit cette satanée prophétie. Ce ne sont que des paroles en l'air pour nous effrayer.

Malec reste bouche bée un instant devant cette déclaration. Il ne s'attendait pas à ça.

- Et si c'était vrai ?

- Alors je ferais en sorte que ça change. Rien n'est figé ! Je ne t'abandonnerais pas. Jamais !

Il ne peut se retenir et se précipite sur elle pour l'embrasser. Toute la colère qu'il ressentait s'est évanouie. Il luttera avec elle. Ils restent l'un contre l'autre un moment quand ils se souviennent qu'ils ne sont pas seuls. Ils jettent un regard vers Imar qui a finalement eu la décence de se retourner pour les laisser un peu tranquille.

Forts de cette nouvelle détermination, ils retournent s'entraîner. Imar sert de partenaire de combat à Sania et Malec l'aide à mieux gérer ses mouvements et placements. Elle est déjà très forte, mais l'objectif est qu'elle soit imbattable.

Avec l'autorisation du chef, les deux adolescents ne retournent pas en cours. Il part du principe que si elle a une semaine pour se préparer, il faut lui laisser cette semaine entière, sans autre contrainte. Sania passe des heures à s'entraîner. Imar est parfois remplacé par un membre du Conseil, notamment par Ian qui veut régulièrement jauger l'avancée de niveau de la jeune fille. Elle devient de plus en plus forte, ça ne fait aucun doute. Elle maîtrise maintenant presque toutes les techniques de combat à l'épée et au corps à corps. Tous ses gestes ne sont que réflexes. Il lui suffit donc de réfléchir à la stratégie à adopter pour prendre le dessus en fonction de son adversaire. Ainsi, le changement de combattants lui permet d'apprendre ces nuances. De nombreux autres élèves viennent également soutenir l'entraînement. À certains moments, ils l'attaquent à plusieurs pour ne laisser aucun répits à Sania, l'obligeant à prévoir les coups à l'avance.

Des rapports sont régulièrement faits à Bromir. Lui aussi veut connaître la situation, non pas pour prendre le dessus, mais pour voir jusqu'où sa fille est prête à aller pour tenir parole. Elle représente le futur de leur groupe, il doit donc la tester régulièrement maintenant qu'elle est en âge d'aller en mission. Et il doit avouer que pour celle-ci, il est particulièrement content de constater qu'elle tient parole et donne le meilleur d'elle-même. Comme à chaque fois finalement.

Après quatre jours de combats intensifs, Sania est épuisée. Malec insiste pour qu'elle prenne au moins une journée complète de repos. Elle accepte à contrecœur, estimant que ce n'est pas assez. Mais elle est bien obligée de reconnaître que ça commence à être dur. Ils vont donc directement dans la salle des repas, qui sert également de salle commune de repos. Ils s'installent dans de larges fauteuils installés devant un grand feu crépitant et discutent de tout et de rien jusqu'à ce que la jeune fille s'endorme. Malec en profite pour observer les alentours, les gens s'affairent à leurs occupations dans cette immense salle. Les plus jeunes s'amusent avec leur nourrice, les plus anciens parlent entre eux quand d'autres font juste quelques activités. Il finit par observer celle qui l'intéresse le plus. Elle a noué ses long cheveux roux en une tresse relevée en chignon pour ne pas être gênée. Son visage est apaisé lorsqu'elle dort. Cela change de ces derniers jours... Il tend la main vers elle et caresse doucement son visage.

- Merci...

C'est la seule chose qu'il parvient à lui dire à ce moment-là.