L'amour interdit avec mon professeur
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L'amour interdit avec mon professeur

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Chapitre 1 Chapitre 1

Space Oddity » à fond dans les oreilles, je lève les yeux vers la façade du monstre à treize étages qui semble vouloir chatouiller les nuages. Tous les immeubles ont la même gueule ici, la même allure arrogante et aristocratique, les mêmes pierres alignées, les mêmes escaliers soignés, les mêmes porches à colonnes et, plus haut, à presque chaque niveau, les mêmes balcons arborés.

Je hais Washington DC.

Je hais en particulier ce quartier où les signes extérieurs de richesse te sautent à la gorge. Bagnoles rutilantes, visages liftés, colliers de perles entrelacés de diamants, costards-cravates à plusieurs milliers de dollars, gosses en habits de créateurs, chiens « groomés » une fois par semaine :

tout brille à Georgetown. Tout se veut léché, clinquant, raffiné.

Tout sauf moi.

Pas très fraîche après un interminable voyage en train, mon vieux sac de gym en travers de ma poitrine, une petite valise à chaque main, je passe le porche et m'approche de la majestueuse porte d'entrée à tourniquet. C'est à ce moment-là qu'un portier en uniforme de majordome se précipite sur moi.

– Je peux vous aider, mademoiselle ?

Je viens d'atterrir dans une dimension parallèle, je ne vois que cette explication. Ou je divague, la faim et la fatigue me donnent des hallucinations. Cette redingote grise et ce képi à liseré doré ne peuvent pas être réels.

Ou alors je suis prisonnière d'un téléfilm de Noël, je vais bientôt découvrir que je suis une richissime héritière, que je dois ouvrir une petite pâtisserie, une librairie ou un salon de thé pour sauver l'âme de ce quartier, qu'il va se mettre à neiger en plein mois de septembre et que je m'apprête à rencontrer l'amour de ma vie dans trois, deux, un... – Mademoiselle ? insiste mon mirage.

Ou peut-être que non.

Je retire mon casque, l'enroule autour de mon cou et quitte à regret David Bowie.

– Il me semble que vous n'avez rien à faire ici.

– Vous devez mourir de chaud, là-dedans..., marmonné-je à celui quime barre le chemin. Mais si vous voulez vraiment m'aider, payez-moi le billet retour pour la Nouvelle-Orléans... – Je vous demande pardon ?

Le concierge n'a pas l'air d'apprécier mon ironie. Il doit probablement me prendre pour une mendiante, une SDF, une junkie – ou les trois à la fois – et se demande sans doute comment me foutre dehors vite fait bien fait, sans provoquer d'esclandre.

– J'habite ici à partir d'aujourd'hui, lui balancé-je sur un ton peu amène,avant de lâcher mes valises à ses pieds.

Pensant sûrement avoir affaire à une mythomane, le type en képi coule des yeux incrédules vers moi, puis m'offre un petit sourire apitoyé.

– Je vous rassure, vivre tout en haut de « La Haute », cette idée me semble totalement absurde à moi aussi, lui précisé-je.

– Je n'ai pas le temps pour vos plaisanteries, mademoiselle...– Ezra Chamberlain, ça vous dit quelque chose ?

– Pardon ?

– J'ai sa clé.

Je sors le précieux sésame de la poche arrière de mon short et l'agite sous les yeux méfiants du portier.

– M. Chamberlain occupe le penthouse, récite alors le cerbère. Et possède tout l'immeuble...

– Je suis au courant. Vous me montrez le chemin ou pas ?

– Vous lui voulez quoi, exactement, à M. Chamberlain ?

Il faut croire que sa politesse a des limites. Et sa façon plus que zélée de faire son boulot me donne légèrement envie de jouer avec ses nerfs...

– J'ai 17 ans, lui 31 : je ne suis clairement pas sa maîtresse. Ce serait déplacé.

– Clairement.

Le type n'est pas déstabilisé par mon aplomb. Un peu plus et il va finir par me plaire...

