Chapitre 5 5

Pour Norah, la situation semblait injuste. Elle avait toujours cherché à plaire à ses parents, craignant que le bonheur qu'elle connaissait ne soit qu'un rêve fragile. Et maintenant, leur fille biologique était de retour, et ils cédaient à tous ses caprices. Et elle, qu'en était-il d'elle ? Tous ses efforts avaient-ils servi à rien ?

Elle se détourna, le cœur lourd, et dit : « Bon appétit, maman, papa... mais je dois monter. »

« Norah... » Gloria voulut la retenir, mais Daniel lui fit signe de laisser Nicole tranquille pour ne pas la froisser.

Gloria resta près de Nicole. « Tu es toute mouillée de sueur. Va te changer et descends prendre ton petit-déjeuner. »

« D'accord », répondit Nicole sans hésiter et monta à l'étage.

Lorsque ses deux filles furent parties, Daniel murmura : « Vous comprenez maintenant pourquoi je voulais que Norah parte un peu plus tôt ? »

Personne n'est parfait. Entre leur fille perdue pendant des années et leur fille adoptive, heureuse à leurs côtés, les préférences et déséquilibres étaient inévitables. Daniel cherchait simplement à préserver l'harmonie familiale.

« Maintenant je comprends », souffla Gloria, la tristesse dans les yeux.

Plus Norah restait, plus tout le monde se sentait mal.

Après le déjeuner, Gloria emmena Nicole faire du shopping. Comme Nicole n'avait presque rien, elle craignait que sa fille ne se montre trop fière pour demander quoi que ce soit et se sente lésée. Norah les accompagna. À peine entrées dans le centre commercial, Norah se précipita sur les vêtements et accessoires, comme si la matinée houleuse n'avait jamais existé.

« Maman, tu me trouves jolie dans cette robe ? » demanda-t-elle.

« Bien sûr. Nicole, tu n'en veux pas pour toi ? » Gloria cherchait un équilibre entre l'attention portée à Norah et celle qu'elle devait à Nicole.

Nicole, comprenant la position délicate de sa mère, demanda à être seule un moment pendant que Norah était accompagnée par Gloria. Elle préférait des choses simples et discrètes, mais la boutique où Norah était attirait l'œil avec des vêtements voyants. Après un instant, Nicole dit : « Maman, je veux aller ailleurs. »

« Tu n'as rien trouvé qui te plaise ? Je pense que celle-ci pourrait aller. » Gloria s'était approchée pour lui montrer une robe.

Norah, piquée de jalousie en voyant sa mère répondre immédiatement à l'appel de Nicole, sentit une idée germer. Elle s'avança avec un petit sourire malin.

« Maman, cette robe est superbe, mais elle coûte trop cher. Et puis... je ne suis pas sûre qu'elle convienne à tout le monde. »

Sous-entendu évident : elle insinuait qu'elle-même n'était pas assez belle pour la porter.

Nicole haussa un sourcil. « Je ne suis pas fan de ce style, mais puisque tu le dis... je vais l'essayer. »

« Très bien, essaie-la. » Les yeux de Gloria s'illuminèrent, sûre que la robe serait parfaite sur Nicole, et elle l'encouragea avec enthousiasme.

Norah ne s'attendait pas à une telle réaction et se sentit contrariée. Cette fille osait vraiment défier son autorité !

Nicole prit la robe et disparut dans la cabine. Quelques instants plus tard, elle en sortit, radieuse, dans cette tenue blanche.

Habituée aux pantalons pour se sentir libre de ses mouvements, elle avait soudain l'impression d'être vulnérable. Pourtant, ses formes naturelles et sa simplicité habituelle transformaient la robe en quelque chose de lumineux et élégant.

Laisser ses longs cheveux tomber librement accentuait encore sa ressemblance avec Gloria, tant physiquement que dans leur attitude.

« Mademoiselle, cette robe vous va à merveille », complimenta la responsable de la boutique.

« Beaucoup ont essayé, mais aucune ne vous met autant en valeur. »

Gloria, ravie, ne put s'empêcher de sourire. « C'est exactement celle-là ! Elle te va à ravir. »

Norah, entre jalousie et surprise, resta figée.

