Chapitre 5 Chapitre 5

Point de vue d'Alex

Après le départ de Serene, je pris mon téléphone pour joindre Von et lui ordonnai de la suivre discrètement. Elle donnait l'image d'une femme capable de se débrouiller seule, mais je ne pouvais m'empêcher de vouloir en savoir plus. Elle avait eu le temps de collecter quelques renseignements sur moi, tandis que je ne connaissais toujours rien d'elle, hormis son nom.

Von m'indiqua sa position. C'était proche de mon bureau, ce qui m'apporta un léger soulagement. J'hésitai un moment, puis décidai de la rejoindre à distance, sans lui donner l'impression que je la traquais. Je ne voulais pas ressembler à ces maris étouffants qui surveillent chaque pas de leur femme.

Dans ma voiture, je suivais le fil de la conversation captée par l'homme chargé par Von de l'accompagner. La curiosité me poussa à sortir du véhicule et à pénétrer à mon tour dans la boutique. Serene, absorbée par ses échanges avec son père, ne me remarqua pas. Enzo et Patt, eux, perçurent immédiatement ma présence et me saluèrent discrètement.

Je m'installai dans un coin, observant la scène. Le plan de Serene se déroulait sous mes yeux. Elle se dirigea vers une rangée de robes et en choisit plusieurs d'un air assuré. Un sourire étira mes lèvres lorsque j'aperçus la mine ahurie de sa demi-sœur. Il était évident que Serene avait mis la main sur des pièces hors de prix, probablement les plus coûteuses du magasin. J'aurais agi de la même façon à sa place.

M'approchant d'Enzo, je lui glissai ma carte noire. « Laisse-la prendre ce qu'elle veut », dis-je d'un ton sec avant de tourner les talons. Inutile de rester davantage. Elle n'avait besoin de personne pour s'imposer. Je regagnai mon bureau, confiant.

Peu après, Von entra, déposa la carte sur mon bureau et m'annonça : « Madame a préféré ne rien acheter ici. Elle est rentrée au penthouse. »

Je hochai la tête, intrigué. « Tu sais où elle compte se procurer sa robe ? »

« Pas précisément, monsieur. Enzo m'a rapporté qu'elle a déjà passé commande, et qu'elle pourra la récupérer demain dans l'après-midi. »

Je me renfonçai dans mon fauteuil. « Penses-tu qu'elle a choisi ce magasin exprès, sachant que son père y serait ? »

Von réfléchit avant de répondre : « C'est possible. Elle semble garder toujours une longueur d'avance sur lui. »

Je partageai son avis. « Oui, c'est bien son style. Continuez la surveillance, quoi qu'il arrive. »

Von se retira, et je repris mes dossiers. Mon regard dériva pourtant vers l'invitation posée sur le coin du bureau. La fête de Lorenzo. Devais-je m'y rendre ?

La réception organisée par Lorenzo dépassait toutes les attentes. L'homme avait dépensé une fortune. J'observai les préparatifs avec méfiance, me demandant ce qu'il espérait tirer d'une telle mise en scène. Était-ce une tentative de redorer son image ? Ou un coup destiné à écarter Serene ?

Finalement, je choisis d'assister à l'événement. Je m'installai à l'écart, une coupe de vin à la main, déterminé à rester un spectateur invisible. Mon intérêt principal était de voir comment Serene allait réagir, et comment Lorenzo et Daisy tenteraient de la déstabiliser.

Tandis qu'elle se préparait, je demeurai dans mon bureau, feignant l'indifférence. Je n'avais pas besoin de vérifier son allure. Serene dégageait déjà une présence magnétique. Quoi qu'elle porte, elle attirait les regards.

Mes hommes, déjà sur place, me faisaient parvenir des rapports réguliers. Lorsque j'arrivai enfin, je me fondis dans la foule.

Lorenzo monta sur scène, Daisy accrochée à son bras. « Merci à tous d'être présents », lança-t-il avec emphase. « Serendipity Jewelry est ma plus grande fierté. J'y ai consacré des années de travail et de sacrifices. Aujourd'hui, je veux que le monde voie le fruit de mes efforts. » Ses yeux se remplirent de larmes contenues.