– Il m'aurait engagée comme bonne à tout faire ? tenté-je alors.

– M. Chamberlain emploie déjà des employés de maison, mais uniquement de manière sporadique. Il aime sa tranquillité.

OK. Il est temps de sortir l'artillerie lourde.

– Et si j'étais sa fille cachée ?

– Bien essayé, mais je ne crois pas, non, fait-il en me passant en revuede la tête aux pieds.

Mon short en jean destroy n'a pas l'air de convaincre mister Redingote.

– Vous voulez vraiment savoir la vérité ? lui glissé-je alors.

Passablement agacé, le portier fronce les sourcils, je m'approche de lui et lui murmure ces quelques mots à l'oreille :

– Je suis une terroriste venue tout faire péter...

Tout à coup, quelque chose vibre dans la poche intérieure de sa veste. L'homme droit comme un « i » se saisit de son téléphone et lit en silence le message qu'il vient de recevoir. Une quinte de toux lui échappe, puis le pingouin crispé m'adresse soudain son sourire le plus affable.

– Bienvenue chez vous, miss Chamberlain. Je m'excuse pour le malentendu : nous sommes ravis d'accueillir la nièce du propriétaire des lieux. Laissez-moi m'occuper de vos bagages et suivez-moi je vous prie.

– C'est beaucoup moins drôle maintenant que vous savez qui je suis...,grommelé-je en lui emboîtant le pas. On peut continuer à dire que je suis une meurtrière sanguinaire ?

Képi m'ignore superbement et me guide à travers un grand hall en marbre digne d'un palace.

– L'ascenseur pour le penthouse est par ici, il est réservé exclusivement à votre oncle... et ses invités bien entendu.

– Ça ne vous fait pas peur de vous retrouver enfermé avec une dangereuse criminelle pendant treize étages ?

– Mon métier comporte des risques, je suis prêt à les assumer..., répondmon nouvel ami en souriant presque.

Personne dans l'appartement où mes yeux se perdent déjà face à l'immensité, mais un petit mot m'attend sur la console de l'entrée. Bienvenue Lemon,

Fais comme chez toi, tant que tu n'oublies pas que c'est chez moi. Ezra

J'imagine parfaitement son long visage délicat, son sourire espiègle et ses yeux bruns rieurs. C'est quasiment la seule image que j'ai gardée de mon oncle, ce bel homme dans la trentaine, allure de dandy, politicien de métier si j'ai bien suivi, que je n'ai croisé que quatre ou cinq fois dans ma vie. De tout le clan Chamberlain, il est le seul à avoir accepté de m'héberger cette année.

Au moins jusqu'à ma majorité.

On ne peut pas dire qu'il manque de place. Je ne sais pas à quoi sert le premier petit salon, vu qu'un autre s'étend à perte de vue jusqu'à une baie vitrée en angle qui donne sur la rivière Potomac. Je déteste par principe cet endroit... mais la vue me coupe le souffle. Je reste longtemps avec le front collé sur la vitre et cette phrase qui me passe et me repasse devant les yeux, comme entraînée à l'infini par les eaux sombres du fleuve : « Fais comme chez toi, mais c'est chez moi. »

Je me retourne enfin en soupirant, blottie dans l'angle de cet appartement bien trop grand, bien trop propre, bien trop luxueux pour y accueillir une adolescente de dix-sept ans débarquant de sa Louisiane en short en jean déchiré, baskets sales et mauvaise humeur caractérisée.

Et pourtant me voilà, debout au milieu de ce penthouse dont je ne peux même pas imaginer le prix : je perds le fil au bout de quelques zéros. J'observe les hauts plafonds en me tordant le cou, les meubles design reposant sur des dizaines de tapis anciens disposés de travers avec une fausse négligence, le parquet sombre et vernis qui brille tellement que je peux m'apercevoir dedans.

– Mais qu'est-ce que tu fous là, toi ? demandé-je à mon reflet.

            
            

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