Forcés de se marier
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Chapitre 4 Chapitre 04

Mon grand-père Massaër, mon ami, celui qui m'a toujours défendu, qui m'a toujours conseillé, qui m'a toujours gâté... non, je n'arrive pas à croire qu'il va nous quitter.

Impossible.

La mort n'est-elle pas réservée aux personnes âgées ? Il est vieux, oui, mais pas assez pour nous quitter.

- Faites-le pour lui. Vous avez toutes les belles femmes à vos pieds, veuillez lui faire plaisir avant qu'il ne meure !

Je me lève et je sors du bureau parce que je ne veux plus rien entendre. Je monte dans ma chambre et me dis que je suis dans un cauchemar épouvantable, que je vais bientôt me réveiller.

Je secoue la tête, dans l'intention d'effacer cette confession de papa. Non non, mon grand-père est trop gentil pour mourir.

* * *

* *

Je ne pouvais pas dormir. Cette histoire m'a affaibli, carrément aplati. Comment est-il possible que l'homme le plus gentil du monde puisse nous quitter. Un très long soupir s'échappe entre mes lèvres.

Toujours perdu dans mes pensées, Marie m'y retire en entrant dans ma chambre sans frapper.

- Hé! C'est quoi cette tête ? Elle me demande l'air heureuse en plongeant sur le lit.

Je la regarde, voulant cacher toutes les expressions de mon visage, mais elle me connaît trop bien.

- Comment vas-tu, Cheikh ? Elle demande à nouveau, me faisant lever la tête, l'air plus sérieux.

- Il va mourir.... Je lâchai enfin d'une voix qui tremblait presque.

Elle s'approche de moi, cherche mon regard.

- Qui va mourir ?

Il est évident qu'elle n'est pas au courant de l'état de santé de grand-père. Alors je choisis de lui mentir.

- Daaaaah ! Je t'ai fait avouer, dis-je en me forçant à un large sourire, qui avait le don de lâcher un soupir de soulagement après quoi elle me donne une belle et légère claque.

- Tu as gagné! Mais il est évident que vous n'avez pas bien dormi, vous avez des cernes.

- Ouais c'est vrai, dis-je en passant ma main sur mon visage. C'est à cause du décalage horaire. En plus, j'ai passé toute la journée d'hier à dormir.

- Ouais... et merci pour les cadeaux. Je les adore tous.

- De rien Marie, c'est tout à fait normal.

- Le petit déjeuner sera servi dans dix minutes, m'informe-t-elle en se levant du lit.

- D'accord je viens.

Elle quitte la pièce en laissant la porte grande ouverte, ce que je déteste le plus.

- Venez la fermer ! Elle me crie de me chercher.

Un sourire se forme involontairement sur mes lèvres puis je sors du lit pour refermer la porte. Ceci fait, je ferme les yeux, gonfle mes poumons d'air et expire lentement en me dirigeant vers la salle de bain.

Après avoir pris ma douche, j'enfile un jean noir et un t-shirt puis descends. Toute la famille est déjà à table. J'embrasse ma mère puis Marie. Pour les autres, j'émets, à mon tour, une légère pression sur leurs épaules et arrivée au niveau de mon grand-père, je ne peux m'empêcher de le serrer dans mes bras. Alors que je me retourne, mon regard croise celui de mon père. Bizarrement, je ne pouvais pas le regarder droit dans les yeux.

Pendant que tout le monde discute et rit au petit-déjeuner, je joue avec la nourriture en pensant à tout et à rien. Parfois mon regard est fixé sur mon grand-père, parfois je me mets à penser au mariage dont mon père m'avait parlé la veille.

Mariage... mariage. Quelle est son utilisation ? S'ils veulent des petits-enfants, je peux féconder des filles tout de suite et dans quelques mois leur rêve deviendra réalité. Pourquoi compliquer la vie? Cependant, connaissant ma famille et ses nombreuses chartes, je dois tout faire en suivant les "règles" pour ne pas faire l'objet de la prochaine réunion de famille qui se tient tous les six mois.

