Le Millionaire Qui Vivait Dans Mon Salon
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Le Millionaire Qui Vivait Dans Mon Salon

Sexybook
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Chapitre 1 Chapitre 1

Je lâche mon énorme sac sur le parquet de l'entrée et un nuage de poussière blanche s'élève autour de moi, presque jusqu'au plafond, avant de redescendre mollement. Je reste là sans bouger, à me laisser envelopper par ces particules câlines. Autant de bras invisibles qui viennent me serrer en secret.

– Salut, mes fantômes...

Je fais un petit sourire triste au vide face à moi. J'ai tant aimé cette ville, ce quartier, cette rue, cet immeuble. 10, Golden Lane, me revoilà.

– Et merci pour l'allergie !

Après une crise d'éternuements qui fait trembler les murs, je vais chercher ma tablette dans mon sac et appelle ma tante en visio comme convenu. Elle décroche dès la moitié de la première sonnerie.

– Coucou mon puceron, comment ça va ?

– Bien, jusque-là... Beaucoup de poussière, pas une seule larme.

– Je suis fière de toi. Et même si on a dit qu'on ne pleurerait pas, Ada...On peut encore changer d'avis !

– Je sais, ne t'inquiète pas.

– Si, je ne fais que ça. J'aurais dû venir avec toi à Dublin pour t'installer,ne pas te laisser faire ça toute seule. Je suis la pire super-héroïne du monde !

Pourtant, une super-héroïne, c'est bien ce qu'elle est à mes yeux depuis quinze ans. Je ris, elle grimace dans l'écran et j'inverse l'objectif pour démarrer la visite.

– Prête ? lancé-je sans savoir si je le suis vraiment.

– Vas-y !

J'appuie sur les trois interrupteurs du couloir et les pièces face à moi s'éclairent. L'entrée exiguë, le vaste salon au parquet poussiéreux, la salle à manger attenante et ces murs si hauts qu'ils me font me sentir toute petite.

J'ai 9 ans à nouveau.

Je reste silencieuse en redécouvrant l'appartement de mon enfance. Ethel retient aussi son souffle – et probablement ses blagues – pendant que je fais pivoter ma tablette à trois cent soixante degrés. J'en ai le tournis. Quinze ans que je n'ai pas mis les pieds ici, mais c'est comme si je n'étais jamais partie. Tout a changé pourtant, les tapisseries, les peintures, les odeurs. Mais c'est... « chez moi ».

– Ada, tu te remets... ? souffle-t-elle.

– Pas sûre.

– Arrête de tourner, je vais vomir.

– Moi aussi, avoué-je. Et mes yeux saignent un peu.

– Ouais. C'est... chargé.

– Tu as vu ? Les précédents locataires ont mis du papier peint dans le salon. Qui fait ça ?

– Mais attends, ça représente quoi ? Approche-toi.

– C'est exactement ce que tu crains que ce soit... Une salade de fruits.

Ma tante ricane de l'autre côté de l'écran et je m'élance dans le couloir pour foncer vers ma chambre. Mon ancienne chambre, la plus grande de l'appartement après celle de mes parents. Je m'arrête net sur le seuil de la porte laissée ouverte : c'est comme si une jungle tout entière venait de me sauter à la gorge.

– Ethel, ils m'ont collé une déco savane !

– Désolée, je crois qu'on a affaire à des amateurs de chambres à thèmes.Je parie pour une inspiration japonaise dans la pièce d'à côté.

J'y cours.

– Raté. Un fan de Game of Thrones.

J'ai un petit pincement au cœur en découvrant le poster géant et bien glauque affiché au mur déjà peint en noir. Cette chambre était verte du sol au plafond, à l'époque où mon petit frère féru de dinosaures l'occupait.

Dans une autre vie.

Après mon départ de Dublin, les locataires se sont succédé ici sans que je n'en sache grand-chose. Des familles, des étudiants, des artistes, WonderEthel gérait tout ça de loin. Mais si la déco a dû changer souvent en quinze ans, personne n'a apparemment entrepris de travaux de rénovation depuis toutes ces années Les peintures s'écaillent, le parquet change de couleur par endroits, les salles de bains sentent l'humidité et j'ai bien du mal à ouvrir les fenêtres dans chaque pièce.

