Ses mains, autrefois sources de réconfort, sont devenues des chaînes. Il m'a attrapée avec une force surprenante, me tirant vers lui alors que j'étais à peine capable de tenir sur ma jambe valide. Le poids de son corps m'a écrasée sur le canapé. Ma cheville a hurlé.
« Aurélien, ça fait mal ! » j'ai crié, mais il semblait ne pas m'entendre.
Il a penché son visage vers le mien, ses yeux pétillants d'une fausse passion. « Allez, Léa. Tu sais que tu aimes ça. Ce petit jeu entre nous. »
Son souffle sentait le whisky et un parfum étranger. C'était la même phrase qu'il utilisait toujours quand il voulait me faire plier, quand il voulait que j'oublie mes doutes. Ses mots, autrefois une symphonie, étaient maintenant une cacophonie, une dissonance qui résonnait dans mes os. Cette familiarité, autrefois une preuve d'intimité, me donnait la nausée.
Il a commencé à déboutonner sa chemise, ses doigts agiles. Mon estomac s'est tordu. Ses pupilles se sont dilatées, non pas de désir pour moi, mais d'une faim que je ne reconnaissais pas. Une faim qui n'était pas la mienne.
Mon regard s'est posé sur son épaule. Une trace rouge violacée, une morsure fraîche, s'étalait sur sa peau. Un frisson a parcouru mon corps, gelant mon sang. Mon esprit a reculé, revoyant une scène similaire. Il y a quelques mois, il était rentré avec des marques étranges sur le cou. « Une mauvaise nuit de sommeil, ma chérie, » avait-il dit en riant, « je me suis griffé en me retournant. » J'avais cru à son mensonge. Parce que son corps me disait une chose, mais ses mots me disaient le contraire.
Maintenant, je savais. Ces marques n'étaient pas les siennes. Elles étaient celles de Samira. Il avait toujours eu ces "mauvaises nuits de sommeil", ces "rayures accidentelles", ces "marques de brosse à cheveux" quand Samira était en ville. J'étais aveugle, tellement aveugle. Mon cœur s'est serré, un poing invisible le pressant jusqu'à ce qu'il me fasse mal.
« Léa ? » Il a posé sa main sur mon bandage. La douleur a jailli, vive, insupportable.
C'était trop. La trahison, la douleur physique, le dégoût. J'ai hurlé, un son primal qui m'a échappé. D'un coup de rein désespéré, j'ai poussé de toutes mes forces. Il a été pris au dépourvu et a basculé en arrière, son corps s'écrasant sur le sol avec un bruit sourd.
Mes larmes ont jailli, salées et amères, se mêlant à la sueur froide sur mon visage. Mon corps entier tremblait, une toile déchirée par la violence de l'instant.
« Lâche-moi ! » j'ai crié, ma voix pleine de rage et de désespoir. « Ne me touche plus jamais ! »
Il s'est relevé, l'air stupéfait, puis furieux. Ses beaux traits se sont tordus en une grimace que je ne lui connaissais pas.
« Mais qu'est-ce qui te prend, Léa ? » Il a jeté sa chemise à terre, révélant d'autres marques, plus petites, sur son torse. « Ne fais pas l'enfant. »
« L'enfant ? » Un rire hystérique m'a secouée. « Tu penses que c'est un jeu ? Regarde-moi, Aurélien ! Regarde ce que tu as fait ! »
J'ai pointé son épaule, la morsure de Samira, puis ma cheville, le bandage ensanglanté. Mon corps entier tremblait de rage.
« Tu es un monstre, » j'ai murmuré, les mots s'échappant de mes lèvres comme un poison. « Tes caresses me donnent la nausée. Tes mensonges me donnent envie de vomir. »
Il a pâli, son regard se fixant sur les marques. Il a tenté de les cacher avec sa main, un geste de honte tardif.
« C'est... ce n'est rien, ma chérie. Juste... un petit accident. »
Un petit accident. Ce sont les mêmes mots qu'il avait utilisés pour ses autres cicatrices, ses autres liaisons, ses autres trahisons. Sa voix s'est adoucie, essayant de me manipuler.
« Léa, tu es blessée, tu n'es pas toi-même. Laisse-moi prendre soin de toi. » Il a fait un pas vers moi, ses yeux implorants.
Mais je ne me laisserais plus berner. La douleur de ma cheville se mêlait à la douleur de mon cœur, une symphonie macabre qui me poussait à la limite. Chaque fibre de mon être criait. Je me suis recroquevillée sur le canapé, le souffle court, mon corps entier reculant de son contact.
« Non ! » ai-je hurlé, d'une voix que je ne reconnaissais pas. « Ne t'approche pas. Je ne veux plus jamais te voir. »
Il est resté là, debout, son corps à moitié dénudé, ses yeux me sondant avec une intensité que je lisais comme de la panique. Mais ce n'était pas de l'amour, pas de l'inquiétude. C'était la peur de perdre son jouet, son substitut, sa façade. Mon corps, mon esprit, mon âme rejetaient tout ce qu'il représentait. Je voulais qu'il parte. Qu'il disparaisse. La seule chose que je ressentais pour lui était un dégoût viscéral, une répulsion profonde qui me donnait des frissons. Ses mots, ses caresses, tout m'était devenu étrange et abject.