Chapitre 5 Chapitre 5

« Toi. » Il plisse les yeux vers Cora, puis me désigne. « C'est ce que tu as fait de mon sperme, n'est-ce pas ? Tu as inséminé ton amie ? »

« Bien sûr que non ! » s'exclame Cora, la voix tremblante malgré sa véhémence. « Oui, j'ai inséminé Ella la semaine dernière, mais pas avec ton sperme ! Elle a choisi un donneur dans notre dossier client. »

« Tu mens. » réplique-t-il froidement, comme s'il énonçait une évidence. « Ella savait très bien pour les échantillons, puisqu'elle est venue plaider ta cause. »

« C'est toi qui as fait ça ? » me demande Cora, stupéfaite.

Je hoche la tête, honteuse. « Oui, mais je voulais juste t'aider. Je pensais qu'il te montrerait un peu de clémence s'il voyait que tu ne ferais jamais rien qui puisse nuire à ta carrière. Je suis désolée, Cora. Vraiment. »

Elle me serre doucement la main. « Ce n'est pas grave. » souffle-t-elle avant de se tourner vers Sinclair. « Ça ne veut rien dire... Oui, je l'ai inséminée le jour où ton échantillon a disparu, mais non, c'est impossible. Ton échantillon était dans un réfrigérateur à part... »

Sa voix s'éteint brusquement. Son regard glisse vers l'écran d'échographie et s'écarquille.

« Oh mon Dieu... »

« Quoi ? » demandé-je, le cœur serré.

« Ce n'est pas humain. » murmure-t-elle, presque inaudible.

Je fronce les sourcils. « Comment ça, pas humain ? »

Mais Cora se tourne vers Sinclair, le visage décomposé. « Je jure que je ne l'ai pas fait exprès. Je ne sais pas comment c'est arrivé ! »

« Pourquoi tu continues à dire que ce n'est pas humain ? » insisté-je, exaspérée. « Qu'est-ce que ça pourrait être d'autre ? Un extraterrestre ? »

« Ne fais pas semblant de ne pas savoir. » grogne Sinclair, les yeux brûlants. « Ne prétends pas que vous n'avez pas planifié tout ça précisément pour cette raison. »

Cora tremble. « Ella, quand je t'ai parlé des échantillons, je ne t'ai pas tout dit. » Elle inspire difficilement. « J'ai dû signer des dizaines de documents de confidentialité. Certains échantillons... font l'objet de recherches très particulières. Ceux de M. Sinclair, surtout. »

Je la fixe, perdue. « Quels genres de recherches ? »

Elle jette un regard nerveux à Sinclair avant de lâcher dans un souffle : « Il n'est pas humain. C'est... un loup-garou. »

Un silence tombe. Puis je ris, nerveuse. « Très drôle. »

Mais Cora ne rit pas. « Je suis sérieuse. C'est un loup-garou. »

« Cora... » dis-je doucement, en cherchant son regard. « Les loups-garous n'existent pas. »

« Je ne le croyais pas non plus, jusqu'à ce que je commence à travailler ici. Ce laboratoire a deux branches. Une pour les humains, et une... pour les métamorphes. Très peu d'humains sont autorisés à le savoir. »

Je la regarde, stupéfaite. « Tu es sûre que tu n'as rien pris ? »

« Elle n'est pas droguée. » gronde Sinclair d'une voix si grave qu'elle semble résonner dans ma poitrine.

Je tourne la tête vers lui. Ses yeux, d'un vert saisissant, brillent littéralement. Pas comme un reflet - non. Comme s'ils émettaient leur propre lumière. Mon cerveau refuse d'accepter ce qu'il voit. Ma vision tangue. Puis tout devient noir.

Quand je reprends conscience, Cora a disparu. Je suis allongée sur la table d'examen, la tête qui tourne. Et lui est là. Assis face à moi, calme, les bras croisés. Ses yeux ne brillent plus, mais je me souviens. Cette lumière. Cette vitesse surhumaine quand il a sauvé Jake. Tout ça... était réel ?

