Kinnaras
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Chapitre 4 No.4

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Le sanglot long des violons

Paris 1942, La France est occupée par l'armée allemande. Les Français sont divisés en deux types de populations : ceux qui aident les Allemands, appelés les « collaborateurs » et ceux qui n'ont jamais accepté l'occupation, appelés les « résistants ». La vie est difficile, il n'y a pas grand-chose à manger ni à boire. Le couvre-feu est de rigueur et seuls les membres de l'armée allemande ont accès aux lieux de divertissement tels que les restaurants ou les cinémas.

Mais le pire reste de ne pouvoir faire confiance à personne sous peine d'être dénoncé aux milices allemandes...

- Mani, ce n'est pas possible, suit le rythme voyons ! Tu dois jouer dans un orchestre, pas faire de l'improvisation...

Un long soupir fut sa seule réponse.

Mani avait vingt-trois ans et... s'ennuyait profondément pendant cette leçon.

- Ce n'est pas la musique que je veux jouer !

- Comment pourrais-tu jouer n'importe quel type de musique si tu n'arrives pas à être en rythme ? demanda son professeur.

Un autre long soupir s'en suivit.

Mani regarda autour de lui, il connaissait cette salle de cours par cœur. Il venait à l'académie de musique tous les jours et dans cette salle, pour ses leçons particulières, trois fois par semaine.

- Mani, est-ce que tu sais quelle chance tu as de pouvoir faire de la musique et de ne pas avoir à travailler dans les champs ou pire encore, de ne pas t'être fait enrôler en tant que soldat ?

- Pourquoi croyez-vous que je sois là ? C'est clairement pour éviter le dur travail aux champs ou encore d'être tué sur le champ de bataille.

- Tu n'aimes pas la musique ?

- Bien sûr que si, j'ai juste du mal avec la musique classique.

- Idiot ! La musique classique est la plus belle musique jamais créée.

- Ah parce que vous pensez que c'est en me traitant d'idiot que vous allez me faire changer d'avis ! répondit fièrement Mani en posant son violon.

- Tu as raison.

- Quoi ? demanda Mani choqué.

- Je dois te faire changer ta façon de voir la musique classique si je veux que tu progresses. Tes parents ont dépensé beaucoup d'argent en t'inscrivant dans cette académie, sans parler de tes cours particuliers. Il faut que tu puisses au moins intégrer un orchestre.

Il avait raison, ses parents avaient dépensé tout leur argent afin qu'il puisse devenir un bon musicien.

- Comment comptez-vous me faire changer d'avis ?

- Parfois, une seule rencontre suffit à changer une vie et ce soir, je vais te présenter à la musique classique.

- Je n'ai pas compris un traître mot de ce que vous venez de dire, la musique classique n'est pas une personne que je peux rencontrer, s'étonna Mani.

- Crois en moi et rejoins-moi ce soir à dix-neuf heures trente devant l'académie. Je te ferai rencontrer ton destin ! En attendant ce soir, la leçon est finie, déguerpit !

Mani rassembla ses affaires, en faisant bien attention à ranger correctement son violon dans son étui. Il se leva ensuite et sortit de la salle pour aller assister à son prochain cours qui était du solfège. Il s'assit sur sa chaise et pensa à nouveau à ce que lui avait dit son professeur. Comment allait-il réussir à lui faire changer d'avis à propos de la musique classique ? C'est tellement ennuyeux, vieux, compliqué, qui pourrait aimer ça ? Sa curiosité avait été piquée et il attendait ce soir avec impatience.

Les cours se terminèrent enfin, Mani rentra chez lui, se nettoya et changea ses habits, et ce même s'il n'avait pas la moindre idée d'où il pouvait se rendre. Il voulait juste être propre s'il était sur le point de rencontrer sa destinée... Une fois prêt, il retourna à l'académie de musique où son enseignant l'attendait déjà.

- Tu n'as pas le sens du rythme et apparemment pas le sens de la ponctualité non plus ! lui cria-t-il.

- Je suis désolé, je voulais juste faire une bonne impression à ma destinée, répondit-il en montrant ses vêtements tout propres.

L'enseignant le regarda et sourit.

- On ne peut pas y aller habillés comme ça.

