Chapitre 5 Chapitre 5

Alexia parcourut la feuille que Rae venait de lui tendre. Une liste de noms, soigneusement annotée, remplissait les pages.

- Voilà ceux qui seront présents au mariage. Apprends-les, dit Rae. J'ai aussi ajouté quelques informations sur chacun. Kieran ne voulait pas de cette union, mais il refuse d'être tourné en ridicule. Il insiste pour que la cérémonie ait l'air convenable.

Alexia acquiesça, posa les papiers sur la table de chevet, puis releva les yeux.

- Et aujourd'hui, on fait quoi ?

- On commence par te montrer les alentours. Cet après-midi, on s'occupe de ta robe et de l'organisation. Ensuite, je t'emmène en ville rencontrer quelques personnes importantes de la meute.

Elles quittèrent la chambre et traversèrent le couloir jusqu'au salon familial des Stone, juste à côté. Les murs étaient couverts de portraits : des visages sévères, des silhouettes droites, les anciens dirigeants de la meute.

- Lui, c'est Kevin Stone, le père de Kieran, expliqua Rae en désignant un grand homme aux traits fermes. Il a dirigé plus longtemps que tous les autres avant lui.

Elle esquissa un sourire nostalgique.

- C'est grâce à lui que ma famille a pu rejoindre cette meute. Il nous a tirés d'un trou misérable.

- Tant mieux pour vous, répondit Alexia. Il devait être un bon chef. Le fils a pris après lui ou... ?

Elle s'interrompit, consciente de la pointe d'imprudence dans sa remarque.

- Désolée... je n'aurais pas dû dire ça.

Rae eut un petit rire.

- Ne t'inquiète pas. Kieran a eu une vie compliquée. Ses parents sont morts quand il avait dix ans. Son oncle a pris la place quelques années, le temps qu'il soit assez vieux pour reprendre le rôle. Mais quand Kieran a enfin été prêt, il a découvert que cet oncle avait fait tuer l'ancien Alpha et la Luna pour garder le pouvoir. Il a payé pour ça... et de la main même de Kieran.

Elle laissa planer un silence.

- Après autant de trahisons, on finit par se méfier de tout le monde.

Rae croisa le regard d'Alexia.

- Tu te souviens de ce que je t'ai dit hier soir ?

- Oui. Qu'il n'est pas réellement comme il veut le faire croire. Qu'il n'est pas fait de pierre... ou que ce n'est qu'une façade.

Rae soupira doucement avant de reprendre :

- Il ne montre sa vraie nature à personne. Pour l'instant, tu es un élément inattendu dans ses plans. Vas-y doucement. Évite de le provoquer et tu trouveras ta place ici... même en tant qu'épouse sous contrat.

La matinée se poursuivit en ville. Rae présenta Alexia à de nombreux membres de la meute. À chaque rencontre, la jeune femme saluait avec respect, souriait, s'efforçait d'être chaleureuse.

Les réactions fusèrent :

- Voici notre future Luna ?

- Le Roi a bien choisi.

- Une beauté pareille, c'est rare !

- C'est la fille d'un Alpha, non ? Ça se voit dans son maintien.

Les enfants se collaient à elle, réclamant son attention. Alexia ressentit un pincement au cœur en revoyant les visages des plus jeunes chez Dean et Melissa.

Une petite fille, tresses serrées, se présenta :

- Je m'appelle Cindy. Tu es trop belle ! Moi aussi, je veux être comme toi !

Alexia s'agenouilla pour être à sa hauteur.

- Tu n'as rien à m'envier, tu sais. Tes tresses sont magnifiques.

- Merci ! C'est maman qui m'a coiffée ! dit la fillette en montrant une femme un peu plus loin.

La mère, Mara, une sage-femme respectée en ville, s'approcha. Elle salua profondément.

- Quand tu porteras l'enfant de l'Alpha, je m'occuperai personnellement de toi.

Alexia rougit aussitôt. Rae étouffa un rire derrière elle, consciente que ce scénario n'arriverait jamais. Kieran ne toucherait pas Alexia, et celle-ci n'en avait aucune envie. Elle espérait encore rencontrer son véritable compagnon.

- Merci, Mara, répondit-elle avec un sourire qu'elle força un peu. J'ai été heureuse de vous rencontrer. Vous m'avez tous fait sentir... presque chez moi. Plus que chez moi, même.

À la fin de la journée, épuisée, Alexia ne souhaitait plus qu'une chose : dormir. Rae partit au bureau de Kieran, et Alexia se hâta vers les escaliers.

Elle venait de poser le pied sur la première marche qu'un pas lourd et rapide retentit derrière elle. Elle reconnut aussitôt cette présence oppressante, comme une brume glacée s'abattant sur ses épaules. Il n'y avait qu'une personne capable de dégager une telle aura : Alpha Kieran.

Le cœur d'Alexia s'emballa. Plus vite. Monte.

Elle accéléra et atteignit sa porte. Sa main se referma sur la poignée, prête à s'y engouffrer, quand une voix sèche claqua :

- Arrête. Tu devrais reconnaître ton Alpha.

Elle inspira profondément, se retourna et baissa légèrement la tête.

- Alpha Kieran... excuse-moi. Je ne connais pas encore ton odeur. Je ne savais pas que c'était toi. Bonsoir.

- Qu'est-ce qu'il a de bon, ce soir ? grogna-t-il.

Alexia chercha ses mots, les yeux fuyants.

- J'ai passé une très belle journée avec ta meute. Les gens sont... incroyablement aimables. C'est un honneur d'être ici.

- C'est pour ça que tu as accepté ce mariage forcé ? demanda-t-il d'une voix glaciale.

- Je n'ai forcé personne, Alpha. Je voulais seulement atteindre mes vingt et un ans... et un jour, rejoindre mon compagnon, avoua-t-elle.

Un froid soudain sembla envahir le couloir. L'air autour d'elle vibrait de mécontentement. Kieran s'approcha lentement, la toisant de haut.

- Ce n'est pas parce que je t'ai mise dans la chambre voisine que tu as gagné quoi que ce soit, murmura-t-il. Souviens-toi de notre accord : tu es une épouse sous contrat. Rien de plus.

Il se détourna, puis lança sans émotion :

- Cette nuit, pas de cris. Tu dors dans le lit. Pas sur le sol. Ne m'oblige pas à venir te l'y attacher.

Sans lui laisser le temps de répondre, il repartit vers les escaliers.

Alexia resta figée, interdite. Il est vraiment venu juste pour me dire ça ?

Elle rentra dans la chambre, ferma la porte et regarda le lit.

- Il ne saura jamais si je dors par terre... et au fond, qu'est-ce que ça peut lui faire ?

Après avoir vérifié par la fenêtre que le ciel resterait clair, elle s'installa sur le matelas, malgré sa réticence, et tenta de s'endormir.

Cette nuit-là, elle rêva encore de Kieran : de ses mains surprenamment douces, de cette odeur de bois chaud mêlée à des épices. Puis l'image d'un loup gris apparut. Un grand loup au pelage d'hiver, brillant sous la lune.

Il s'approcha et dit faiblement :

- Je viens te chercher. Je viens te chercher.

Alexia se réveilla d'un bond, la peau hérissée.

Que voulait-il dire ? Qui était ce loup ?

Mais une autre chose la frappa aussitôt : elle se trouvait allongée dans le lit.

Ses yeux s'écarquillèrent.

Elle tourna la tête vers la porte qui menait à la chambre de Kieran.

- Non... non. C'est impossible.