Comment le sommeil avait-il pu l'emporter ? Elle, la femme qui dormait toujours à distance, se retrouvait dans cette intimité involontaire. Elle souleva un drap de soie : elle était nue.
- Comment ? murmura-t-elle, son cœur s'emballant d'une panique mêlée de honte.
Gabriel, réveillé par son mouvement, ouvrit ses yeux sombres. Il avait un sourire lent et satisfait.
- Tu t'es réveillée. Pourquoi cet étonnement ? Nous avons passé une excellente nuit, Germina. Inoubliable. C'est ce que tu voulais, non ?
Elle sentit l'indignation et la fureur monter. Le contrôle lui échappait, il osait parler de sentiments !
- Dégage ! Sors de ma chambre maintenant ! cria-t-elle.
Gabriel se leva sans un mot, récupéra ses vêtements sur le sol et s'habilla avec une rapidité déconcertante, son corps parfait se masquant sous le costume de l'escorte. Une fois prêt, il se tourna pour partir.
- Quoi encore ? aboya-t-elle, le dos tourné.
- Mon argent, Mademoiselle.
- Merde ! Elle se jeta vers la table de nuit pour attraper son portefeuille, mais il n'y était pas. Où l'avait-elle laissé ?
Elle attrapa son téléphone. L'écran s'illumina, révélant sept appels manqués de Clara. L'heure : 07h06.
- Oh merde, je suis en retard pour le service !
Un souvenir lui revint : elle l'avait jeté sur le canapé la veille. Poussée par l'urgence, elle s'enroula dans le drap de soie blanc et courut, dévalant l'escalier à une vitesse folle.
Au même moment, Clara, inquiète et exaspérée par les appels sans réponse et le retard de Germina, utilisait la double de clé. Elle ouvrit la porte du salon.
Clara entra et se figea.
La Cuisine de Germina était le reflet de son luxe organisé : une pièce immense et aérée, dominée par un îlot central en quartz blanc immaculé, d'où pendaient des luminaires design en laiton brossé. Les armoires, d'un gris anthracite mat, étaient dissimulées derrière des façades lisses, créant une ambiance minimaliste. Tout était propre, coûteux et froid.
Au milieu de cet espace, se tenait Germina, les cheveux en bataille, le corps à peine dissimulé par un drap de soie froissé, les yeux fous.
Et face à elle, descendant l'escalier, parfaitement habillé, le regard froid et sans émotion : Gabriel.
Clara laissa tomber son sac. Le bruit résonna sur le marbre.
- Germina ! Que se passe-t-il ici ? C'est qui ce jeune homme et que fait-il chez toi ?
Germina ne voulait pas croiser le regard de Clara, baissant les yeux vers le sol. Elle ne répondit pas. Elle attrapa le portefeuille sur le canapé, en sortit la somme convenue et la tendit à Gabriel, le bras tendu, sans le regarder.
- Tiens. Et va-t'en.
Gabriel prit l'argent.
- Sors ! renchérit Clara, son ton glacial. Et ne remets plus jamais les pieds ici.
Gabriel s'inclina légèrement, sans rien dire, et quitta la villa, refermant la porte derrière lui.
Germina porta ses mains à sa tête et se mit à faire les cent pas sur le marbre glacé du salon. Le silence était assourdissant.
Clara, brisant enfin le mutisme, le visage durci par la déception, s'approcha.
- Donc, c'était ça. La raison pour laquelle tu ne décrochais pas mes appels. J'étais morte d'inquiétude pour toi. Pendant que toi, tu te satisfaisais avec quelqu'un que tu ne connaissais même pas et que tu ramenais dans ta maison ?
Clara s'approcha de la cuisine, ouvrit une armoire et attrapa deux tasses, puis prépara du café dans la machine sophistiquée. L'odeur de l'arabica fort emplit l'air.
- Tu t'es encore fait du mal, Germina. Arrête cette vie.
Germina accepta la tasse de café, mais son regard restait vide.
- Que veux-tu que je te dise ? répondit-elle, une fatigue immense dans la voix.
- Je veux que tu penses ! riposta Clara. Penses-tu que cette vie te mènera quelque part ? Non. Non et non ! Tu es Germina, tu vaux mieux que ça !
Germina but une gorgée, le liquide chaud lui brûlant la gorge, ce qui était exactement ce dont elle avait besoin.
- Je suis désolée, Clara. C'était pour une nuit. Je te le promets, c'est terminé avec tout ça. Vraiment.
Le mensonge sonnait creux. Clara le savait, mais elle acquiesça.
- On a une énorme commande. Le client mystère arrive à neuf heures. Habille-toi. Maintenant.
Le rappel brutal du travail força Germina à bouger. Elle hocha la tête, le cœur lourd du regret de ne pas avoir pu cacher sa déchéance à sa seule amie fidèle. La journée s'annonçait longue.
Clara s'était affalée sur le canapé dans le salon, les yeux fixés sur le téléviseur grand écran, mais son esprit était ailleurs. Elle laissait Germina se préparer, sachant qu'une autre dispute ne servirait à rien.
