Point de vue d'Isabelle :
Le plateau a basculé. La soupe chaude et les verres ont volé dans les airs.
Sans une seconde d'hésitation, Jean-Luc s'est jeté devant Sophie, la protégeant de son propre corps. Il a grogné alors que le liquide brûlant éclaboussait son dos, mais sa seule préoccupation était elle.
« Sophie ! Ça va ? Tu n'es pas blessée ? » a-t-il demandé frénétiquement, ses mains vérifiant son visage, ses bras, sa voix empreinte d'une panique pure.
« Je vais bien, Jean-Luc », dit-elle, la voix un peu secouée. « Juste quelques gouttes sur mon bras. Mais toi... »
Il l'a prise dans ses bras, ignorant le désordre et la douleur. « Ce n'est rien. Tant que tu n'es pas blessée. » Il l'a soulevée comme si elle ne pesait rien et s'est précipité vers la sortie, criant à quelqu'un d'appeler un médecin.
Il n'a jamais regardé en arrière vers moi.
Il n'a pas vu la grande flaque de bouillon qui avait éclaboussé mes genoux, traversant ma robe et me brûlant la cuisse. Une douleur vive et brûlante a parcouru ma jambe, si intense qu'elle m'a fait monter les larmes aux yeux.
Il était parti. Il avait choisi, encore une fois, dans un moment de pur instinct. Et je n'étais pas son choix.
J'ai serré les dents contre la douleur, me suis levée sur des jambes tremblantes et suis sortie du restaurant seule. J'ai pris un taxi pour la clinique d'urgence la plus proche, ma cuisse palpitant à chaque secousse de la route.
Le médecin a dit que c'était une brûlure au deuxième degré. Ils l'ont nettoyée, ont appliqué une pommade et l'ont enveloppée de couches de gaze blanche. J'ai tout fait toute seule.
Plus tard dans la nuit, en faisant défiler mon téléphone dans ma chambre stérile et solitaire, j'ai vu la dernière publication de Sophie. Une photo de Jean-Luc appliquant doucement de la crème sur la petite marque rouge de son bras. Son expression était celle d'une dévotion absolue.
Sa légende disait : `Mon héros. Tellement chanceuse d'avoir un homme qui traverserait le feu pour moi.`
La douleur dans ma jambe n'était rien comparée au vide qui s'est répandu dans ma poitrine. Il avait toujours été attentionné, m'apportant des fleurs, se souvenant des anniversaires. Mais en le voyant avec elle, j'ai compris. Avec moi, c'était une routine. Avec elle, c'était un instinct. C'était de l'amour.
Mon téléphone a vibré. C'était Jean-Luc.
`Je viens d'apprendre ce qui s'est passé. Je suis tellement désolé, Bella. J'ai dû faire examiner Sophie. C'est grave ?`
Je n'ai pas répondu.
Une heure plus tard, il s'est présenté à ma porte. Il a vu le bandage épais sur ma jambe et son visage a pâli de culpabilité.
« Bella... Je suis tellement désolé », dit-il en se précipitant à mes côtés. Il avait déjà appelé un spécialiste privé, qui était en route avec les meilleurs traitements pour brûlures disponibles. C'était un geste excessif destiné à effacer sa négligence.
Il s'est assis sur le bord de mon lit et a commencé à défaire le bandage lui-même, son contact étonnamment doux. « J'aurais dû prendre de tes nouvelles », murmura-t-il, la voix épaisse de regret. « C'est juste... avec l'état de Sophie, ma première pensée a été de la protéger. À partir de maintenant, je te le jure, tu seras ma priorité. »
C'était un beau mensonge.
« Ce n'est rien, Jean-Luc », ai-je dit, ma voix dénuée d'émotion. « Tu n'as pas besoin de faire des promesses que tu ne peux pas tenir. Après tout, je suis l'accompagnatrice de Damien maintenant, pas la tienne. »
Il a tressailli comme si je l'avais giflé. « Ne dis pas ça. Tu es juste en colère. C'est de ma faute. » Il a sorti une petite boîte en velours de sa poche et l'a ouverte. À l'intérieur se trouvait un collier de diamants, scintillant sous la lumière de la lampe. « J'allais te le donner le jour de notre mariage. S'il te plaît, accepte-le. Laisse-moi prendre soin de toi. »
J'ai regardé le collier, puis son visage suppliant. J'ai calmement repoussé la boîte dans ses mains.
« Je ne peux pas accepter ça », ai-je dit. « Il ne serait pas approprié que l'accompagnatrice de ton frère accepte un tel cadeau de ta part. »
Je me suis levée, la douleur dans ma jambe un élancement sourd, et j'ai tenu la porte ouverte pour lui. Il est parti, l'air complètement abattu, le cadeau non ouvert toujours à la main.
Les semaines suivantes furent un flou de guérison silencieuse et de manque de respect flagrant. Jean-Luc était constamment aux côtés de Sophie. Pour célébrer sa « guérison », il lui a organisé une fête somptueuse dans les jardins du domaine.
C'était une scène de conte de fées. Des milliers de lumières scintillantes étaient suspendues aux arbres, et l'air sentait la rose et le champagne. Sophie portait une robe rose pâle qui la faisait ressembler à une princesse.
Jean-Luc, vêtu d'un costume noir impeccable, lui a présenté une série de cadeaux extravagants. Une voiture de sport vintage, un tableau rare, un étalon blanc de pure race. À chaque cadeau, la foule poussait des exclamations admiratives.
« Ils sont si parfaits ensemble », ai-je entendu quelqu'un murmurer derrière moi. « Comme un prince et sa princesse. Je plains Isabelle Rossi. Elle n'a jamais eu aucune chance. »