Pendant un moment, alors que personne ne s'y attendait, je me surprends à me racler la gorge.

- Excusez-moi, j'ai des nouvelles à vous annoncer.

Tous les regards sont alors braqués sur moi. Je me tourne légèrement pour faire face à grand-père parce que je veux voir sa réaction.

- Je me marie.

- Sérieusement? Souriait le vieil homme que je n'arrêtais pas de regarder depuis un moment, les yeux brillants. Dieu merci, enfin une bonne nouvelle ! Dis-moi Cheikh, tu es sérieux ? Il me demande sans s'arrêter de sourire.

- Bien sûr, je réponds en forçant un sourire.

Mon père me regarde d'un œil conquérant mais je ne lui prête même pas attention. Quand nos regards se croisent, je ressens une sorte de gêne, une sorte de barrière entre lui et moi...

- Qui est la fille chanceuse? me demande ma mère en souriant jusqu'aux oreilles.

- De toute façon, on ne veut pas n'importe quelle fille, me dit mon père sans quitter son assiette des yeux.

Je sais qu'il fait référence à Arame. Elle est mannequin et est en même temps Miss Sénégal. C'est juste qu'elle aime se montrer et n'est jamais en vitesse de descente. Ses passions sont les boîtes de nuit, les soirées chaudes et des trucs comme ça. Elle n'a pas bonne réputation dans ce pays car elle est soupçonnée de faire partie d'un gang mafieux, mais je n'y crois pas du tout. Elle fume, d'accord. C'est une fille très sordide, c'est vrai, et elle a tendance à s'enivrer, mais qu'est-ce que tu veux ? Nous sommes au XXIe siècle, n'est-ce pas ?

- C'est vrai, continue grand-père d'une voix sage, il ne faut pas laisser n'importe qui ruiner notre réputation en salissant notre nom de famille.

- Ne vous inquiétez pas, je ne vais pas épouser Arame, leur dis-je sans trop réfléchir. Mais qu'est-ce qui ne va pas chez moi?

- Enfin! crie Marie en posant bruyamment ses poings sur la table. Jusque-là, elle ne parlait pas mais se contentait de regarder les gens qui parlaient. Et dès que j'ai dit que "l'élue" n'est pas ma "petite amie", elle a commencé à participer à la discussion. Elle se lève, fait le tour de la table à manger pour venir me faire un câlin.

- Je t'aime frère, me murmure-t-elle.

- Eh bien, je vous félicite, ajoute mon père.

- Merci, je réponds lentement et à contrecœur. C'est ma seule réponse.

- Est-ce un Sénégalais ? Demande ma mère visiblement très heureuse.

- Cent pour cent sénégalais !

- Qu'attendez-vous pour nous la présenter ?

Je ris nerveusement. Pour être honnête, je ne sais même pas ce que je dis. Je ne pense plus. Comment vais-je faire ? Comment vais-je me trouver une fille, ou plutôt une femme si facilement ? C'est vrai que je n'ai qu'à passer un coup de fil et que le premier que je rencontre dira oui sans réfléchir, mais je n'ai pas à prendre une décision si facilement. Je dois d'abord réfléchir, réfléchir soigneusement. J'accepte de partager ma vie avec une femme, pour qu'elle connaisse ma vie privée, essaie de me contrôler... Non merci, pas question. Je trouverai un plan pour m'en sortir.

- D'accord, je vais au bureau. J'ai un rendez-vous dans trente minutes, nous informe papa en quittant la table.

- Je te retrouve là-bas dans deux heures, lui dis-je.

Il hoche la tête et quitte la salle à manger après avoir embrassé maman.

- Je suis très content Cheikh ! S'il vous plaît, elle doit venir passer la journée avec nous un jour !

- Ne sois pas si pressée maman !

- C'est le plus beau cadeau que tu m'aies jamais fait, avoue Papy, très souriant dans son fauteuil roulant.

J'essaie quand même de sourire en détaillant les yeux, je n'arrive toujours pas à y croire. Il va vraiment mourir ? Dieu n'a pas le droit de me faire ça. Je ne lui ai jamais rien demandé et je le respecte. Il n'a donc pas le droit de me le prendre...

