POV: Éléanore Baron
Les mots de l'infirmière ont résonné dans le vide de l'hôpital local, un couteau froid planté dans mon cœur déjà en lambeaux. « Tous les médecins, tous les lits d'urgence, tout le matériel de pointe... tout a été transféré à l'hôpital Beaumont. Pour la naissance de l'héritier Beaumont. » L'écho de ces mots a été plus perçant que n'importe quelle lame. Damien avait tout prévu. Il ne voulait pas seulement se débarrasser de moi, il voulait s'assurer que mon enfant n'ait aucune chance.
Jacques, le garde qui m'avait sauvé, a pâli. Son visage était une toile de colère et d'incrédulité. « Quoi ? Mais c'est... c'est criminel ! » Il a agrippé l'infirmière par le bras, ses yeux pleins de fureur. « Il faut la soigner ! Elle est en train de... » Son regard est tombé sur moi, sur le sang qui continuait de s'écouler, sur mon ventre affaissé. Il n'a pas eu besoin de finir sa phrase.
L'infirmière m'a examiné d'un regard rapide, professionnel mais désabusé. « Son état est critique. Elle a perdu beaucoup trop de sang. Et... » Son regard s'est attardé sur mon ventre. « ...le bébé... il est déjà trop tard pour le bébé. » Ses mots étaient un murmure, mais ils ont transpercé mon âme.
« Il faut la transférer ! » a hurlé Jacques, sa voix brisée par le désespoir. « À l'hôpital Beaumont ! C'est le seul endroit où elle peut avoir une chance ! »
L'infirmière a secoué la tête, son visage fermé. « Monsieur Beaumont a donné des ordres stricts. Personne ne doit être transféré à son hôpital sans son autorisation directe. » Elle a soupiré, un son lourd et fatigué. « Et il a été très clair au sujet de... » Elle m'a jeté un regard compatissant, puis a baissé les yeux, ne pouvant pas achever sa pensée.
Jacques a sorti son téléphone, ses doigts tremblants. Il a composé un numéro, puis a parlé, sa voix basse mais urgente. « Monsieur Beaumont, c'est Jacques. Je suis à l'hôpital local avec Madame Éléanore. Son état est critique. Elle a eu un accouchement prématuré... le bébé... » Il a marqué une pause, sa voix étranglée. « Elle a besoin de vous, Monsieur. Elle a besoin d'être transférée à votre hôpital. Immédiatement. »
Un silence glacé a suivi. Puis, la voix de Damien, claire et incisive, a retenti de l'autre côté du téléphone. Je pouvais l'entendre, même à travers les écouteurs de Jacques, son ton rempli d'une irritation froide. « Jacques, je t'ai dit de ne plus me déranger avec cette femme. Elle est une source constante de problèmes. »
« Mais Monsieur, elle est... elle est mourante ! » a supplié Jacques.
« Mourante ? » Un rire sec et sans joie a fusé de la part de Damien. « Elle a toujours été une actrice hors pair. Je suis certain que c'est une nouvelle manipulation pour attirer l'attention. Laissez-la là où elle est. C'est ce qu'elle mérite pour ses mensonges. »
« Monsieur, le bébé est... »
« Je n'ai pas d'autre enfant en dehors de celui de Victoire ! » La voix de Damien a claqué, pleine de fureur. « Et je vous conseille de ne pas l'oublier, Jacques. Victoire est ma seule priorité. Mon héritier est là, sain et sauf. Je ne me soucie pas des caprices de cette femme. »
Jacques a raccroché, son visage décomposé. Il m'a jeté un regard, un mélange de pitié et de désespoir. Ses yeux s'attardaient sur mon ventre vide. L'infirmière, voyant son impuissance, a posé une main douce sur mon épaule. « Je suis désolée, Madame. »
« Je vais la transférer moi-même. » a déclaré Jacques, sa voix pleine de détermination. Il m'a soulevée à nouveau, malgré la douleur. « Même si je dois la porter à pied jusqu'à l'hôpital Beaumont, je le ferai. »
Il m'a portée vers la sortie, mais nous n'avons pas pu aller bien loin. Un nouveau groupe de gardes, des hommes de Damien, bloquait la porte. Leur chef, un homme que je ne connaissais pas, a secoué la tête. « Désolé, Jacques. Ordres de Monsieur Beaumont. Personne ne sort d'ici. »
« Elle va mourir ! » a hurlé Jacques, sa voix pleine de rage.
« Ce ne sont pas nos affaires. » a répondu le chef des gardes, son visage impassible. « Retourne à ton poste. »
Jacques a serré les dents. Il m'a regardée, l'impuissance et la détresse dans ses yeux. J'ai vu un éclair de détermination. Il m'a portée, non pas vers l'hôpital Beaumont, mais vers un petit dispensaire à l'arrière de l'hôpital local, un endroit oublié, avec des équipements vétustes et un personnel réduit à son strict minimum. Le temps pressait.
