Yolande enfile ses habits en le regardant submergé par la honte.
-On devrait éviter d'être seuls. Avoue-t-il.
-Je pense aussi. Le Diable est partout.
-Il faut qu'on se marie, je n'en peux plus Babe. Dit-il en prenant sa main.
-Ça ne dépend que de toi Dou.
-Tu as raison. Et dire que j'ai failli te perdre à cause de ma mère. J'étais à un doigt d'annuler pour lui faire plaisir, le jour où tu m'as dit que tu étais partie de chez toi.
-Pardon ? Crie Yolande.
-Oui Erika. J'avais trop de pression et j'ai failli commettre une bêtise. Je t'appelais pour te quitter.
-Sors de chez moi, Bashir. Ordonne-t-elle calmement.
-Tu dis ?
-Tu as bien entendu. Va sous les jupes de ta mère. Dehors ! Je ne veux plus te voir.
-Babe...
-C'est bon, va-t-en s'il te plaît. Pendant que moi je me suis mis à dos les miens, toi comme un traître tu as pensé à me quitter. Je me demande si tu en vaux la peine.
-Ecoute Erika. L'essentiel c'est qu'on va se marier bientôt.
-Je ne sais pas s'il y aura toujours mariage. Je suis déçue Bashir. Je te le redemande, quitte cette maison.
-Je reviendrai quand tu te seras calmée.
Elle lui jette la porte à la nuque, s'y adosse en se tenant la tête.
Donc cela serait déjà finie Si elle n'avait pas parlé en premier ce jour-là ? Si elle ne lui avait pas dit qu'elle avait été renié ? Est-ce qu'il reste par amour ou par obligation ?
Quand le Tout puissant, Azawajel décide, qui peut l'empêcher ?
-Non non, Ndella. Bashir m'a énervée et je suis dans mon droit. C'est normal que je lui en veux. Je t'interdis de le défendre.
-Je ne le défends pas Yoyo. C'est vrai qu'il est inexcusable mais certaines choses ne se pardonnent pas, ça se comprend.
-Comprendre quoi ? Qu'il s'en est fallu de peu pour qu'il me quitte ?
-La pression Yolande. La pression...
-Je subissais une pression aussi. Trouve autre chose à dire. Dit-elle en tournant la tête.
-Il ne pouvait pas savoir la pression exercée sur toi et toi, tu ne pouvais connaître la douleur dans laquelle il était. Yolande, comprends que vous devez essayer de vous comprendre. Un couple, parfois ça pense différemment. Il faut essayer de se mettre à la place de l'autre et surtout, je te le dis souvent, communiquez. C'est quelque chose que tu ne dois jamais refuser de faire. En le renvoyant de chez toi, tu fuis le dialogue et c'est mauvais.
-J'étais énervée Ndella. Tellement de pensées négatives se bousculaient dans ma tête, je voulais juste ne plus le voir.
-Tu es appelée à être son épouse et vous vivrez dans une maison familiale. Tu ne peux pas faire sortir ton mari de la chambre dès qu'il y a dispute. Tu dois prendre sur toi. Oui Petite soeur ! Ne me fixe pas comme ça.
-En fait, pour le mariage, je lui ai fait croire en quelque sorte que c'est annulé. Dit-elle le doigt dans la bouche.
Ndella éclate de rire.
-Toi même tu sais que c'est faux. Tu n'y as jamais pensé. Yolande, à d'autres s'il te plaît.
-Qu'est-ce que je fais maintenant Ndella ? Il me manque.
-Tu sais ce qu'il te reste à faire bébé. Bon, il est tard. Il faut qu'on rentre.
Les deux amies se font la bise avant de se quitter pour rejoindre leur voiture.
Yolande n'allait pas bien depuis ce jour. La dispute entre elle et son chéri à créé une forte souffrance dans son coeur. Elle n'imaginait pas aimer quelqu'un de cette manière. Au point de pleurer pour lui la nuit. Elle ne voulait pas prendre ses appels car elle était furieuse contre lui. À force de penser négativement, elle se torturait. Elle regrettait déjà avant d'en avoir parlé à sa meilleure amie. Et celle-ci a été encore plus sage. Sa phrase concernant la pression l'a beaucoup marqué.
Peut-être que Bashir avait réfléchi comme ça car il était acculé. Les manières de gérer les problèmes étaient opposées pour les deux.