À l'étage, sous la douche, l'eau chaude ruisselait sur la peau de Germina. Elle ferma les yeux. L'odeur du gel douche, habituellement apaisante, fut immédiatement supplantée par le souvenir de Gabriel.
Un frisson la parcourut. Elle se rappela l'intensité, la perte de contrôle qu'elle avait tant redoutée et tant désirée. Un demi-sourire, fugace et coupable, étira ses lèvres. Elle n'avait jamais passé une telle nuit. Le plaisir, brutal et honnête, avait été une bouffée d'air frais dans sa vie stérile. Elle le chassa aussitôt, se frottant vigoureusement pour effacer le souvenir. C'était une erreur. Fin de l'histoire.
Elle se sécha rapidement, s'habilla d'un ensemble professionnel et impeccable – un moyen de remettre son armure – puis s'assit à sa coiffeuse.
- Germina ! dépêche-toi, on est en retard ! cria Clara du salon.
- J'arrive, j'arrive !
Elle termina son maquillage, les traits soulignés pour donner à son visage une expression de compétence froide.
Germina descendit et, sans un mot, attrapa ses clés. Les deux femmes sortirent.
Le Maybach fusa sur l'asphalte. En route, elles s'arrêtèrent devant un kiosque de luxe pour prendre un jus de fruits frais et quelques viennoiseries emballées – le déjeuner serait pris sur le pouce.
- Tu penses qu'on va y arriver pour le gâteau ? demanda Clara, mangeant son croissant.
- Nous n'avons pas le choix, répliqua Germina, le regard concentré sur la route. C'est la plus grosse commande de l'année.
Elles arrivèrent à la pâtisserie. Dès l'entrée, Germina s'adressa à la jeune stagiaire à l'accueil.
- Y-a-t-il quelqu'un qui a demandé après moi ce matin ?
La stagiaire se redressa, l'air anxieux.
- Oui, Madame Germina. L'agent de liaison de la Maison du Goût a appelé il y a une heure. Ils ont un problème avec la livraison de leurs arômes naturels pour la prochaine semaine. C'est urgent. Ils veulent absolument que vous passiez chez eux cet après-midi pour évaluer l'urgence.
Germina fronça les sourcils. Une nouvelle urgence. Son agenda venait de se compliquer.
- Bien. Dis à Olivia de gérer la livraison si possible. Sinon, je m'en occupe après la commande du client mystère.
Elles se dirigèrent vers le bureau, mangeant rapidement leur petit-déjeuner.
- Allons voir ce qu'on va faire pour la fondation, dit Germina.
Clara ouvrit son ordinateur portable et afficha un dossier de modèles.
- Il nous faut quelque chose qui dit "célébration", mais "sobriété" pour une œuvre de charité, dit Clara. Regarde celui-là !
Elles passèrent en revue des photos : des gâteaux monumentaux, des pièces montées audacieuses. Elles s'arrêtèrent sur un modèle précis : un gâteau à quatre étages, rectangulaire et épuré, entièrement recouvert de pâte d'amande blanche, avec seulement quelques fleurs de sucre bleu marine pour accentuer l'élégance.
- C'est parfait, décida Germina. Classique, impressionnant, mais pas tape-à-l'œil.
Clara sourit.
- C'est un homme de goût, tu vois. Ça me rappelle ce que je te disais sur son appel. Il parlait si bien, un bon langage. C'est le genre de personne à qui on peut se confier, je te dis. Il n'est pas comme... enfin, tu vois.
Germina coupa court, le souvenir de Gabriel planant toujours.
- Laisse tomber, Clara. Je n'ai pas la tête à ça. Allons préparer ce gâteau à cet homme que tu qualifies si bien.
- D'accord, d'accord.
Toutes deux se rendirent dans le Laboratoire Principal, le cœur de la pâtisserie, où les Chefs et commis s'affairaient déjà. Germina et Clara enfilèrent leurs tabliers. Germina donna quelques instructions précises aux employés, puis commença à travailler avec Clara sur l'assemblage du gâteau de la fondation.
Elles travaillèrent sans relâche. Les arômes de vanille, de chocolat et de beurre chaud emplissaient le Laboratoire Principal.
Une heure plus tard, le gâteau était terminé. Il était d'une beauté saisissante : un monolithe blanc, imposant par sa taille, mais délicat par la finesse des fleurs de sucre. C'était la perfection faite pâtisserie.
- C'est... magnifique, souffla Clara, retirant son tablier. La plus belle pièce qu'on ait faite depuis des mois. Félicitations, Germina.
Germina laissa échapper un léger soupir de satisfaction, le seul refuge dans son chaos émotionnel.
- Oui. C'est parfait.
Elle se tourna vers Clara.
- Tu peux informer le client qu'il peut venir chercher sa commande. Dis-lui qu'elle est prête. Et prie pour qu'il arrive à l'heure. J'ai un problème d'arômes à régler cet après-midi.
Clara sourit, satisfaite de la réussite et impatiente de voir son amie interagir avec l'homme en question.
- Je m'en occupe tout de suite.