Le lendemain, profitant d'un moment où Renaud était « occupé » avec des appels téléphoniques à l'extérieur de ma chambre, je me suis levée, mes jambes tremblantes sous moi. Chaque mouvement était un calvaire, mais l'adrénaline de la découverte me poussait en avant. J'ai titubé vers son bureau dans notre suite privée. Ses « affaires » étaient toujours d'une importance capitale. Son coffre-fort. Je me suis souvenu du code, un vieux chiffre d'anniversaire qu'il n'avait jamais changé. Ma main tremblait en tournant la molette.
À l'intérieur, je m'attendais à des secrets, mais pas à cette avalanche. Une enveloppe épaisse, ornée d'une cigogne, contenait des échographies, des ordonnances de suivi de grossesse au nom de Christie Kauffmann. Christie. Ma directrice marketing, ma « meilleure amie », mon oreille attentive. Et les dates... elles remontaient à trois ans. C'était la même période où Renaud insistait pour que je suive un « traitement de fertilité » coûteux, des pilules qui, je le savais maintenant, agissaient comme un puissant contraceptif.
Puis, une photo. Un bébé. Maël. Trois ans. Et une petite carte de la maternité, confirmant la naissance. Son père était Renaud Massicotte. Son père. Mon mari.
Je me suis effondrée sur la chaise de bureau, le monde basculant autour de moi. Les documents ont glissé de mes mains moites. Le chagrin a submergé la rage, me coupant le souffle. Christie. Et Maël. Mon cœur, déjà endolori, s'est brisé en mille morceaux.
J'ai trouvé d'autres papiers, des plans financiers pour l'avenir de Maël, des trusts, des investissements. Tout était méticuleusement organisé. Il avait tout prévu. La Maison Colin, l'héritage de ma famille, devait revenir à son fils. Et moi, je n'étais qu'un obstacle.
Mon regard est tombé sur un croquis. Un petit dessin d'enfant. Une maison, un soleil, et trois personnages. Renaud, Christie, et Maël. Une famille parfaite. Leur famille. Mon sang s'est glacé.
Puis, la preuve ultime. Un document notarié. Un contrat de mariage alternatif entre Renaud et Christie, stipulant que si je venais à « disparaître » ou à être déclarée inapte, Christie deviendrait sa légitime épouse, avec des clauses d'héritage précises pour Maël. Ce n'était pas seulement une trahison ; c'était un cold case en devenir.
Renaud m'avait toujours dit : « Tu es mon univers, ma seule famille. » Ces mots m'ont transpercé. Ils étaient des mensonges, des couteaux tournés dans ma plaie. Il ne voyait en moi qu'un moyen, un chemin vers le pouvoir et la fortune.
Je me suis sentie vide, plus vide encore que lorsque mon loup avait disparu. La rage a commencé à bouillonner, une colère froide et silencieuse. J'ai pris mon téléphone, mes doigts cherchant le numéro de mon ami le plus fidèle, Pierre. Il était mon avocat de confiance, le seul qui avait toujours cru en moi.
« Pierre, » ma voix était un murmure à peine audible. « J'ai besoin de toi. Tout de suite. »
Il a senti l'urgence, mon ton inhabituel. « Amandine ? Que se passe-t-il ? »
« Je t'expliquerai. Mais je dois partir. Loin. Et vite. »
Nous avons convenu d'un lieu de rencontre secret, loin de l'hôpital, loin de Renaud. Je devais jouer le jeu, faire semblant d'être faible, brisée, manipulable. Son plan. Mon jeu.
Renaud est revenu, un sourire compatissant sur les lèvres.
« Tu as l'air un peu mieux, ma douce. Je suis si heureux. »
J'ai hoché la tête, un masque d'épuisement sur mon visage. C'était une performance. La performance de ma vie. Je savais que les jours à venir seraient cruciaux.
« J'ai juste besoin de me reposer, Renaud. Je suis si fatiguée. »
Il a caressé mes cheveux. Un geste qui, autrefois, m'aurait apaisée. Maintenant, il me donnait la chair de poule.
« Bien sûr, ma chérie. Repose-toi. Je serai là. Toujours là. »
Je l'ai regardé, un éclair froid dans mes yeux que j'étais sûre qu'il ne verrait pas. Mon sourire était ténu. Il pensait avoir gagné. Il ne savait pas que la partie ne faisait que commencer.