L'héritage sous contrat
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Chapitre 5 chapitre 5

Clara revint au bureau. Germina était déjà en train de passer un appel professionnel rapide, le ton aiguisé et précis, l'épaule calée sur l'écouteur, tout en rangeant les dernières photos de gâteaux.

​Clara lui fit un signe de la main.

​- J'ai appelé l'assistante. Le client arrive dans dix minutes, dit Clara, son regard brillant d'une anticipation malicieuse. Il vient en personne. Il veut s'assurer que tout est parfait pour sa fondation.

​Germina posa son téléphone, l'air las.

​- J'espère qu'il n'est pas trop exigeant. J'ai déjà la Maison du Goût à gérer. Fais-le attendre si je ne suis pas là.

​- Mais tu seras là. C'est la plus grosse commande. Et il faut que tu lui dises toi-même pour l'urgence des arômes. C'est l'occasion de faire bonne impression.

​Germina soupira, se dirigeant vers la petite salle de bain attenante au bureau pour se rafraîchir. Elle se regarda dans le miroir. Le maquillage ne cachait qu'à moitié les cernes de la nuit. Elle se donna une petite tape sur la joue. Reprends-toi, Germina. Tu es la PDG.

​À peine fut-elle revenue à son bureau que la stagiaire annonça par l'interphone, la voix tremblante d'excitation :

​- Madame Germina, le client de la fondation est arrivé. Il est... il a demandé à vous voir immédiatement.

​Germina se redressa, l'agacement prenant le pas sur la fatigue.

​- Qu'il attende une minute ! lança-t-elle, un peu trop fort.

​- Non, c'est bon, murmura Clara, les yeux écarquillés, fixant la porte qui venait de s'ouvrir.

​Un homme fit son entrée dans le bureau. Il était grand, d'une élégance rare, vêtu d'un costume gris clair impeccable. Son allure décontractée, presque royale, contrastait avec l'urgence qu'il avait mise à venir. Son visage était régulier, marqué par une trentaine d'années. Son regard était intense, presque perçant.

​Germina se figea. Elle laissa tomber le stylo qu'elle tenait. Le bruit sec sur le marbre du sol résonna dans le silence.

​L'homme lui sourit. Ce n'était pas un sourire professionnel ; c'était un sourire qui reconnaissait. Qui savait.

​- Bonjour, Mademoiselle Germina, dit-il, sa voix grave. Vous avez l'air surprise.

​Germina le dévisagea, son cœur battant la chamade, une vague de froid glacial remontant de ses pieds jusqu'à son cou. Les traits, la voix, la stature...

​- Non... C'est impossible, balbutia-t-elle.

​Elle se tourna vers Clara, cherchant de l'aide, mais Clara était trop abasourdie pour bouger.

​L'homme s'avança, sa démarche assurée.

​- Non, ce n'est pas impossible. C'est la réalité.

​Il arriva juste devant le bureau de Germina. Son regard, si intense la veille, était maintenant mélangé à une once d'ironie.

​- Je suis Gabriel, Mademoiselle. Gabriel Delattre. Le client mystère. Et le gâteau que je commande est destiné au Gala de fin d'année de ma fondation.

​Germina sentit la pièce tourner. Son cœur brisé venait de subir un nouvel assaut, bien plus violent que n'importe quelle trahison payante.

​- Vous... vous êtes l'homme de... elle s'arrêta, incapable de prononcer le mot "la nuit".

​- Oui, confirma Gabriel, son sourire s'élargissant. Je suis l'homme que vous avez payé hier soir, à mille cinq cents euros, pour satisfaire vos besoins.

​Clara laissa échapper un petit cri. Elle se couvrit la bouche, horrifiée. Elle comprit l'ampleur du désastre.

​Germina, le visage pâle, sentit sa gorge se nouer. Le sang lui montait aux joues d'une honte cuisante. Elle n'était plus la PDG ; elle était la femme faible et désespérée qui achetait l'affection et l'oubli. Et cet homme, le seul qui l'ait fait vibrer depuis des années, était son client le plus important. Il détenait le secret de sa plus grande humiliation.

​- Sortez ! Sortez immédiatement de mon bureau ! réussit-elle à cracher, la rage prenant le pas sur la honte.

​Gabriel ignora l'ordre. Il passa une main sur son menton.

​- J'ai trouvé l'arrangement insolite, je dois l'avouer. Mais professionnellement parlant, votre pâtisserie est remarquable. Le gâteau est prêt, n'est-ce pas ?

​- Vous êtes un salaud ! cria Germina, se levant brusquement, faisant presque basculer sa chaise.

​- Peut-être, répondit Gabriel, haussant les épaules. Mais le salaud que vous avez payé hier soir, Mademoiselle Germina, est aussi celui qui tient le chèque de votre plus grosse affaire de l'année.

​Il se pencha légèrement, baissant la voix pour que seule Germina l'entende, son ton devenant soudainement intime et dangereux.

​- Vous vouliez le contrôle, n'est-ce pas ? Vous vouliez m'acheter. Eh bien, voici le prix à payer : vous allez devoir travailler avec moi. Car vous me devez ce gâteau. Et je crois que nous avons des affaires non réglées à la fois dans le salon, et ici, dans votre bureau.

​Il recula, son regard fixant le sien, sans une once de pitié. Il avait le contrôle total.

​- Où est mon gâteau ? J'ai une fondation à gérer. Et vous, Mademoiselle Germina, vous avez un petit problème d'arômes à la Maison du Goût. Nous pourrions peut-être en discuter... ensemble ?

