Quand L'Amour Revient Avec un Enfant
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Je ne l'entends plus. Je ne sens même plus ses mains qui me tiennent, son regard qui tente de me sauver. La vague m'a percuté de plein fouet, elle m'a eu. Elle me happe et m'enveloppe, me malmène et m'entraîne vers le fond. Je ne résiste même pas. J'ai un fils. Voilà le seul mot qui résonne, qui revient, comme un rouleau compresseur, à chaque fois que la vague me frappe et me noie de nouveau. Un fils.

Moi qui n'ai pas connu mon père, mort avant ma naissance.

Moi qui ai à peine été élevé par ma mère, kidnappé par une autre avant de pouvoir m'en souvenir.

Moi qui n'ai pas eu d'enfance.

Moi qui ai passé mon adolescence à chercher ma place, à ne me sentir chez moi nulle part, à ne pouvoir appartenir à personne.

Moi qui ai pour famille un clan étrange et dissolu, un frère plus âgé, un autre qui n'est pas du même père, une grand-mère qui n'est pas du tout la mienne.

Un fils.

Je repousse Tristan et prends une grande inspiration, comme si je venais seulement de me souvenir comment on fait. Je me lève. Je tourne sur moimême. Je me frotte les cheveux. Je m'enfonce les paumes dans les yeux pour tenter d'y voir clair. Ça tourne. Je vide ma bière. Ça brûle. J'ai la rage. Une douleur étrange, inconnue, incontrôlable, s'insinue sous ma peau. Ça fait un mal de chien. June. Putain de June. Je sais enfin pourquoi elle s'est barrée, je comprends enfin sa fuite. Je la comprends... et je la maudis à la fois.

Je m'appuie d'une main sur le comptoir. Et la bouteille part. Lourde, brune, sifflante, lancée à pleine vitesse, comme un de ces oiseaux qui savent parfaitement où ils vont. Droit dans le mur. Le verre se brise avec fracas, les têtes se tournent. Et le barman m'empoigne par le col pour me jeter dehors. Tristan tente de s'interposer, s'excuse, demande au type de me lâcher rapidement avant que je pète un plomb, il essaie de me calmer, la confusion est totale. J'envoie un poing dans le mur, lâche un cri de bête, puis ne capte plus grand-chose. Je me déconnecte, ne sais plus qui me parle, qui me pousse, qui me porte, quelle douleur me broie.

On m'éjecte sur le trottoir et la chaleur de Key West m'étreint en même temps que les bras de mon frère.

– Viens, je te ramène chez toi.

Je me réveille avec une sensation de gueule de bois, l'ivresse en moins. Si je me souviens bien, il n'y a eu qu'une seule et unique bière hier soir. Et elle a mal fini.

J'ai un fils.

Ces mots martèlent mon crâne, comme une rengaine infatigable. Comme un marteau piqueur qui creuse dans la rue, bien trop tôt le matin. Besoin que ça s'arrête.

J'ai toujours dit que je n'aurais jamais d'enfant. Que je n'en voulais pas dans ce monde pourri. Jamais de la vie. Et pourtant, j'ai un fils. Il va bien falloir que je l'accepte.

Je m'extirpe de mon lit, m'assois au bord en frottant mes cheveux qui me font mal, puis je pose les yeux sur ce loft que j'habite depuis un peu plus d'un an. C'est le premier achat d'adulte que j'ai fait. La première fois que je dépensais un bout de l'héritage de mon père, touché à ma majorité. Il fallait que ce soit à la hauteur. Cet endroit, c'est tout ce que j'aime. Tout ce dont j'ai toujours rêvé. De l'espace. Presque pas de murs. Des fenêtres partout, plus grandes que moi, qui donnent l'impression de vivre dehors. Une piscine pour moi tout seul. Et l'océan juste là, tout droit, presque tout autour. C'est la dernière chose que je vois chaque soir, la première qui m'accueille chaque matin. Celle qui me fait le plus de bien.

