Il a banalisé la chose. Il a balayé des années de traumatisme, les cicatrices visibles et invisibles, comme de simples « conneries de lycée ».
Séraphine, feignant un désir de paix, m'a adressé un sourire triomphant et moqueur par-dessus l'épaule de Damien. Le message était clair : *J'ai gagné. Tu as perdu.*
Je les ai ignorés tous les deux. Mes yeux sont tombés sur le sol où la boîte de Léo était tombée, ses quelques biens précieux éparpillés sur le trottoir immonde. Je me suis agenouillée en silence, mes doigts tremblants en tendant la main vers son modèle réduit d'avion préféré, un Spitfire en bois qu'il avait passé des mois à construire.
Alors que mes doigts effleuraient l'aile délicate, un talon à semelle rouge s'est abattu dessus.
*CRAC.*
Le balsa s'est brisé, le modèle réduit volant en éclats sous le poids délibéré de Séraphine.
Quelque chose en moi a cédé. Un cri de rage brut et primal s'est arraché de ma gorge. Je me suis jetée sur elle, ma seule pensée étant de lui arracher ce sourire suffisant du visage.
Je ne l'ai jamais atteinte.
Un coup de pied violent m'a frappée à l'estomac, m'envoyant voler en arrière. L'air a été chassé de mes poumons, et j'ai heurté le sol durement, atterrissant sur un morceau de plastique pointu du modèle cassé. Il a percé la peau de mon dos, une douleur fulgurante et brûlante.
Damien se tenait au-dessus de moi, son visage un masque de fureur glaciale. « Tu continues de t'en prendre à elle », a-t-il grondé, ignorant complètement le sang qui commençait déjà à imbiber ma chemise.
Des larmes coulaient sur mon visage, chaudes et furieuses. « C'était à Léo », ai-je sangloté, les mots étouffés par le chagrin. « C'est tout ce qu'il me restait de lui. »
Damien a ricané, son expression dédaigneuse. « C'est un jouet. Je lui en achèterai un plus cher. »
Le monde s'est arrêté. Les bruits de la ville, le vent froid, la douleur dans mon dos - tout s'est estompé.
Il avait oublié.
Dans les sept jours qui ont suivi la mort de mon frère, l'homme qui prétendait que Léo était « aussi de sa famille » avait oublié qu'il était mort. Il avait tout oublié.
La combativité m'a quittée, remplacée par un vide si immense que j'avais l'impression qu'un trou noir s'était ouvert dans ma poitrine. Mon cœur, mon amour, mon espoir - tout avait disparu, consumé.
Je me suis relevée, ignorant la douleur, et je me suis tournée pour partir. Je voulais juste disparaître.
Damien a bloqué mon chemin, sa voiture tournant au ralenti comme une bête qui grogne. Il s'est penché par la fenêtre, sa colère soudainement remplacée par un semblant d'inquiétude. « Tu n'as pas mangé, n'est-ce pas ? Tu es trop maigre. »
Il m'invitait à déjeuner. Après tout ça.
Hébétée, je suis montée. Que restait-il d'autre à faire ?
Je me suis glissée sur la banquette arrière, prisonnière de ma propre vie. À l'avant, Damien et Séraphine discutaient intimement, leurs voix un murmure bas. Il lui a épluché une orange, lui donnant les quartiers un par un.
J'ai fermé les yeux, me remémorant chaque coupure, chaque humiliation que Séraphine m'avait infligée depuis sa réapparition dans nos vies. Chacune était une nouvelle blessure, et Damien avait tenu le couteau à chaque fois.
Une secousse violente m'a projetée en avant. Le bruit de pneus crissant et de verre brisé a rempli l'air.
Un énorme camion venait de percuter le côté de la voiture.