Chapitre 4 Chapitre 4

Pourtant, en franchissant les portes de la banque de sperme, une étrange boule me serre le ventre. Il y a dix jours encore, j'étais triste mais pleine d'espoir. Aujourd'hui, je redoute presque le résultat.

Mais dès que je pénètre dans le hall, un frisson me parcourt. J'ai cette sensation étrange - celle d'être observée. Et sans savoir pourquoi, je sais que Dominic Sinclair est là. Mon regard balaye l'espace, jusqu'à ce que je le voie, derrière la vitre d'une salle de conférence luxueuse, entouré de cadres en costume. Comment ai-je su ? Je n'en ai aucune idée.

Et pire encore : pourquoi suis-je attirée par lui ? Cet homme a détruit la vie de Cora... et la mienne. Je devrais le haïr, pas sentir mon cœur s'emballer en le regardant.

Je m'arrête un instant, hypnotisée. Il semble encore plus beau que dans mes souvenirs. C'est injuste : un homme aussi froid et calculateur ne devrait pas avoir un visage pareil. L'univers distribue décidément ses faveurs de travers - certains reçoivent tout, pendant que d'autres, comme nous, n'ont rien.

Je détourne enfin les yeux et reprends ma marche vers le bureau de Cora, consciente du poids de son regard dans mon dos.

Quand j'entre, Cora pleure. Ses yeux sont gonflés, ses joues marbrées de rouge. Elle tente un sourire, mais sa voix tremble.

« Salut », dis-je doucement en la serrant dans mes bras.

Elle s'accroche à moi plus longtemps qu'à l'habitude.

« Des nouvelles ? »

« Sinclair est là-dedans, en train de finaliser tout ça. Je vais recevoir mon préavis cet après-midi », souffle-t-elle en reniflant.

Je lui frotte le dos. « Je suis désolée, ma belle. »

« Ça va. » Elle ment, évidemment. « Et toi ? Comment tu te sens ? »

« Pas très bien, pour être honnête. J'appréhende un peu le résultat. »

« C'est fou comme tout peut basculer si vite, hein ? » Elle secoue la tête, les larmes au bord des cils. « Qu'est-ce qu'on va faire, Ella ? »

« On va trouver une solution », je dis fermement. « On s'en est déjà sorties. Tu te souviens de cet été où on dormait dans des cartons, après avoir fugué de l'orphelinat ? »

Cora esquisse un petit rire amer. « Oui. Mais c'était l'été, justement. Là, c'est l'hiver. Et toi, tu n'étais pas enceinte à l'époque. »

Je baisse les yeux. « Si je le suis maintenant... je ne pense pas que je vais le rester. »

« Quoi ?! » s'écrie-t-elle, choquée. « Mais c'est ta seule chance ! Tu devrais attendre, voir comment les choses évoluent. Tu auras peut-être un plan B. »

Sa phrase me renvoie à Mike - et à la trahison cuisante que je n'ai pas encore partagée avec elle. Alors je lui raconte tout : Kate, les cartes de crédit, les dettes, la police impuissante.

Cora écoute, le visage bouleversé.

« J'arrive pas à y croire ! C'est tellement injuste ! Tu mérites mieux, Ella. Tu mérites d'être maman - personne n'aime les enfants plus que toi. »

« Et toi, tu mérites d'être médecin », je réponds doucement. « Tu t'es battue pour ça. »

Elle secoue la tête. « Tu ne devrais pas abandonner. Tu peux encore décider plus tard. Garde la porte ouverte, juste au cas où. Ne perds pas espoir. »

Je souris tristement. « Je ne pense pas que les miracles arrivent aux gens comme moi. Et plus je porterai ce bébé, plus ce sera dur de m'en séparer. Autant éviter d'en souffrir davantage. »

« Ça fera mal quoi qu'il arrive », dit-elle d'une voix douce. « Mais donne-toi au moins une chance. »

Je soupire. « Voyons déjà si je dois prendre cette décision. Je ne suis peut-être même pas enceinte. »

Mais au fond de moi, je sais que si.

Cora hoche la tête, ouvre un tiroir et en sort un petit gobelet stérile. « Tu sais ce qu'il te reste à faire. »

Je prends le récipient, me rends à la salle de bain, puis reviens lui tendre l'échantillon. Pendant qu'elle effectue les tests, je fais les cent pas dans la pièce.

« Alors ? » je demande, incapable de respirer.

Elle regarde l'écran, puis me sourit tristement. « Félicitations, petite sœur... tu vas avoir un bébé. »

Je croyais pouvoir encaisser, peu importe le résultat. Mais ces mots... ils me transpercent. Les larmes montent aussitôt. Pendant des années, j'ai espéré entendre ça. Et maintenant que c'est arrivé, je ressens à la fois une joie brûlante et une douleur glaciale.

« Vraiment ? »

« Vraiment », confirme Cora en m'enlaçant. « Viens, on va faire une échographie. On devrait même pouvoir entendre le cœur. »

« Déjà ? Ce n'est pas trop tôt ? »

Elle esquisse un sourire amer. « Avantage d'être dans le meilleur labo du pays. Notre équipement est bien plus avancé que celui des hôpitaux publics. »

Je m'allonge sur la table d'examen, soulève mon haut, expose mon ventre. Le gel froid me fait sursauter. Cora passe la sonde et, au bout de quelques secondes, un son remplit la pièce : sifflement... sifflement... battement.

Le cœur de mon bébé. Mon souffle se brise.

Mais Cora, elle, fronce les sourcils.

« C'est bizarre... le fœtus semble... trop développé. Et pourtant, on t'a testée la dernière fois, tu n'étais pas enceinte. »

L'angoisse monte. « Qu'est-ce que ça veut dire ? Le père est... grand ? »

Elle pince les lèvres. « Ce n'est pas qu'une question de taille, Ella. C'est... autre chose. » Ses yeux glissent sur l'écran, concentrés. « La structure moléculaire... elle n'a pas l'air humaine. Mais c'est impossible... »

« Quoi ?! » Je me redresse, la panique me tordant la gorge. « Qu'est-ce que tu racontes ? »

Avant qu'elle ne puisse répondre, la porte s'ouvre brutalement.

Dominic Sinclair.

Il se tient dans l'encadrement, imposant, les yeux sombres, la mâchoire crispée. Sa présence emplit toute la pièce.

« Qu'est-ce que ça veut dire ? » rugit-il.

Je bondis, furieuse. « Et vous, qu'est-ce que ça veut dire de faire irruption dans un examen privé ?! »

Il avance d'un pas, la voix grondante, presque animale. « Parce que... » Ses pupilles se dilatent, sa respiration se fait lourde. « Je sens... mon chiot. »

« Ton chiot ? » Je répète comme un perroquet, consciente que je dois avoir l'air complètement stupide, mais c'est plus fort que moi. Ce qu'il vient de dire est tout simplement... insensé. Je me demande si je rêve. Ou si je suis en plein cauchemar. Il y a quelques minutes encore, j'admirais cet homme, sa puissance, sa prestance. À présent, Dominic Sinclair me terrifie. J'ai connu des hommes cruels, arrogants, mais aucun n'a jamais dégagé une telle force. Il est... surhumain. Et chaque fibre de mon corps me crie de me faire toute petite, de me recroqueviller à ses pieds.