Chapitre 5 No.5

L'enseignant se rapprocha de Mani.

- Tu as bien travaillé !

- Merci beaucoup, est-ce que tu pourrais me dire qui est cet homme ?

- Tu parles de Timmy ?

- Le gars avec son violon, comment est-ce qu'il arrive à faire ça ?

- À faire quoi ?

- Rendre la musique classique si vivante !

- Tu voudrais le rencontrer ?

- C'est possible ?

- Peut-être...

Il allait LE rencontrer ! Il suivit sans hésiter son professeur mais chaque pas qui le rapprochait de LUI le rendait de plus en plus nerveux. En effet, lui n'était rien, même s'il jouait du violon depuis plus de dix ans, après l'avoir entendu jouer il était comme un débutant...

Ils arrivèrent devant la loge, son professeur toqua et Mani entendit :

- Entrez !

Ils entrèrent et IL était encore plus impressionnant maintenant qu'il était face à lui.

- Salut Timmy.

- Salut, Pierre, comment ça va ?

- Ça va bien, je t'amène un de mes étudiants. Il a beaucoup de talent mais il semblerait qu'il n'aime pas la musique classique.

- Ah bon ? demanda Théotime.

- C'était avant... Maintenant que j'ai écouté votre musique, tout est différent.

- Quel est ton nom ?

- Je m'appelle Mani.

Pendant une minute, Théotime sembla être perdu dans ses pensées, regardant Mani ; puis il se reprit.

- Ravi de te rencontrer Mani ! Je suis Théotime mais tout le monde m'appelle Timmy.

Le professeur raconta les petits problèmes de Mani comme son manque de rythme puis Théotime se rapprocha de Mani.

- Voudrais-tu que je te montre des petites astuces ?

Mani sentit le sang monter à ses joues, sa timidité l'avait emporté. Il ne pouvait plus parler mais secoua la tête en signe d'approbation.

- D'accord, disons demain après tes cours. Je viendrai à l'académie de musique.

- Merci beaucoup, put finalement dire Mani.

- Très bien, attends-moi dehors maintenant, lui demanda son professeur.

Mani sortit et attendit son enseignant. Ils devaient se dépêcher, il était bientôt deux heures du matin, l'heure du couvre-feu.

Il écouta à la porte et entendit quelque chose à propos de son manque de rythme et de son talent. Son professeur demanda ensuite à Timmy pourquoi il voulait tant l'aider. Il répondit qu'il voulait aider la nouvelle génération. Il lui demanda alors d'être prudent, que ce n'était pas le moment...

Mani ne comprenait pas de quoi ils pouvaient bien être en train de parler... Finalement, son professeur sortit et ils se dépêchèrent de rentrer à vélo.

- Comment l'avez-vous rencontré ?

- On était dans la même académie de musique, c'est-à-dire la tienne !

- Il est vraiment talentueux.

- Il était et est toujours le meilleur, répondit l'enseignant.

Le jour suivant fut très long pour Mani qui voulait vraiment revoir Théotime, entendre à nouveau sa musique et bien sûr apprendre tout ce qu'il pourrait de lui. Mais après le repas, une appréhension commença à grandir, il ne pouvait pas lui montrer son niveau, il n'était pas assez bon...

Son stress le tuait littéralement. Il décida donc de ne pas aller aux cours de l'après-midi pour répéter encore et encore. Après quatre heures de répétition, il entendit quelqu'un toquer à la porte.

- Oui, répondit-il.

Il LE vit entrer, il était encore plus brillant que la veille.

- Je ne te dérange pas ?

- Bien sûr que non.

- Comment vas-tu ?

- Je vais bien et vous comment allez-vous Théotime ?

- Je te l'ai déjà dit, tout le monde m'appelle Timmy... et je vais très bien.

- Désolé, mais je trouve que Théo vous va tellement mieux.

- Ah bon ? Personne ne m'a jamais dit ça.

- Je suis désolé, je ne voulais pas... bredouilla Mani.

- Non, pas de problème, disons que tu seras le seul à m'appeler Théo ! répondit-il en souriant.

Mani regarda ses pieds et tenant son violon serré, il hocha la tête pour dire oui. Il ne pouvait pas cacher le sourire qui illuminait son visage.

- Peut-être pourrais-tu me montrer ce dont tu es capable et je verrai alors comment je peux t'aider au mieux ?

Mani prit son violon et commença à jouer mais ses doigts avaient joué pendant si longtemps qu'ils ne répondaient pas comme il le souhaitait. Il était si frustré de ne pas pouvoir montrer ce qu'il savait faire qu'il préféra tout arrêter.