- Est-ce qu'elle te rend déjà fou ? Jette ma sœur sur moi pour me sortir de mes pensées.

- Laisse-le tranquille, il est très timide tout d'un coup, ma mère me défend des moqueries de ma sœur.

Sidy n'a pas dit un mot mais continue de me lancer des regards éloquents avec un sourire pervers dans le coin. Lui et moi nous connaissons bien. Il ne croit pas à cette histoire de mariage, pas une seule fois. Néanmoins, je trouverai une solution, j'en trouverai une pour m'en sortir...

POV de Safiétou

Deux semaines se sont écoulées depuis la mort de mon oncle. Je n'aurais jamais pensé qu'il pouvait autant me manquer. Même s'il était impoli et même cruel avec moi, je l'aimais toujours et je ne m'en rends compte que maintenant. Qu'il repose en paix.

Son départ a aggravé ma situation. Ma tante est devenue pire que le diable. Même si la religion l'oblige à être plus calme et pieuse pour le repos de l'âme de son défunt mari, elle ne manque jamais une occasion de me menacer de me jeter dehors avec son regard éternel. Et si elle le fait un jour, que deviendrai-je ? Je ne connais personne. Les autres membres de ma famille m'ont rejeté comme impur. Mon Dieu, je vous supplie de me soutenir dans toutes mes épreuves. C'est trop en ce moment et je pense que je n'ai plus ma place dans cette maison.

Adama a déménagé. Apparemment, son père a obtenu une très grosse promotion et elle vit désormais dans l'un des quartiers les plus huppés de Dakar. Ça me fait un peu peur parfois parce qu'elle est loin de moi maintenant. Elle aura d'autres amis riches, présentables et fréquentables. J'ai surtout peur qu'elle m'oublie. Avant de partir, elle m'a donné la somme de cinquante mille francs pour que je puisse subvenir à mes besoins jusqu'à ce que nous nous revoyions. Elle était la seule personne avec qui j'ai passé la plupart de mon temps et que j'ai eue pendant des années. C'est ma seule amie car, à cause de mes cousins ​​et de ma tante, ils ne m'aiment pas tant que ça dans notre quartier. C'est comme si j'étais un être inférieur à leurs yeux, une sorte d'être vivant répugnant... J'ai une belle vie, non ?

Sans vous mentir, des idées sombres, pas très catholiques me traversent parfois l'esprit et j'aimerais les appliquer pour m'en sortir définitivement. C'est dur. Je ne souhaite ma vie à personne, très sincèrement.

Assis sur un petit banc en bois dans la cuisine, je mange tranquillement un sandwich que j'ai acheté avec l'argent que m'a donné mon ami. Ces jours-ci, la vie est très belle de mon côté parce que je mange bien. Il y en a sûrement qui se disent "Mais c'est normal de manger". A tous ceux qui me lisent, je jure que pour moi, manger à ma faim est un luxe, un privilège, un don du Ciel. Ce n'est pas quelque chose que j'ai tous les jours.

Coumba, ma cousine, me retrouve dans la cuisine en train de savourer ce moment. Après m'avoir longuement dévisagé avec mépris, elle échoue sans que je lui accorde la moindre importance.

- Hé, m'appelle-t-elle comme d'habitude. Ma mère veut te parler.

Elle part immédiatement après ces mots. Je me lève à mon tour, pose le reste du sandwich sur une assiette, refait mon pagne puis me dirige vers la chambre de ma tante Wouly.

Toc Toc Toc

- Vous pouvez entrer, dit la voix de ma tante.

J'enlève mes sandales sur le pas de la porte, respire profondément avant d'entrer. Mon cœur bat déjà la chamade car à chaque fois qu'elle m'appelle, c'est toujours pour m'insulter ou me reprocher des choses sans importance.

- Tu m'as appelé Tata ? je lui demande en me tenant devant elle.

- Oui, asseyez-vous.

