Chapitre 4 Chapitre 4

- Tu devrais aller te rafraîchir d'abord. J'ai tout mon temps.

Natalie fit un pas en arrière sans même s'en rendre compte, comme si ce simple mouvement pouvait ériger une barrière entre elle et l'homme devant elle. Son regard, inquiet et incertain, la trahissait. On aurait dit un petit animal pris au piège, prêt à s'envoler au moindre geste brusque.

Elle ignorait comment aborder cet étranger qu'on lui présentait comme son époux.

L'homme, appuyé contre la table, la fixait calmement. Ses yeux clairs brillaient d'une ironie tranquille, tandis qu'elle, figée, paraissait une proie sous les phares d'une voiture.

Sebastian eut un léger rire.

- Allons, ne sois pas tendue. Je ne compte pas te dévorer. J'ai simplement quelque chose à te dire.

Natalie croisa les bras, hésita, puis s'avança d'un pas. Chaque fibre de son être criait qu'elle n'avait rien à faire ici. Comment avait-elle pu se retrouver mariée à un homme qu'elle connaissait à peine ?

- De quoi s'agit-il ? demanda-t-elle enfin.

Sebastian saisit une chaise d'un geste tranquille et la plaça devant elle.

- Assieds-toi.

Lorsqu'elle se posa à contrecœur, il rapprocha la sienne et s'assit à son tour.

- Je vais aller droit au but, déclara-t-il. Je sais que tu n'as aucune envie de m'épouser.

Natalie sentit ses joues chauffer.

- Une relation ne s'improvise pas, répondit-elle en cherchant ses mots. Il faut du temps... pour apprendre à se connaître.

Mais à peine ces mots prononcés, elle regretta de les avoir dits. Sebastian savait parfaitement à quoi s'en tenir. Il connaissait la rumeur qui circulait sur lui, ce fils illégitime que Cassie Quinn n'aurait jamais voulu pour mari.

Il l'observa attentivement, fronçant les sourcils. Elle paraissait prête à s'effondrer ; sa lèvre inférieure tremblait, ses yeux fuyaient sans cesse.

- Détends-toi, finit-il par dire. Ce mariage ne m'enthousiasme pas plus que toi. Aux yeux des autres, nous serons mari et femme, mais en privé, chacun vivra comme il l'entend. Je suis souvent absent, et je n'ai aucune intention de te surveiller. En retour, je te laisse libre. Pas d'ingérence, pas de contraintes.

Il se leva, attrapa sa veste, puis s'interrompit soudain. Son regard changea ; il se pencha vers elle, posant ses mains sur les accoudoirs, l'enfermant dans un espace trop étroit.

- Observer un homme en train de se changer, murmura-t-il, n'est pas très convenable. Mais si, par hasard, tu ressens le besoin d'être comblée... je pourrais, en tant que mari, m'en charger.

L'air se chargea d'un mélange de parfum et de savon, une odeur qui fit frissonner Natalie.

- Inutile, répondit-elle d'une voix glaciale.

Sebastian se redressa lentement, les yeux soudain plus sombres. Son regard glissa vers le ventre de la jeune femme, avant qu'il ne reprenne d'un ton grave :

- Peu importe la nature de notre union, je veux être clair sur un point : je ne tolérerai pas que ma femme porte l'enfant d'un autre.

La fidélité était, pour lui, une question d'honneur. Il avait trop entendu parler de cette Cassie frivole et changeante.

- Tant que nous serons liés par ce mariage, je saurai me comporter comme une épouse correcte, répliqua Natalie, la voix ferme. J'espère que tu feras de même et que tu tiendras ta promesse de ne pas interférer dans ma vie.

Le sourire narquois de Sebastian s'effaça, remplacé par une expression indéchiffrable. Il prit un léger recul, la jaugea encore un instant, puis demanda d'un ton presque curieux :

- Tu n'es pas Cassie Quinn... n'est-ce pas ?

Natalie sursauta brusquement.

- Si je ne suis pas Cassie Quinn, alors qui suis-je censée être ? lança-t-elle avec une ironie forcée, le sourire figé.

Sous le nom de Cassie Quinn, elle avait épousé Sebastian. Tout son plan reposait sur cette illusion : si elle échouait, Lauren refuserait de lui remettre l'argent. Et Hannah, toujours à l'hôpital, n'aurait aucune chance d'obtenir l'opération dont elle avait désespérément besoin.