J'ouvre toutes les baies vitrées pour faire entrer l'air déjà tiède du mois d'août et le son familier d'Atlantic Boulevard. Je n'ai pas connu mon père, mais il m'a offert ça : ce sanctuaire parfait, ce refuge où je me sens chez moi, jamais enfermé, jamais étouffé, toujours libre d'aller courir ou nager ; jamais seul non plus, avec la vie qui résonne dans la rue, les gens qui bossent et ceux qui flânent, le bruit des vagues et celui des mômes sur la plage.

Moi, qu'est-ce que j'ai à offrir à mon fils ?

À ce fils que je ne connais même pas, qui ignore tout de moi.

Je déplie le petit escalier métallique planqué dans le plafond pour grimper sur le toit-terrasse du loft. Prendre de la hauteur. Je m'appuie sur le garde-corps, regarde l'océan droit dans les yeux et lui demande :

– Alors, est-ce que tu vas réussir à me noyer cette fois ?

Je baisse les yeux sur le tatouage de mon avant-bras : les vagues que j'ai voulues hautes, violentes, du noir le plus foncé qui soit, le bateau qui dérive, les voiles gonflées d'orage, le mât brisé et la mort assurée. Pourtant, j'ai survécu à cette tempête-là. Au départ de June, à son absence, à son silence, à cette moitié de cœur arraché, parti avec elle. Est-ce que je vais survivre à sa présence, à nouveau ? À celle de ce fils inconnu ? À ces morceaux de cœur qu'on essaie de me recoller sans rien m'avoir demandé ? – Putain, qu'est-ce que tu as encore fait, June Castillo... ?

Je m'enfonce les poings dans les paumes pour chasser son visage de poupée, sa tignasse brune toujours emmêlée, ses prunelles sombres et pourtant toujours éclairées de feu, sa peau mate recouverte d'égratignures, de bleus, de terre et de poussière, ses fringues toujours un peu trop grandes sur son corps menu, un peu usées parce qu'elle se fout de son apparence, ses muscles dessinés, ses bras solides, ses jambes fuselées d'avoir passé son enfance à courir, à grimper, à fuir. Et puis la gamine s'efface pour laisser place à l'adolescente rebelle qui a hanté mes nuits, les cheveux qu'elle s'est teints en rose à une époque, son corps de femme qui me rendait dingue, ses petits seins hauts et ronds, ses reins cambrés au creux desquels je ne pouvais pas arrêter de poser mes mains, ses lèvres pulpeuses qui me défiaient sans cesse, que j'aimais tant faire taire. Cette June qui aimait m'attirer autant que me repousser.

Je la repousse aussi. Je la chasse, mais June reste, comme toujours. Comme chaque jour depuis trois ans.

– Bordel, à quoi je joue ? soupiré-je en secouant la tête. Pourquoi je lalaisse revenir ? Qu'est-ce que je vais faire ? – À qui tu parles, là-haut ?!

La voix d'Athena me fait sursauter.

– Merde, notre petit déjeuner ! chuchoté-je pour moi-même.

– Descends de là, tu sais que j'ai le vertige sur ce toit ! Et je déteste cetescalier de malheur.

Le temps que je descende ces marches raides, les différences entre les deux femmes me frappent. À chaque pied sur le métal, un nouveau coup au cœur. Athena Sanford et sa peau immaculée, claire et rosée. Ses yeux bleu cristallin, dans lesquels on peut tout lire. Sa cascade de cheveux blonds parfaitement domptés qui lui descendent jusqu'aux fesses. Sa petite robe blanche près du corps, sûrement signée d'un grand créateur. Ses jambes fines et ses bras délicats. Son prénom de déesse et son corps qui va avec. Son nom chicos qui évoque une riche famille du coin, des notables de Key West qui ont fait fortune dans le champagne et le vin. June et Athena ne pourraient être plus opposées.

            
            

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