Je prends place par terre, sur la moquette tachée de poudre de maquillage même si je ne l'ai nettoyée que ce matin. Coumba se lime les ongles, mal assise sur une chaise et Soda est de l'autre côté du lit, en train de s'épiler les sourcils.

- Safiétou, commence ma tante. Tu sais, c'est ton oncle Badara qui t'a amené dans cette maison sans me consulter, mais je n'ai rien dit. Il a tout fait pour vous, pour votre bien-être comme si vous étiez sa propre fille. Nous vivions tous de sa maigre pension. Il n'est plus aujourd'hui et tu sais très bien que je ne peux pas faire ce qu'il a fait pour toi.

Je lève les yeux, réalisant d'où elle vient. Je la supplie déjà des yeux pour qu'elle ne dise pas les choses qu'elle a en tête, tout sauf ça...

- Tu es assez grand, poursuit-elle. Maintenant, vous pouvez prendre soin de vous, vous pouvez commencer par trouver un emploi et...

- Maman pourquoi tu tournes autour du pot ? Coumba lui demande avec un regard méprisant qu'elle me lance. Rapidement, elle se lève de son siège et marche vers moi...

- Il est temps pour vous de quitter cette maison. C'est mon père qui t'a amené ici, n'est-ce pas ? Il est parti et vous n'avez plus qu'à le suivre !

Je me lève et passe devant elle pour m'approcher de ma tante. A genoux, je la supplie de ne pas me mettre dehors, de me laisser ici pour les servir s'ils veulent, mais la vieille ne me regarde même pas.

- Ma tante ne me fais pas ça ! Je n'ai nulle part où aller... je continue d'une voix étouffée par mes sanglots étouffés dans ma gorge. Et sans me laisser finir ce que j'avais à dire, Coumba me tire très violemment par le bras pour que je me lève.

- Vous n'avez nulle part où aller ? Mais la rue est très grande, dit-elle en ouvrant les bras avec arrogance. Ou si tu n'en as pas envie, va chercher cette chienne là-bas, ta chère amie Adama, poursuit-elle, les yeux rouges de haine.

Pendant qu'elle parle, je secoue la tête comme si, par ce geste, j'avais le pouvoir de chasser ses paroles de mon cerveau ; et malgré mes yeux fermés, mes larmes coulent, mes narines sont bouchées et ma voix est complètement saccadée.

- Je t'en prie, dis-je enfin dans un murmure.

- Mais qu'attendez-vous pour sortir ? Crie Coumba visiblement sur les nerfs. Salut maman, j'ai failli oublier. Lui as-tu donné de l'argent ?

- Non pourquoi? Répond Tata Wouly avec un air qu'elle voulait innocent.

- Safiétou, dis-nous comment tu as payé ce sandwich, espèce de voleur ! Wallay* si jamais je découvre que c'est encore mon argent que tu as volé, tu finiras à l'hôpital !

- C'est quoi ton problème Coumba Gaye ? Je t'ai trop laissé faire juste par respect mais là tu dépasses vraiment les bornes !

- Tu n'es qu'un sale voleur.

- Tata, dis-lui que je n'ai rien volé. Demande-lui de cesser de m'accuser à tort, dis-je en m'adressant à mon tuteur d'une voix tremblante et le cœur gros. Mais celui-ci ne dit rien ; elle se contente d'un simple sourire démoniaque et rien de plus, qui me fait mal et me donne des frissons dans le dos en même temps.

- Sale voleur, répète-t-elle en me regardant droit dans les yeux et c'est comme si quelqu'un me poignardait le cœur.

- Sale garce, je lui crache dessus sans détourner le regard. Mais à la suite de ces mots, un bruit très sonore retentit au niveau de ma joue.

Taf !

Je viens de recevoir une gifle de Soda, à qui je ne me suis pas encore adressé. Et pris d'une rage soudaine, je la gifle à mon tour sans prêter attention à Tata Wouly.

- Respecte-moi Soda, je ne suis pas ton égal, mal éduqué !

- C'est vous qui devez nous respecter. Qui pensez-vous que vous appelez ma soeur une pute? me demande Soda avec une insolence dont elle seule a le secret.

            
            

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