Elle avait décidé de prendre le bon côté des choses, d'oublier cette histoire et de se concentrer sur son couple. La vie est courte et les détails freinent.
3 jours sans Bashir, c'était le calvaire. 72 heures sans le voir, 4320 minutes sans lui parler et 259200 secondes sans l'écouter... Non, elle n'en pouvait plus.
Elle dépose son sac et ses clés sur la table en faisant un bruit lascif. Assise sur le tabouret de sa cuisine, elle hésite entre l'appeler demain ou le faire tout de suite. Erika opte pour la dernière.
1......2......3
-Allô ? Erika ? S'exclame Bashir, incrédule.
-Tu me manques. Annonce-t-elle en boudant.
-Tu me manques aussi Babe. Murmure-t-il comme s'il se confiait.
-Alors qu'est-ce que tu attends pour venir ?
-Sérieusement ? Tu... Tu veux que je te ramène quoi ?
-Je veux juste ta barbe et tes bras.
-J'arrive tout de suite.
Elle raccroche puis fait le tour de son appartement avec ses yeux. Heureusement que tout est propre. Elle avait nettoyé ce matin avant de partir travailler.
Erika n'est pas une de ces bourgeoises qui ne font que de la manucure avec leurs doigts. Elle sait s'occuper d'une maison et faire les plats de chez elle.
En effet, sa nounou étant sénégalaise lui a appris toutes ces choses. Bambi lui a inculqué des valeurs propres à sa culture telle que l'hospitalité, le partage, l'entraide, la modestie et l'altruisme. Elle la faisait participer aux travaux domestiques. Cette dame était un membre de la famille. Malheureusement elle est décédée il y a quelques années des suites d'une courte maladie.
En outre Yolande a vécu à la Cité Claudel (là où les étudiantes sont logées à l'université de Dakar). Elle n'a jamais rechigné sur le fait de vivre en communauté bien que souvent, ses camarades avaient un regard quelque peu hautain à son égard. Elle était mise de côté et elles parlaient wolof quand il y avait des discussions sans savoir que Yolande parlait leur langue.
Oui la jeune niçoise maniait bien la langue de Kocc. Au début, elle comprenait sans pouvoir répondre, après elle s'exprimait avec des fautes. Puis c'était devenu assez limpide. Ndella et Bashir sont les seuls à le savoir.
Là bas, à l'université, lorsque les mets du restaurant universitaire étaient à la limite... Infâmes, elle cuisinait pour elle-même ou apportait sa cotisation pour un repas partagé.
En déduction, Yolande Erika Dupuy avait sa manière à elle d'être sénégalaise. Seules les autochtones ne le sont pas, les allochtones peuvent le devenir : elle en est la preuve.
Rafraîchie et en jogging. Elle s'attaque au dîner. Au frigo, il y avait des frites, de la viande hachée et une sauce oignons qui restait.
La viande marinée dans un saladier avec de l'ail, du gingembre, du poivre moulu, du sel avec du parmesan râpé, elle forme des boules qui passent d'abord au bain marie avant d'être cuites à double face sur une poêle. Les frites deviennent vite dorées, elle sert dans un plat moyen orné de tomates cerises.
Très peu d'ingrédients mais un met copieux. Sa nouvelle vie ! Elle économise et s'évertue à se contenter de ce qu'elle a.
La cuisine désodorisée, elle va s'asseoir au salon pour l'attendre. Lui, son Sunshine.
Elle ouvre la porte et le laisse entrer.
-Bonsoir. Dit Bashir.
-Bonsoir, fais comme chez toi. Lui demande-t-elle le visage serein.
-J'ai ramené des glaces.
Il lui tend les sachets. Elle le remercie en les prenant puis les range au congélateur.
Yoyo rejoint son invité dans le salon. Posée en face de lui, il ne regarde pas dans sa direction. Elle devine qu'il a honte.
-Il faut qu'on parle. Introduit-elle.
-Je voulais m'excuser Babe. J'ai entièrement tort et je le regrette beaucoup.
-Je n'ai rien à te pardonner Bashir. Je comprends, j'ai compris tardivement que nous sommes tous les deux victimes de pression. Je n'ai pas essayé de me mettre à ta place.
-Tu ne pouvais pas deviner ce qui se passait avec ma mère. J'ai failli flancher mais je ne l'ai pas fait. Tu ne m'as pas laissé me justifier.
