J'étais l'ancre qui le retenait quand les cauchemars de la cruauté de son père le réveillaient en hurlant dans le noir.
Mais dans la hiérarchie brutale du Milieu, une maîtresse n'était qu'un bouche-trou.
Une veuve portant un « héritier du sang », par contre ? C'était une sainte.
La porte de ma chambre s'est ouverte dans un déclic.
Je n'ai pas levé les yeux, supposant que c'était Damien qui venait offrir une autre excuse emballée dans une boîte en velours.
« Confortable », a dit une voix traînante.
J'ai relevé la tête d'un coup.
Vivian se tenait dans l'embrasure de la porte.
Elle avait abandonné la blouse d'hôpital. Maintenant, elle était drapée dans l'un des peignoirs en soie noire de Damien, les manches retroussées pour s'adapter à ses bras fins.
C'était le peignoir que je portais le dimanche matin.
« Qu'est-ce que tu veux, Vivian ? » ai-je demandé, la voix tendue.
Elle est entrée nonchalamment dans la pièce, traînant un doigt manucuré sur la commode poussiéreuse.
« Je voulais juste voir où dort le personnel », a-t-elle dit, exhibant l'énorme émeraude à son doigt.
La bague de la famille Santini. La bague de la Donna.
« Tu es censée être au repos », ai-je dit en me levant.
« Et tu es censée être un secret », a-t-elle rétorqué, s'immisçant dans mon espace personnel.
« Tu sais comment les hommes t'appellent, Estelle ? Le matelas du Parrain. Confortable, jetable et facile à remplacer. »
« Sors », ai-je dit, un tremblement parcourant mes mots.
« C'est ma maison maintenant », a-t-elle sifflé, ses yeux se rétrécissant en fentes venimeuses.
« Mon enfant sera le Roi de cette ville. Et toi ? Tu n'es qu'une mauvaise odeur persistante. »
Elle a reculé brusquement, son talon se prenant dans le bord du tapis.
Mais elle n'a pas trébuché.
Elle s'est jetée en arrière.
C'était une chute calculée, une performance digne d'une statue en or.
Elle a heurté le sol avec un bruit sourd et a immédiatement brisé le silence avec un cri.
« Estelle, non ! Ne fais pas de mal au bébé ! »
La porte s'est ouverte en grand avant même que je puisse inspirer.
Damien s'est précipité à l'intérieur, arme au poing, son regard de prédateur balayant la pièce à la recherche d'une menace.
Il a vu Vivian par terre, serrant son ventre, sanglotant hystériquement.
Puis il m'a vue, debout au-dessus d'elle.
Il n'a pas demandé ce qui s'était passé.
Il a rengainé son arme et a traversé la distance en un éclair.
Il m'a plaquée contre le mur.
Ma tête a heurté le plâtre, des étoiles explosant dans ma vision en un flash blanc aveuglant.
« Qu'est-ce que tu as fait ? » a-t-il rugi, de la salive volant sur ma joue.
« Je ne l'ai pas touchée ! » ai-je hurlé en retour, serrant mon crâne endolori. « Elle s'est jetée par terre ! »
« Menteuse ! » a gémi Vivian depuis le sol, sa voix tremblant d'une peur étudiée.
« Elle a dit qu'elle le tuerait ! Elle a dit qu'elle ne laisserait pas le fils d'Aaron prendre sa place ! »
Damien s'est tourné pour la regarder, le sang quittant son visage.
Il l'a soulevée, ses mouvements frénétiques et désespérés.
« Appelez le médecin ! » a-t-il beuglé aux gardes qui planaient dans le couloir.
Il m'a regardée à nouveau, et pour la première fois en huit ans, l'homme que j'aimais avait disparu.
À sa place se tenait un étranger froid et létal.
« Si le sang de mon frère est versé », a-t-il dit, sa voix un grondement bas et terrifiant, « il n'y aura aucune pitié. Même pas pour toi. »
Il l'a emportée, me laissant seule avec l'écho de sa menace.
Dix minutes plus tard, le médecin privé du Consigliere est arrivé.
Je me tenais dans l'embrasure de la porte de la Suite Principale, regardant Damien faire les cent pas près du lit comme un animal en cage.
« Le rythme cardiaque est stable ? » a demandé Damien, essuyant une sueur froide de son front.
« Il est fort, Monsieur Santini », l'a rassuré le médecin. « Mais elle a besoin d'un calme absolu. Le stress pourrait déclencher un décollement. »
Damien a hoché la tête, expirant un souffle qu'il semblait retenir depuis une heure.
Il a raccompagné le médecin et s'est retiré dans la salle de bain pour laver la panique de son visage.
Je suis entrée dans la chambre.
Vivian a ouvert les yeux.
Elle m'a vue et a souri – un étirement lent et prédateur des lèvres qui n'atteignait pas ses yeux.
« Il est si facile à manipuler », a-t-elle chuchoté.
« Il suffit de mentionner "l'Honneur de la Famille" et il arrête de réfléchir. »
« Tu es malade », ai-je soufflé. « Tu risquerais ton propre enfant pour ça ? »
Vivian a ri, un son sec et cassant qui m'a écorché les nerfs.
« Quel enfant ? » a-t-elle murmuré, ses yeux brillant de malice.
« Je l'ai drogué, Estelle. J'ai drogué Damien il y a trois semaines. J'avais besoin d'une chronologie qui corresponde. »
Elle a fait une pause, savourant la confusion sur mon visage.
« Mais le bébé ? Ce n'est pas un Santini. »
Mon sang s'est glacé.
« Tu mens. »
« Vraiment ? » Elle a souri avec suffisance, se penchant en arrière contre les oreillers que j'avais l'habitude de gonfler.
« Aaron était stérile. Pourquoi crois-tu qu'on n'a jamais eu d'enfants ? Mais Damien ne le sait pas. »
Son sourire s'est élargi, cruel et victorieux.
« Et la parole d'une maîtresse ne vaut rien contre la revendication d'une veuve. »