​Le cœur de Germina s'arrêta. Il savait même pour l'urgence de la Maison du Goût. Il avait toutes les cartes en main. Le désespoir de la nuit et l'arrogance du jour se rencontraient, la laissant vulnérable comme jamais.

Le silence était si lourd qu'il écrasait l'air. Clara, figée près du canapé, n'arrivait pas à détourner son regard du visage de Gabriel Delattre. L'élégance de son costume jurait avec l'audace brutale de ses paroles.

​Germina, le corps tout entier sous tension, tremblait. Elle était exposée, déshabillée moralement devant son amie et son plus gros client. L'image de Samuel, le profiteur, se superposa un instant au visage de Gabriel, mais Gabriel était pire. Il n'avait pas seulement pris son argent, il avait pris son contrôle et venait l'humilier dans son propre sanctuaire.

​- Vous... vous croyez que je ne vais pas annuler cette commande ? s'étrangla Germina, sa voix n'étant qu'un sifflement rauque. Je vais vous faire annuler ce contrat avant que vous n'ayez eu le temps de cligner des yeux ! Vous ne travaillez pas avec ma fondation ! Vous travaillez pour une fondation !

​- Vous avez tout à fait raison, Mademoiselle Germina, répondit Gabriel, imperturbable. Mais vous pensez vraiment que l'histoire de la PDG de La Fleur Sucrée qui paie mille cinq cents euros pour une nuit avec un homme qu'elle rencontre dans la rue... histoire que j'ai l'intention de raconter à qui veut l'entendre... cela va bénéficier à votre réputation ? Ou à la réputation de La Fleur Sucrée ?

​Il laissa l'argument pénétrer. C'était un coup de maître. Germina n'était pas menacée dans ses finances, mais dans sa dignité et l'héritage de son père.

​- Vous ne ferez pas ça, dit Germina, les yeux injectés de fureur.

​- J'ai l'argent d'une nuit de service, Mademoiselle. Vous avez une vie entière à perdre. Mon silence vaut bien le respect de ce contrat.

​Clara, retrouvant sa voix, intervint, le ton tremblant :

​- Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ?

​Gabriel se tourna poliment vers Clara, faisant un léger signe de tête.

​- Je suis un homme d'affaires qui apprécie l'excellence. Votre gâteau est un chef-d'œuvre, j'en suis sûr. Et je suis surtout un homme qui a été payé pour une nuit de passion par la femme qui se trouve être aujourd'hui mon fournisseur. L'ironie est délicieuse, n'est-ce pas ?

​Il reporta son attention sur Germina.

​- Ce que je veux ? C'est simple. Premièrement : le gâteau. Deuxièmement : vous allez résoudre mon problème d'arômes.

​Germina fut stupéfaite. Il savait pour la Maison du Goût.

​- Comment... comment le savez-vous ?

​- J'ai mes contacts, Mademoiselle. Et si vous êtes la meilleure pour ce gâteau, vous devez être la meilleure pour les arômes. C'est urgent pour ma fondation, car nous préparons un autre événement. C'est une mission complexe, Germina. Qui pourrait prendre des jours, voire une semaine.

​Il s'approcha du bureau et posa ses deux mains à plat sur le bois poli. Il dominait la scène.

​- Vous allez venir avec moi. À la Maison du Goût. Maintenant. Vous allez régler ce problème. Vous allez me prouver que vous êtes aussi exceptionnelle en crise qu'au lit. C'est mon offre. Si vous refusez, j'appelle les journalistes, et croyez-moi, l'histoire sera beaucoup plus savoureuse qu'aucun de vos gâteaux.

​Germina ferma les yeux un instant. Elle voyait l'écroulement de tout ce qu'elle avait construit. Elle voyait le visage déçu de son défunt père. Elle sentit la rage monter, froide et calculée, une nouvelle forme de détermination. Elle avait perdu le contrôle de son corps, elle ne perdrait pas son entreprise.

​- D'accord, dit-elle, sa voix revenue. Je vais résoudre votre stupide problème.

​Elle ramassa rageusement son stylo, un geste qui signifiait qu'elle acceptait les termes de cette guerre.

​- Mais que cela soit clair, Gabriel. Vous avez brisé le cœur des femmes avec cet argent. Moi, j'ai une réputation et un empire à défendre. Vous ne m'avez pas achetée. Vous m'avez louée pour une nuit. Et maintenant, je vous rends votre argent en vous prouvant que je suis la meilleure.

​Elle se tourna vers Clara.

​- Clara, gère l'enlèvement du gâteau. Et appelle la Maison du Goût pour confirmer ma visite. Je serai avec... Monsieur Delattre.

​Elle se dirigea vers la porte, s'arrêtant juste avant de sortir pour lancer un dernier regard noir à Gabriel.

​- Allons-y, dit-elle. Plus vite nous aurons fini, plus vite je n'aurai plus à supporter la vue de votre visage hypocrite.

​Gabriel sourit, le charme revenu.

​- Excellente initiative, Germina. J'apprécie votre efficacité. Après vous.

​Il se tourna vers Clara, son sourire s'adoucissant légèrement, un clin d'œil à peine perceptible.

​- Ne vous inquiétez pas, Mademoiselle. Je ne suis pas seulement un salaud. J'ai aussi un faible pour les femmes qui se battent.

​Et il suivit Germina hors du bureau, laissant Clara seule, sous le choc de l'événement et de l'incroyable ironie du destin.

                         

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