« Comment te sens-tu, Ella ? » demande-t-il d'une voix étonnamment posée.

« Comme si je devenais folle. » soufflé-je.

« Tu ne l'es pas. » répond-il avec assurance. « Tout ce que tu as vu est réel. »

Je secoue la tête. « Non. Non, c'est impossible. Cora ne m'a rien forcé à faire, et je ne voulais pas te piéger ! Je voulais juste... un enfant. »

Il arque un sourcil. « Tu crois que je vais gober ça ? Mes hommes ont enquêté sur toi. Tu es ruinée. Tu pensais sûrement qu'en portant mon enfant, je paierais tes dettes. Mauvais calcul. »

Je sens la colère bouillir. « C'est absurde ! On m'a volé mon identité, et je ne l'ai su qu'après l'insémination. Je ne suis pas une profiteuse ! Je ne te dois rien ! »

« Les preuves sont contre toi. » tranche-t-il sèchement.

« On ne sait même pas si c'est ton enfant ! » répliqué-je. « Peut-être que ce n'est pas humain, mais ça ne veut pas dire que c'est le tien. »

« Je sais que c'est le mien. » Sa voix devient un grondement. « Je peux le sentir. Mon sang coule dans ton ventre. »

Je reste figée, bouche ouverte. Il le sent ? Il sent son sang ? Mon esprit tangue à nouveau. « C'est de la folie... Si les loups-garous existaient, les gens le sauraient ! »

Il lève lentement la main. Sous mes yeux, ses ongles s'allongent, deviennent des griffes noires et acérées. Mon estomac se tord. Je recule d'un bond.

« Comment tu fais ça ?! »

« Je vais supposer que c'est ton choc qui parle. » rétorque-t-il avec une ironie glaciale. « Parce que sinon, ton intelligence me déçoit. »

Je le fusille du regard. « Tu n'as pas le droit de me parler comme ça juste parce que tu es riche et que tu... hurles à la lune ! »

Un sourcil s'élève. Un éclat moqueur passe sur ses lèvres. « Tu es courageuse, je te l'accorde. »

« Je ne veux rien de toi ! » grogné-je. « Je veux juste que tu me laisses tranquille. »

Ses yeux brillent de nouveau, d'un vert prédateur. « Ça n'arrivera pas. Tu portes mon chiot. »

« Chiot ? » Mon estomac se noue. « Comme... quatre pattes et une queue ? »

« Non. » répond-il avec calme. « Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. »

Je déglutis. « Alors, explique-moi. Comment ça fonctionne ? »

Il se redresse, s'adosse dans son fauteuil, sans me lâcher du regard. « À bien des égards, les loups-garous sont comme les humains. Nous naissons sous forme humaine, et nous vivons la majorité de notre existence ainsi. La transformation n'intervient que plus tard, vers l'enfance. C'est un apprentissage. Les sens sont présents dès la naissance - la vue, l'odorat, l'ouïe - mais la métamorphose demande du temps et de l'effort. C'est comme apprendre à parler. »

Je l'écoute, fascinée malgré moi. Sa voix est grave, posée, hypnotique.

« Mais... comment puis-je être enceinte d'un métamorphe si je n'en suis pas une ? » demandé-je, tremblante.

Pour la première fois, il hésite. « Je n'en suis pas certain. C'est inédit. Notre société vit en parallèle de la vôtre, cachée. Quelques humains sont mis dans la confidence - des scientifiques, des médecins, des experts. Mais jamais... une situation comme celle-ci n'a eu lieu. »

Je reste muette, tentant d'assimiler l'impensable.

« Donc... » murmuré-je enfin, « il existe un monde entier de loups-garous, caché juste sous le nez des humains ? »

Son regard s'assombrit, presque mélancolique. « Oui. Et tu viens d'y entrer, Ella. Que tu le veuilles ou non. »