-Ça ne se reproduira plus. On s'était promis que quoiqu'il arrive, on devait préconiser la communication. J'ai été dominée par ma colère or c'est toi qui m'a appris à rester calme peu importe la situation.
-J'ai l'impression que tu culpabilises à ma place Erika.
-J'ai ma part de responsabilité aussi.
-Tu es si.... Unique. Dit-il en s'asseyant à ses côtés. J'ai beaucoup de chance de t'avoir dans ma vie.
-Moi aussi Bashir. Je voudrai juste que tu réfléchisses bien, à l'avenir, avant de prendre une décision. Souviens toi que je suis là, on est amis d'abord. Recueilles mon avis au préalable et sache que je ne serai jamais un poison dans ta vie. Je t'aime trop pour ça. Ndella et toi, êtes la seule famille que j'ai à Dakar. Si tu me tournes le dos à la première occasion, je ne survivrai pas.
-Ça n'arrivera jamais. Je te le jure sur ce qui m'est le plus cher. Dit Bashir, le regard fixé sur le sien.
Automatiquement, ils se prennent dans leurs bras pour une accolade longue, se promettant d'essayer de ne plus se disputer.
-Viens, nous allons dîner. Tu as faim j'espère.
Il se lève en prenant la main qu'elle lui a proposé.
Erika installe son chéri sur la table à manger, elle réchauffe ce qu'elle venait de préparer et entre temps, place les couverts et torchons propres.
Le repas sous ses yeux, elle s'assoit sur la seule chaise en face de lui.
-Bonne dégustation. Souhaite Bashir en la regardant tendrement.
-Merci. Elle baisse le regard, soudain intimidée.
Après quelques bouchées en silence, le marin porte sa fourchette à la bouche de sa douce. Celle-ci sourit et accepte avant de faire de même. Il l'a reçue en dévoilant une sensualité déstabilisante. Il a cette façon à lui seul de lui faire perdre ses moyens. Par un regard, un sourire ou juste une moue. Yolande sent une excitation naître à la plante de ses pieds, traverser ses mollets, pénétrer ses cuisses pour exploser dans son ventre. Elle baisse de nouveau la tête, gênée par cette situation. Gênée parce qu'il la connaît trop bien, il sait comment la faire réagir. Avec un détail.
-Arrête. Lui demande-t-elle en coupant un bout du morceau de pain qu'elle tenait.
-Quoi ? Dit-il en la regardant l'air amusé.
-Rien. Mange s'il te plaît.
-Tu es belle. Dit-il pince sans rire.
Là, elle perd les pédales. Ses doigts tremblent ainsi que sa lèvre inférieure. Elle saisit la carafe pour se servir un verre d'eau.
-Dama diongue Yolande. (Je suis coquin)
Elle reprend sa fourchette retenant un rire.
-Tu comprends ce que j'ai dit ?
-Oui Bashir. J'ai compris.
-Je suis coquin et toi tu es très réceptive, trop réceptive même. Notre mariage ne sera pas ennuyeux.
-Ah bon ?
-Tu t'enflammes pour le peu que je te montre, si je fais plus... Hun.
-Ok !
Elle continue de manger sans rajouter un commentaire.
Repus, elle fait la vaisselle avec l'aide de son chéri puis ils retournent au salon avec une coupe de glace dans la main. Recroquevillés sur le canapé, ils discutent de choses et d'autres en se caressant certaines parties du corps parfois inconsciemment.
Plus tard, Bashir décide de la mettre au lit puisqu'il faisait tard et que demain, c'était la routine du boulot pour elle. Face à son refus, il était catégorique. Il fallait qu'il la borde avant de quitter son appartement.
En pyjama, Yoyo le rejoint sur son lit à elle. Il installe sa tête sur sa cuisse pour lui caresser régulièrement les cheveux.
-Merci pour tout ce que tu fais.
Il rit en mimant un chut doux.
-Babe, c'est avec toi que je connais le bonheur. Tu es pour moi le gît trouvé par un errant. Tu es le souffle après une suffocation, la résurrection après la mort, l'eau dans un désert, la pluie lors d'une disette, le miracle d'un condamné, la bouteille d'un ivrogne, la portion alimentaire d'un affamé. En gros, Erika, tu es une nécessité pour moi.
-Et toi, tu es tout. Absolument tout ce que je veux. Mon essentiel ! Déclare-t-elle en posant ses lèvres sur ses doigts.