Chapitre 5 Chapitre 5

Le silence s'abattit sur la boutique d'un seul coup, comme si l'air lui-même s'était figé. Les clients présents échangeaient des regards gênés en observant la vendeuse, crispée derrière son comptoir. Le gérant finit par s'avancer et lui lança un signe discret : elle devait obéir, peu importait la manière, tant que cette robe hors de prix trouvait preneur.

Liam, lui, restait parfaitement calme. Son visage n'exprimait rien, et son léger sourire n'atteignait pas ses yeux. Stella sentit la tension monter et attrapa sa main.

- Laisse tomber, murmura-t-elle. Cette robe va nous ruiner.

- Passe la carte, répondit-il sans ciller. Pas besoin de code.

Voyant que la situation dégénérait, le gérant appela la styliste ; tous deux prirent la relève pour éviter un scandale. Liam sortit fumer à l'entrée pendant que Stella se faisait mesurer dans une petite pièce à l'arrière. Plus personne n'osa lui adresser un mot déplacé. La vendeuse, sermonnée, resta en retrait. La styliste la félicita pour sa silhouette, et le gérant alla jusqu'à lui servir du thé en la traitant comme une invitée importante.

Ils restèrent bien plus longtemps que prévu, et Stella, une fois dehors, portait sur le visage une contrariété qu'elle ne parvenait plus à cacher. Cinquante-cents billets ne suffisaient même pas à couvrir la moitié de cette robe : elle dépassait les cinq mille dollars. Elle serra les lèvres, observant l'homme qui marchait tranquillement à côté d'elle.

- Liam... dit-elle enfin, après avoir longuement hésité. Il faut qu'on parle.

Il ralentit aussitôt, surpris par son ton. Elle le fixa avec sérieux ; ses yeux brillaient légèrement et sa bouche formait une ligne tendue.

- Tu t'es laissé emporter tout à l'heure.

- Comment ça ? fit-il en fronçant les sourcils.

- Dans la boutique... On n'aurait pas dû aller si loin. Pourquoi acheter cette robe ? Tu sais ce qu'elle coûte ? Avec cette somme, on pourrait tenir des mois.

Il n'en savait rien. Avant d'arriver ici, il ne dépensait jamais autant, même pas pour un repas. Elle le détailla silencieusement, cherchant un signe de réaction, mais son expression restait impassible.

- Je ne t'en veux pas, reprit-elle d'une voix plus douce. Mais on est mariés. On doit réfléchir à ce qui nous attend. Je comprends que tu voulais lui rabattre le caquet, mais parfois, il faut laisser courir. Il y a trop de dépenses à venir.

« À la maison », avait-elle dit. Ce simple mot étira presque un sourire sur les lèvres de Liam.

- Et puis... continua-t-elle, ma dot n'est même pas arrivée. Quand elle le sera, elle servira à autre chose. On ne peut pas se permettre de gaspiller chaque dollar.

Sa voix se brisa légèrement. Elle pensa à sa mère hospitalisée, à ses petits frères et sœurs qui comptaient sur les aides qu'elle leur envoyait. Une tristesse passa dans son regard, qu'elle s'efforça de cacher. Devant Liam, elle devait continuer à jouer le rôle d'Amelia.

- Gaspiller ? répéta Liam dans un souffle amusé. Vous n'êtes pas censée être la fille de la riche famille Taylor ? Pourquoi avoir peur de dépenser ?

Elle resta figée, le cœur affolé. Puis elle se reprit brusquement :

- Vous avez soif ? Je vais vous chercher un bubble tea.

Elle tourna les talons avant même qu'il puisse répondre et se dépêcha vers une boutique au coin de la rue. Liam la suivit du regard, un sourire discret au coin des lèvres. Mais la vibration de son téléphone effaça instantanément toute trace d'amusement. Il décrocha.

- Alors ? demanda-t-il.

- Monsieur Martinez, dit la voix posée au bout du fil, nous touchons au but. L'accident de votre jet... quelqu'un l'a provoqué. Nous n'avons pas encore de preuve formelle, mais tout correspond à la personne que vous suspectez.

- Parfait, répondit Liam, la voix dure. Continuez à creuser.

- Très bien. Mais... combien de temps comptez-vous rester dans ce village ? Êtes-vous certain de ne pas vouloir rentrer à Emberfall ?