Sebastian la dévisageait, troublé. Il se souvenait de ce qu'on lui avait dit à propos de la fille Quinn : une femme hautaine, cupide, implacable, qui se jouait des hommes fortunés pour s'enrichir.

C'est pour cela qu'il avait pris soin de paraître misérable à ses yeux - espérant qu'elle le méprise assez pour demander elle-même le divorce.

Mais la femme devant lui ne correspondait pas à cette image. Elle semblait sincère, presque maladroite dans sa retenue, et son trouble trahissait plus de peur que d'arrogance.

Cette douceur inattendue l'intriguait, malgré lui.

Peu importait, pourtant. Qu'elle soit Cassie ou non, il s'en moquait. Il n'avait accepté ce mariage que pour honorer la dernière volonté de sa mère mourante.

- Ce n'était qu'une question idiote, oublie ça, dit-il finalement en attrapant sa veste. J'ai terminé. Tu veux ajouter quelque chose ?

- Non, répondit Natalie, soulagée.

Elle regarda autour d'elle : une seule pièce, un petit canapé, une chambre modeste. Son cœur se serra. Devait-elle vraiment partager le lit de Sebastian ?

Il s'apprêtait à aller aux toilettes quand son regard croisa le sien. L'inquiétude qu'il y lut lui rappela soudain qu'il n'y avait qu'un lit dans la maison - une bâtisse qu'il faisait simplement nettoyer de temps à autre par des domestiques.

- Il n'y a qu'un seul lit, constata-t-il calmement. Je dormirai sur le canapé. Tu peux prendre la chambre.

Elle le dévisagea, déconcertée. Comment pouvait-il deviner ce qu'elle pensait ?

Même si son offre la soulageait, elle feignit une gêne polie.

- Ce n'est pas très convenable, murmura-t-elle. C'est... notre première nuit de mariage. Tu ne crois pas que ce serait mal vu ? Et puis, ce canapé est minuscule, tu risques d'avoir mal au dos.

- C'est vrai, admit-il, un léger sourire aux lèvres. Mais à moins de partager le lit avec toi, je n'ai pas d'autre solution pour dormir confortablement.

Il s'approcha, baissa la tête, et d'une voix basse, presque caressante, ajouta :

- Je te rejoindrai après la douche.

- Tu... tu m'as mal comprise ! balbutia Natalie, le rouge lui montant aux joues. Elle recula précipitamment, mais la table derrière elle bloqua sa fuite.

Avant qu'elle ne se cogne, Sebastian la retint d'un geste sûr et la ramena contre lui.

- Alors dis-moi, qu'essayais-tu de dire ? demanda-t-il en penchant la tête, un éclat taquin dans le regard.

Natalie resta figée, prisonnière entre ses bras. Son cœur battait à tout rompre. La chaleur de son corps, l'odeur de sa peau, tout la déstabilisait.

- Je veux seulement dormir seule, dit-elle d'une voix tremblante. Tu l'as dit toi-même : nous ne sommes mariés que de nom.

- Peut-être que j'ai changé d'avis, répondit-il doucement. Être un vrai couple me semble une idée plutôt agréable. Et toi, tu sembles vouloir rendre ce mariage bien réel.

Il écarta une mèche de ses cheveux et la glissa derrière son oreille.

- Ce n'est pas vrai ! protesta-t-elle, furieuse et honteuse à la fois.

- Pourtant, c'est bien toi qui m'invites implicitement à dormir près de toi, non ? lança-t-il avec nonchalance.

Natalie le repoussa de toutes ses forces, se réfugia dans la chambre et verrouilla la porte dans un claquement sec.

De l'autre côté, Sebastian éclata de rire.

Elle s'adossa à la porte, haletante. Ses joues brûlaient, ses tempes battaient. Elle resta ainsi un long moment, à écouter le silence.

Puis, saisissant la lampe de chevet, elle la posa près d'elle, prête à s'en servir si jamais il entrait.

Enfin, elle s'assit sur le bord du lit, le regard fixé sur la poignée, immobile, jusqu'à ce que le sommeil, tard dans la nuit, finisse par l'emporter.