– L'appart tombe en ruine, Ethel...

– Je sais. Quand on a envoyé le préavis pour résilier le bail de location,l'agence immobilière m'a dit que les derniers colocataires n'étaient pas très soigneux.

– Mais très inventifs, apparemment ! J'ai trouvé une chambre... disco.

– De mieux en mieux ! Montre...

– Peux pas. Viens de tomber dans une autre dimension. Regarde ce qu'ilsont fait de la chambre de ma sœur...

Je dirige ma tablette vers les murs blancs – ou plutôt jaunis – barrés d'inscriptions rouges peintes à la main. « No future », « Ils sont parmi nous », « No peace no love », « Venez me chercher »... Le reste est indéchiffrable. Et je crois que c'est mieux comme ça.

– Les gens sont fous... marmonné-je.

– Ou ils ont juste mauvais goût, essaie-t-elle de me rassurer.

– Ethel, tu crois que cet appart est maudit ?

– Non, bien sûr que non, puceron !

– Je crois que le type qui doit venir évaluer les travaux va s'enfuir encourant.

– Tu peux rentrer à Boston quand tu veux et on enverra quelqu'un s'occuper de tout. Tu n'es pas obligée de rester là si c'est trop difficile pour toi.

– Non, j'ai 24 ans, il est temps que je prenne ma vie en main et que j'arrête de partir en courant de cet endroit. C'est juste quelques travaux de rafraîchissement... Je vais vivre ici trois ou quatre mois, vendre l'appartement et après ça je pourrai tourner la page. Définitivement.

– Comme tu veux, puceron.

– Et on va aussi rediscuter de ce surnom... Attends, quelqu'un sonne à laporte.

– S'il te propose des bonbons, tu dis non ! Et si c'est pour te vendre un calendrier, rappelle-toi qu'on est en juin. – Ça va aller, Ethel, je te rappelle.

Je ris et presse le pas vers l'entrée. Elle a beau n'avoir que onze ans de plus que moi, ma tante me couve comme une louve depuis qu'elle m'élève. Elle avait 20 ans et pas le moindre instinct maternel – mais une tonne de super pouvoirs. On a grandi et on s'est façonnées ensemble, en formant une drôle de famille à deux. C'est presque impossible d'expliquer ce qui nous lie aujourd'hui.

Et c'est encore plus difficile pour moi de savoir ce que je ressens, pendant que je traverse ce long couloir émouvant. C'est la première fois que je me retrouve seule dans cette vie. Ma vie d'avant. C'est effrayant, excitant, émouvant. Ça me donne d'étranges envies contraires : danser comme une folle au milieu du salon, sauter sur les lits, arracher les papiers peints avec mes ongles, me rouler en boule dans un coin. Tout ça sans savoir dans quel ordre.

À la place, je vais ouvrir la porte et je tombe sur un tout petit monsieur sans le moindre cheveu, le visage moucheté de taches de vieillesse, un petit chien saucissonné sous le bras.

– Monsieur O'Donnell, c'est bien vous ?

– Eh oui tu vois mon petit, pas encore mort, le vieux voisin !

– Oh non, vous n'étiez pas si vieux que ça, à l'époque...

J'hésite à finir cette phrase qui a déjà très mal commencé.

– J'avais quinze ans de moins que maintenant, comme toi, s'amuse-t-il.

Ça m'en fait 82 maintenant.

– Mais vous m'avez reconnue ?

– Tu as les cheveux plus longs mais encore plus flamboyants qu'avant.Et tes yeux pétillent toujours autant, jeune fille !

Je lui souris, gênée, sans oser lui dire que je me fais des couleurs pour rehausser mon roux pâlichon d'Irlandaise pure souche. Je tente de me donner une contenance en caressant la tête du teckel qui dépasse.

            
            

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