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Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

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La lâcheté de William était presque fascinante à observer, un spectacle pathétique dont je ne pouvais détacher le regard.
Il était rentré plus tôt que d'habitude, une aura de fureur l'entourant comme une seconde peau. Les premières rumeurs sur la débâcle financière de l'entreprise commençaient à suinter dans la presse, et il ne le supportait pas.
Il arpentait le salon de long en large, un verre de whisky serré dans sa main, hurlant au téléphone contre un journaliste imaginaire.
"C'est du délire ! Je vais les traîner en justice pour diffamation ! Je vais les saigner à blanc !" rugissait-il.
Je suis descendue, calme, mes pas étouffés par l'épaisseur des tapis persans. Il s'est figé en me voyant, ses yeux injectés de sang fixés sur moi.
"Tu as vu ça ?" m'a-t-il lancé, agressif, comme si j'étais la cause de son malheur. "Ils essaient de me couler. Ce sont tes ennemis, Elena. Ils s'attaquent à moi pour t'atteindre, toi."
L'ironie était si dense qu'elle en devenait presque palpable, laissant un goût amer sur ma langue. Il essayait de se poser en bouclier, alors qu'il était la brèche par laquelle l'eau s'engouffrait.
"L'institutrice de Lily a appelé," ai-je dit, ignorant délibérément sa tirade paranoïaque.
Il a levé les yeux au ciel, un soupir exaspéré lui échappant. "Encore cette bonne femme ? Elle est hystérique. Je lui ai pourtant dit d'arrêter de m'appeler."
"Elle dit que Luca harcèle Lily," ai-je poursuivi, ma voix ne trahissant aucune émotion. "Qu'il lui répète que nous allons divorcer et qu'ils vont prendre notre maison."
William a ri. Un rire sec, sans la moindre trace de joie.
"C'est ridicule. Luca n'est qu'un enfant. Il répète bêtement ce qu'il entend à la télé. Et Lily est trop sensible, exactement comme toi. Elle doit s'endurcir si elle veut survivre dans ce monde."
Je me suis approchée d'un pas.
"Tu trouves ça normal ? Que le fils de ta maîtresse annonce à ta propre fille qu'elle va finir à la rue ?" ai-je demandé, ma voix tombant dangereusement d'une octave.
Il a claqué son verre avec force sur la table basse, faisant gicler le liquide ambré sur le bois verni.
"Arrête avec ça, Elena ! Serena n'est pas ma maîtresse, c'est une associée indispensable. Et Luca est un bon gamin. Il a juste besoin d'une figure paternelle. Lily a tout ce qu'elle veut ici. Elle est gâtée pourrie."
Il ne niait même plus. Il justifiait. Il rationalisait sa cruauté en blâmant la victime. Dans son esprit tordu, Lily et moi étions devenues les obstacles à son bonheur, des poids morts qu'il traînait par pure obligation.
"Tu as menacé l'institutrice," ai-je continué, implacable.
"Elle se mêlait de ce qui ne la regarde pas !" a-t-il crié, la veine de son cou palpitant. "Si elle continue, je la ferai virer. Je suis le Chef de cette famille, personne ne me parle sur ce ton !"
Il a plongé la main dans sa poche intérieure et en a sorti le document que j'avais laissé sur son bureau quelques jours plus tôt. L'accord de séparation. Il l'a agité devant mon visage avec mépris.
"Et ça ? Tu crois que je ne sais pas ce que tu manigances ? Tu essaies de me manipuler. Tu essaies de me faire peur. 'Signe ça ou je pars'. C'est pathétique, Elena."
Il a marqué une pause, un sourire cruel étirant ses lèvres.
"Tu ne partiras jamais. Tu as besoin de moi pour diriger les hommes. Tu es faible sans moi."
D'un geste brusque, il a déchiré le papier en deux, puis encore en deux, laissant les lambeaux tomber au sol comme des confettis funèbres.
"Je ne partirai pas, William," ai-je dit doucement.
Il a souri, victorieux, pensant m'avoir brisée.
"Je le savais. Maintenant, arrête tes conneries et va t'occuper du dîner. J'ai des appels à passer pour régler ce bordel financier que tes comptables incompétents ont créé."
Il s'est détourné, saisissant son téléphone. J'ai vu son pouce composer un numéro que je ne connaissais que trop bien. Celui de Serena.
"Allo, bébé ?" a-t-il dit, sa voix changeant instantanément, devenant douce, mielleuse, écœurante. "Ne t'inquiète pas pour l'école. J'ai géré. Oui... je sais. Je t'aime aussi."
Il est sorti sur la terrasse, fermant la baie vitrée derrière lui.
Je suis restée immobile, fixant les morceaux de papier éparpillés sur le parquet. Il avait raison sur un point. Je n'allais pas partir. Je n'allais nulle part.
C'était ma maison. C'était ma famille. Et l'intrus, c'était lui.
Il pensait avoir "géré" l'école. Il pensait avoir "géré" sa femme. Il ne voyait pas qu'il venait de signer son arrêt de mort en déchirant ce papier. C'était sa dernière chance de sortie honorable. Il venait de la refuser.
J'ai sorti mon téléphone de ma poche et j'ai tapé un message pour Leo.
"Passe à la phase deux."
William pensait être au sommet du monde. Il allait bientôt découvrir que la chute est d'autant plus brutale quand on se croit invulnérable.