Une vidéo fut projetée. On y voyait Lorenzo et Daisy posant en couple complice. Les images semblaient soigneusement retouchées pour donner une impression d'harmonie et de réussite. Puis une autre séquence s'afficha. Cette fois, une femme dessinait des bijoux, discutait avec des partenaires, ouvrait des tiroirs remplis de modèles. Sa voix claire résonna : « Voici mes créations. Si un jour je disparaissais, ma fille Serene aurait de quoi poursuivre et enrichir cet héritage. »

La salle entière se figea. Des murmures s'élevèrent. Lorenzo perdit contenance. « Arrête ça ! » cria-t-il, la voix tremblante de rage. Son masque venait de se fissurer devant des dizaines de témoins.

C'est alors que Serene apparut. Elle entra dans le hall en frappant dans ses mains, vêtue d'une robe blanche et argentée qui attira tous les regards. Le tissu fluide épousait sa silhouette, le dos sobre et raffiné contrastait avec le devant audacieux, transparent, laissant deviner juste ce qu'il fallait. Je sentis mon cœur s'accélérer. Tous les hommes présents pensaient probablement la même chose que moi. L'envie de la couvrir de mon manteau me traversa, violente.

« Que fais-tu ici ? » siffla Daisy, furieuse.

Serene sourit calmement. « Je suis venue honorer le travail acharné de ma mère », répondit-elle, insistant sur le mot « mère ».

Le visage de Lorenzo se crispa. Daisy répliqua : « Ta mère est morte depuis longtemps. De quoi parles-tu ? »

« De ma mère, celle qui a bâti cette entreprise. Et toi, qui es-tu exactement dans cette histoire ? » rétorqua Serene.

Les invités se regardèrent, interloqués. Des murmures circulaient déjà : « Il avait une maîtresse ?... Sa femme était la véritable créatrice ? »

La tension monta encore quand Lorenzo ordonna à un serveur de faire sortir Serene. Elle répliqua avec froideur : « Je suis la fille de la femme que vous venez de voir à l'écran. Si quelqu'un a le droit d'être ici, c'est bien moi. »

Un invité osa demander à voix basse : « Alors c'est elle, la véritable héritière ? »

Une femme élégante confirma : « J'ai déjà rencontré Marissa. Elle dessinait elle-même les bijoux. Je me souviens d'une discussion avec elle à propos des pierres. »

Les regards convergèrent vers Daisy, mal à l'aise. Puis Mavie fit son entrée, parée d'une robe bleu clair et d'un collier qu'elle présenta comme une création de sa mère.

Des rires éclatèrent aussitôt. L'assemblée n'était plus dupe. Serene lança, implacable : « Et tu oses encore te pavaner avec ce collier ? »

Mavie, stupéfaite, balbutia quelques mots avant d'être emmenée en coulisses par ses parents.

Lorenzo, Daisy et Mavie disparurent. La scène resta vide un instant. Puis Serene s'avança et prit la parole avec une assurance tranquille. Elle parla de la véritable fondatrice de Serendipity, de son parcours, de sa passion. La salle, suspendue à ses mots, l'écouta avec respect.

Je la contemplais de loin, fasciné. Von avait raison : elle avait toujours une longueur d'avance. Elle avait transformé ce qui devait être l'apogée de Lorenzo en un fiasco, et s'était imposée sans effort comme la véritable héritière.

Je savais que tout cela ferait la une dès le lendemain. Mais il n'était pas nécessaire de rester plus longtemps. Serene contrôlait la situation. Je quittai la salle discrètement, après avoir donné instruction à Von de maintenir une surveillance rapprochée.

Sur le chemin du retour, une image persistait dans mon esprit : Serene dans sa robe éclatante, défiant son père et son entourage. Je regrettai de ne pas avoir été à ses côtés, mais je savais qu'il était préférable de garder mes distances.

Je rentrai chez moi, décidé à être présent lorsqu'elle franchirait la porte. Qu'elle ait ou non deviné ma présence à la fête, peu importait. Ce qui comptait, c'est qu'elle avait prouvé à tous, une fois encore, qu'elle était bien plus forte que ce qu'on croyait.