- Où allons-nous ?

- Nous allons au Maxim's.

- Mais c'est un restaurant, comment pourrais-je rencontrer mon destin dans un restaurant ?

- Fais-moi confiance.

Et c'est sans grande conviction que Mani commença à marcher derrière son enseignant.

- Mais c'est beaucoup trop loin, se plaignit Mani

- Je sais, mon vélo est au coin et arrête de te plaindre !

C'est ainsi que Mani et son professeur déambulèrent dans les rues de Paris à vélo avant d'arriver au célèbre restaurant « Maxim's ». Une fois arrivés, l'enseignant donna un tablier à Mani.

- Qu'est-ce que je suis censé faire avec ça ?

- Mets-le, ce soir nous allons être des serveurs. Tu as vraiment cru que nous pouvions nous permettre de rentrer au restaurant Maxim's en tant que clients ?

- Vous m'avez amené ici pour travailler ? Mani était vraiment énervé. Qu'il avait été stupide de croire en son professeur !

- Ne t'énerve pas et à nouveau, fais-moi confiance, tu ne le regretteras pas !

Mani ne pouvait plus revenir chez lui, il avait l'impression d'avoir été piégé. Il se résigna donc à prendre le tablier.

Une fois à l'intérieur, c'était comme si la guerre n'existait pas... Il y avait de la nourriture à outrance et Mani n'avait jamais vu autant de champagne de sa vie. Après avoir jeté un œil sur le menu, il comprit pourquoi il portait un tablier ce soir : ni lui ni son professeur ne pouvait se permettre de dîner ici.

Une fois en salle, il regarda les clients et réalisa qu'ils étaient tous des hauts gradés de l'armée allemande, accompagnés parfois de filles ou venant seuls chercher un peu de divertissement. Il y avait d'ailleurs une scène au fond du restaurant sur laquelle une jeune fille chantait une chanson accompagnée d'un piano.

- Il est temps de travailler, dit son professeur.

Mani leva les yeux et vu un soldat qui levait la main, il alla à sa table et prit la commande avant de la transmettre en cuisine. Après trois heures de dur labeur, Mani était épuisé et sa colère contre son professeur grandissait mais il se devait de garder son calme. En effet, le restaurant était plein d'officiers allemands et il ne voulait pas attirer l'attention sur lui

Sur scène, la jeune fille avait laissé sa place à un groupe de chanteurs allemands et maintenant, le présentateur était en train de parler du dernier talent de la soirée.

- Le dernier mais pas le moindre, merci de faire un tonnerre d'applaudissements pour... Théotime !

Mani pouvait voir que les clients ne réagissaient pas de la même façon que pour la jeune fille ou que pour les chanteurs. Qui pouvait être ce dernier talent ?

Un homme arriva sur scène accompagné de son violon. Il était grand, avec des cheveux noirs et un regard transperçant. Son costume lui donnait une prestance encore jamais vue pour Mani. Il arrêta son service pour le regarder jouer, le monde entier s'était arrêté au moment où son archet avait touché la corde de son violon... Il avait pu reconnaître le morceau de musique facilement, c'était le Canon en D de Pachelbel. Il l'avait même joué plutôt dans le semestre mais il ne l'avait jamais entendu de cette manière. Même s'il était seul sur scène, c'était comme s'il pouvait sentir l'émotion délivrée par un orchestre complet. Comment pouvait-il faire ça ?

Soudain, il ressentit un coup de coude dans son dos qui le ramena à la réalité.

- Aie ! s'écria Mani.

- Tu veux nous faire tuer... Tu peux l'écouter mais tu dois continuer à travailler.

Mani regarda autour de lui, son professeur avait raison, des clients le regardaient, criant pour avoir son attention. Il retourna donc au travail, s'excusant auprès des clients, mais, quoi qu'il fasse, toute son attention était désormais sur LUI.

Il joua trois morceaux de musique et dit au revoir à la foule avant de quitter la scène. Les clients lui firent une ovation et Mani voulait aussi l'applaudir mais il le savait, cela serait étrange venu d'un serveur. Petit à petit, les clients quittèrent le restaurant pour aller dans les bars et les cabarets avoisinants et enfin, vers une heure du matin, le restaurant fut vide.

            
            

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