- Pendant combien de temps as-tu joué avant mon arrivée ? demanda Théo.

- Tout l'après-midi, répondit Mani se mordant les lèvres parce qu'il avait ruiné toute chance d'obtenir de l'aide de la part de Théo.

- Du coup, tes doigts ne répondent plus...

- Comment vous le savez ? Mon niveau est vraiment meilleur, je suis désolé, je voulais juste vous montrer quelque chose de bien comme vous m'avez montré hier... Euh, je ne suis pas en train de dire que j'ai le même niveau... Je voulais juste que vous soyez, en quelque sorte, fier de moi... Mais maintenant, vous devez vous dire que vous êtes en train de perdre votre temps avec moi.

Mani se tourna, il pouvait sentir des larmes de frustration couler sur ses joues. Théo ne s'attendait pas à ça. Jamais personne n'avait encore voulu le rendre fier.

- Je suis vraiment honoré que tu aies voulu me montrer le meilleur de toi-même. Maintenant, dis-moi plutôt pourquoi tu as choisi d'être un artiste ? demanda Théo.

Mani essaya de parler aussi clairement qu'il le pouvait, en espérant que Théon'entendrait pas les sanglots dans sa voix.

- Tout est à cause de la guerre. Je ne voulais ni travailler dans les champs ni devenir un soldat.

- Je ne peux pas croire ça.

- Quoi ? demanda Mani en se retournant pour lui faire face.

- Regarde-toi. Quelqu'un qui n'aime pas profondément la musique ne pourrait pas se mettre dans un état pareil parce qu'il n'a pas pu donner le meilleur.

- Non, c'est juste que mon monde a changé après vous avoir entendu hier.

- Vraiment... Pourquoi ?

- Votre musique, votre façon de jouer... Même seul, vous avez donné l'impression d'être accompagné par un orchestre sur scène.

- Ah, tu as été touché par ma musique.

Mani acquiesça.

- Donc cela n'a rien à voir avec moi, tu as toujours aimé la musique. Tu as juste rencontré celui qui a fait vibrer ta corde personnelle.

Mani prit le temps de réfléchir. C'était vraiment ce qu'il avait ressenti la veille, comme si la musique de Théoavait résonné en lui.

- Vous pensez que je pourrais, moi aussi, jouer un jour une musique qui fasse vibrer les gens ?

- Tant que c'est ton objectif, je suis sûr que tu y arriveras !

- Merci beaucoup, répondit Mani en souriant.

- Mais avant tout, tu dois avoir le rythme. Peux-tu mettre un disque dans le gramophone, s'il te plaît ?

Mani mit la septième symphonie de Beethoven dans le gramophone et la musique envahit la salle de cours.

- Viens-ici, maintenant.

Mani se rapprocha de Théo alors que violons et clarinettes se mélangeaient pour créer des harmonies.

- Pour avoir le rythme, tu dois ressentir la musique. Est-ce que tu peux me dire ce que Beethoven a essayé de dire au travers des instruments ?

Mani était face à Théo et après avoir écouté quelques secondes, il répondit :

- Je ne peux pas, tout ce que je peux faire, c'est imaginer ce que les instruments essayent de me dire.

Théo sourit.

- Et qu'essayent-ils de te dire ?

- Je ne sais pas... Pour moi, c'est comme un dialogue entre les clarinettes et les violons. Les clarinettes essayent de rejoindre les violons mais les violons étant trop différents, ils les grondent.

- Mais...

- Mais... Quand les clarinettes et les violons jouent ensemble, cela amène une nouvelle dimension à la musique... C'est encore plus fort...

- Très bien. Il ne faut jamais sous-estimer les clarinettes et c'est valable pour toi. Un jour, tu trouveras le violon qui te fera te sentir plus fort !

Mani sourit, il savait que ce violon se tenait face à lui...

- La musique est si forte et touche les gens parce que les instruments jouent ensemble au bon moment.

- Je ne comprends pas, répondit Mani.

- Écoute, dit Théo posant la paume de sa main sur le torse de Mani.

Mani un peu surpris sursauta mais garda les yeux fixés sur Théo.

- Si les clarinettes jouent trop tôt avec les violons la tension ne sera pas à son maximum, c'est un peu comme lire la dernière page du livre en premier.

Mani acquiesça et Théo se rapprocha.

- Et si les clarinettes jouent trop tard, la tension est redescendue et... c'est juste trop tard. Le momentumest crucial.