La vérité a finalement semblé pénétrer son crâne épais. La couleur a quitté son visage. « Non. Je ne le permettrai pas. »
« Tu n'as pas ton mot à dire », ai-je dit, lui tournant le dos et fermant la porte de la suite penthouse de Damien, la nouvelle maison dans laquelle je venais d'emménager. Ma maison. Le clic de la serrure était le son le plus satisfaisant que j'aie jamais entendu.
Ses textos frénétiques ont commencé quelques instants plus tard.
`Bella, ouvre la porte. On doit parler.`
`C'est une erreur. Tu m'aimes.`
`Je vais arranger ça. Je te le promets. Donne-moi juste un peu plus de temps avec Sophie. Ensuite, ce sera notre tour.`
J'ai supprimé chaque message sans répondre. Notre tour ne viendrait jamais. J'en avais fini d'attendre.
Le lendemain matin, je me suis concentrée sur ma nouvelle réalité. Je devais comprendre l'homme que j'allais épouser. J'ai interrogé la gouvernante de Damien, une femme plus âgée et sévère nommée Elena, sur ses préférences. Son café préféré, le type de livres qu'il lisait, la musique qu'il écoutait le soir.
J'ai passé l'après-midi dans une boutique de luxe pour hommes et j'ai trouvé une paire de boutons de manchette vintage, de simples carrés de platine avec un unique saphir sombre au centre. Ils étaient sobres, puissants, tout comme lui.
Alors que mon chauffeur s'arrêtait devant le domaine ce soir-là, les phares ont illuminé une scène pathétique. Jean-Luc se tenait près des grandes poubelles près de l'entrée de service, les épaules affaissées. Il jetait des choses. Mes choses.
Une petite boîte à bijoux peinte à la main que j'avais depuis mon enfance. Une collection de livres de poche usés que nous étions censés avoir lus ensemble. Les tasses assorties que nous avions achetées lors de notre premier voyage dans l'arrière-pays niçois. Tout ça, jeté comme des ordures.
Il ne m'avait pas vue. J'ai regardé un instant, une douleur sourde dans la poitrine, avant de dire au chauffeur de continuer vers l'entrée principale. La douleur n'était qu'un fantôme, l'écho d'un amour déjà mort.
Quand il m'a trouvée dans le grand salon quelques minutes plus tard, il avait l'air troublé. « Bella. J'étais juste en train de... nettoyer de vieilles affaires. Pour faire plus de place pour... pour quand les choses reviendront à la normale. »
C'était un mensonge si faible, si pathétique.
« Ne t'en fais pas, Jean-Luc », ai-je dit, la voix légère. « C'est bien de se débarrasser des choses dont on n'a plus l'utilité. »
Il a froncé les sourcils, ne comprenant pas tout à fait le mordant de mes mots, mais une lueur de malaise a traversé son visage.
Avant qu'il ne puisse répondre, Sophie est apparue, un sourire éclatant et innocent sur le visage. « Bella ! Te voilà. J'espérais que tu te joindrais à nous pour le dîner. Jean-Luc m'emmène manger une fondue chinoise ! » Elle a utilisé un surnom pour moi, *Bellina*, qui m'a écorché les nerfs.
Elle s'est tournée vers moi, les yeux écarquillés. « Damien n'est pas encore rentré ? »
« Il s'occupe d'affaires à Lyon », ai-je répondu calmement. « Il sera de retour demain. »
Jean-Luc m'a lancé un regard rapide et interrogateur. Comment connaissais-je l'emploi du temps de son frère ? Il l'a vite écarté, supposant probablement qu'un membre du personnel me l'avait dit. Il était encore si aveugle.
« Viens, Bella », a insisté Sophie en me prenant le bras. « Allons-y tous ensemble. Comme une famille. »
L'ironie était si épaisse que j'aurais pu m'étouffer. Mais je l'ai laissée m'entraîner, forcée de m'asseoir dans une voiture avec l'homme qui m'a brisé le cœur et la femme qui en était la raison.
Au restaurant, Jean-Luc a commandé le bouillon le plus épicé pour Sophie, celui qu'elle adorait, même s'il avait un estomac notoirement fragile et ne supportait rien de plus que le doux.
Je l'ai observé pendant qu'il mangeait, son visage devenant progressivement plus pâle. La sueur perlait sur son front. Il n'arrêtait pas de prendre son verre d'eau, essayant de faire semblant que tout allait bien.
Autrefois, ça aurait été mon rôle de veiller sur lui. Je lui aurais commandé un bol de riz nature, je me serais assurée qu'il ait du lait pour apaiser la brûlure. Je le connaissais mieux qu'il ne se connaissait lui-même.
Maintenant, je me contentais de regarder.
« N'est-ce pas délicieux, Jean-Luc ? » dit joyeusement Sophie, complètement inconsciente de sa souffrance. « Tu devrais en reprendre. »
Il a forcé un sourire, les lèvres serrées de douleur. « C'est super. »
Je l'ai vu grimacer en avalant, sa main se déplaçant subtilement vers son estomac. J'ai gardé mes propres mains sur mes genoux, mon expression neutre.
Sophie a essayé de mettre des légumes dans mon bol. « Tu ne manges pas, Bella. »
Les yeux de Jean-Luc se sont tournés vers moi, une supplique silencieuse en eux. Il voulait que je l'aide, que je le sauve de cette misère auto-infligée, comme je l'avais toujours fait. Mais il ne pouvait pas demander, pas devant Sophie. Il devait maintenir l'illusion qu'il était le petit ami fort et parfait.
J'ai alors réalisé que son amour était une monnaie qu'il dépensait différemment selon les gens. Pour Sophie, il avalerait du feu et sourirait à travers la douleur. Pour moi, il n'avait jamais offert que la commodité de l'habitude. Il n'avait jamais été prêt à souffrir pour moi. Pas une seule fois.
Soudain, un serveur transportant un grand plateau de boissons a trébuché près de notre table. Le plateau a basculé dangereusement.
Tout s'est passé en un éclair.