« Maman, je peux l'essayer moi aussi ? » demanda-t-elle, feignant l'innocence.

La responsable intervint, gênée. « Je suis désolée, tous nos vêtements sont faits main et cette robe est une édition limitée. Il n'en reste qu'une. »

Gloria se retrouva face à un dilemme, mais voyant Nicole si éblouissante, elle conclut rapidement : « Norah, il y a plein d'autres modèles superbes. Allons voir le reste. » Elle demanda la note et se dirigea vers la caisse.

Norah serra les dents, retenant son irritation derrière un sourire crispé. Nicole, elle, ricana intérieurement. Elle n'était jamais à l'origine des conflits, mais elle ne se laissait jamais intimider.

Au lieu de se changer immédiatement, Nicole flâna dans le magasin, laissant Norah la regarder avec frustration. Gloria, pressentant le potentiel de Nicole dans n'importe quelle tenue, la fit essayer plusieurs pièces magnifiques.

Norah, incapable de rester en reste, choisit elle aussi cinq ou six ensembles. Gloria, prétextant son dressing déjà bien rempli, n'en prit que deux pour elle.

L'après-midi avançait et l'expression de Norah s'assombrissait de plus en plus. Voir sa mère tenir la main de Nicole sans jamais la lâcher la rendait furieuse.

« Maman, Norah ? » Une voix interrompit la scène.

Gloria tourna la tête et aperçut son fils Steve. « Que fais-tu ici ? »

« On est venus faire un repérage pour le centre commercial. » Steve esquiva la main que Norah tenta d'attraper.

Nicole savait, grâce à Daniel, que son frère était un génie de la finance. Elle le salua poliment.

Steve, beau et élégant, les yeux brillants derrière ses lunettes dorées, observa Nicole avec un sourire. « Je me demandais comment une fille comme toi pouvait être ici... et voilà que c'est ma petite sœur. »

Nicole sourit, amusée par ce frère si doux et pourtant si sûr de lui.

Norah, vexée, fit la moue. « Jamais tu ne me fais ce genre de compliments, Steve. »

Steve, pris au dépourvu, répondit aussitôt : « Ce n'est pas nécessaire, Norah. Toi aussi tu es jolie. »

Ses paroles sonnaient faux. Norah restait ordinaire à côté des Riddle.

« Nicole, je suis très pris ces jours-ci, mais je t'inviterai à dîner quand je reviendrai dans quelques jours. »

« D'accord. » Nicole acquiesça simplement.

Après les salutations, Steve retourna à ses affaires. Gloria le regarda avec un sourire, puis se tourna vers Nicole, affectueuse : « Steve aime l'argent plus que tout et il est plutôt radin. S'il t'invite à dîner, ça veut dire qu'il t'apprécie vraiment. »

Ces mots envenimèrent encore un peu plus la jalousie de Norah. Elle n'avait pas eu droit à une telle attention depuis des années, alors que Nicole recevait tous ces signes de faveur.

Et voilà, pensait-elle, la différence entre les sœurs biologiques et les autres. Elle qui avait partagé le même toit avec lui plus de dix ans... et se retrouvait ainsi éclipsée.

Norah était profondément troublée, ses dents pressant sa lèvre, mais elle força un sourire doux et suivit les autres.

En arrivant chez eux, ils remarquèrent immédiatement une voiture de luxe inconnue garée devant la maison.

Curieuse, Gloria entra avec ses filles et aperçut un homme élégamment vêtu assis face à Daniel. Même de côté, son charisme était impossible à ignorer.

Norah n'avait jamais vu un homme aussi attirant. Elle se précipita vers sa mère : « Maman, qui est-ce ? »

Gloria secoua la tête et s'avança. « Bonjour, Daniel. »

À la vue de Gloria et des filles, Daniel se leva aussitôt et les présenta : « Jared, voici ma femme, et voici ma plus jeune fille. »

Lorsqu'il présenta Nicole à Jared Johnston, une chaleur évidente apparut sur le visage de ce dernier.