Une jeune interne, Clara, a accouru en nous voyant. Ses yeux se sont écarquillés d'horreur en voyant mon état. « Mon Dieu ! Qu'est-ce qui s'est passé ? » Elle a hurlé des ordres aux infirmières présentes, tentant d'obtenir le peu de ressources disponibles.
« Il faut la stabiliser, et vite ! » a-t-elle déclaré, le visage blanc. « Elle a une hémorragie massive. » Elle a essayé de trouver du sang, des médicaments, du matériel. Mais tout était parti. L'hôpital Beaumont avait tout siphonné.
« Je n'ai rien ! » a-t-elle crié, les larmes aux yeux. « Il n'y a plus rien ici ! »
Mes yeux se sont fermés. La voix de Damien. Je n'ai pas d'autre enfant en dehors de celui de Victoire. Il avait tout dit.
La porte du dispensaire s'est ouverte. Charlyne est entrée, son visage livide. Elle n'était plus moqueuse, mais terrifiée. Elle m'a vue, allongée sur la table d'opération froide, mon corps à peine vivant. L'horreur a déformé ses traits.
« C'est... c'est Éléanore ? » Elle a murmuré, comme si elle ne pouvait pas croire la scène devant elle.
Clara, l'interne, a hoché la tête, ses yeux noirs de chagrin. « Oui. Elle a eu un accouchement prématuré. Elle est en train de... »
« Non ! Ce n'est pas elle ! » Charlyne a hurlé, sa voix hystérique. « C'est une imposture ! Éléanore est morte ! Je l'ai vue ! » Son regard s'est posé sur mon ventre affaissé. Elle a reculé, l'horreur dans ses yeux. « C'est impossible ! Elle ne peut pas être là ! »
Clara a insisté, sa voix ferme. « Madame, elle est en train de mourir. Elle a besoin d'aide. »
Charlyne a secoué la tête, son visage tordu par la peur et la dénégation. « Elle a toujours été une menteuse. Une manipulatrice. Elle fait ça pour nous faire du tort. » Elle a reculé, ses yeux balayant la pièce. « Elle est vaincue ! Elle a perdu ! Damien ne veut plus d'elle ! »
« Elle n'est pas vaincue, Madame. Elle est en train de mourir d'une hémorragie ! » a rétorqué Clara, sa voix pleine de rage. « Son bébé est mort, et elle va la suivre si nous ne faisons rien ! »
Charlyne a lancé un regard furieux à Clara. « Vous ne savez rien ! Elle est juste une femme ambitieuse et avide. Damien l'a toujours dit. Elle a essayé de voler son héritage. »
Clara a essayé de contourner Charlyne, cherchant désespérément des fournitures. Mais Charlyne l'a rattrapée. « Ne t'approche pas d'elle ! » Elle a hurlé, ses yeux injectés de sang. « Si tu aides cette femme, tu perdras ton poste ! »
Clara a hésité, le désespoir dans ses yeux. Puis elle a regardé mon corps. Son visage s'est durci. « Je ne peux pas. Je ne peux pas la laisser mourir. » Elle a recommencé à chercher dans les armoires vides.
Charlyne a sorti son téléphone, son visage tordu par la fureur. « Damien ! Elle est là ! Éléanore ! » Elle a hurlé dans le téléphone. « Elle a fait une fausse couche, et elle est en train de mourir ! » Elle a écouté, puis son visage s'est décomposé. « Quoi ? Non ! Mais... elle est... » Elle a raccroché, son visage pâle. « Tu n'es qu'une source de problèmes. » Elle a murmuré, plus à elle-même qu'à moi.
Clara est revenue, ses mains vides. Elle m'a regardée, les larmes coulant sur ses joues. « Je... je n'ai rien. Je suis désolée. »
J'ai tendu ma main vers elle, mon regard s'accrochant au sien. Ne t'inquiète pas. C'était tout ce que je pouvais faire.
Ma vue est devenue floue. Les voix se sont estompées. J'ai entendu des murmures, des mots indistincts. « Le poison... trop fort... » « Le bébé... il n'a pas tenu. » « Hémorragie... impossible de l'arrêter. »
J'ai senti mon corps s'enfoncer dans le froid, dans le vide. Mon cœur ralentissait. Mes mains, mes pieds, tout mon être devenait glacial. J'ai essayé de crier, de me battre, mais je n'avais plus de force.
Mes mains sont tombées sur mon ventre, vide, creux. Une douleur, plus profonde que physique, a transpercé mon âme. Mon bébé. Mon cher bébé. Je n'avais pas pu te protéger. Je t'avais trahi.
Une larme solitaire a coulé de mon œil, traçant un chemin chaud sur ma joue glacée. Pardonne-moi, mon amour.
Alors le noir m'a engloutie. Totalement. Absolument.