Chapitre 4 Chapitre 4

Brandon demeura interdit, comme foudroyé par les paroles qu'elle venait de prononcer. Son regard clair, durci par une incompréhension tenace, la détaillait avec une intensité presque douloureuse, comme s'il s'efforçait de déchiffrer un langage secret qu'elle seule aurait pu parler. Sa voix, lorsqu'elle s'éleva, portait la stupeur mêlée de suspicion :

- Pourquoi... pourquoi voudrais-je une telle chose ? Et toi, pourquoi désirerais-tu cela ?

Il y avait dans sa manière de s'exprimer une méfiance nouvelle, une prudence glaciale, comme si l'accident, ses larmes, tout ce tumulte n'étaient qu'une toile savamment tissée pour l'attirer dans un piège invisible.

Evelyn, les joues embrasées, sentit une honte cuisante lui monter à la gorge. Pourtant, sous la brûlure, palpitait un reste d'audace, une étincelle fragile de défi. Ces mots n'avaient pas été pensés : ils lui avaient échappé comme une déchirure, incontrôlables.

- Ce que je voulais dire... souffla-t-elle d'une voix à peine audible, c'est... est-ce que tu me trouves désirable ?

Le silence s'installa aussitôt, lourd comme une chape de plomb. Brandon plissa légèrement les yeux, troublé, tandis qu'elle se sentait se ratatiner sous son propre aveu. Elle aurait voulu disparaître, se fondre dans l'air ou s'enfouir sous terre pour échapper à cette scène insoutenable.

Son impulsion, née d'un chagrin trop lourd à porter, avait déjà échappé à son contrôle. Il était trop tard pour revenir en arrière.

Finalement, il répondit, le ton mesuré, comme s'il pesait chaque syllabe avec soin :

- Oui... tu es attirante. Mais je ne comprends pas. Pourquoi vouloir cela avec moi ?

Le cœur d'Evelyn battait à s'en rompre. Tout son être criait de fuir, de tourner les talons. Pourtant, une force plus obscure, plus vulnérable aussi, la clouait sur place. Il fallait qu'elle s'accroche à cette échappée, même illusoire.

- Écoute, dit-elle d'une voix éteinte, ses yeux noyés de larmes. J'ai compris aujourd'hui que j'avais commis l'erreur la plus terrible de ma vie. Toute mon existence repose dessus. Et pour m'en libérer, je dois en commettre une autre. Encore une, peut-être la dernière.

Il fronça les sourcils, sincèrement dérouté.

- C'est insensé. Si une seule faute t'a laissée si détruite, pourquoi en chercher une nouvelle ?

- Parce que... peut-être qu'en allant au bout de celle-ci, je finirai par me pardonner, souffla-t-elle avec une ardeur désespérée. Ne cherche pas à me comprendre. Je ne veux rien de toi, rien d'autre que ça. Pas ton affection. Pas ton argent. Pas même ton nom. Je te demande seulement ton corps.

Il la scruta longuement, immobile, comme s'il fouillait ses entrailles à travers ses yeux. Son visage demeurait impassible, mais elle percevait le tumulte de ses pensées. Puis, contre toute attente, un sourire lent, empreint d'une étrange douceur, se dessina sur ses lèvres.

- Non, murmura-t-il enfin en secouant la tête. Je ne peux pas. Tu es trop meurtrie. Dis-moi plutôt : quelle est cette erreur qui t'a brisée ? Peut-être pourrais-je t'aider autrement.

Ces paroles eurent l'effet inverse : loin de calmer Evelyn, elles déclenchèrent en elle un élan irrépressible. Dans un geste fébrile, elle tira sur le tissu de sa robe et le laissa glisser à ses pieds, dévoilant sa nudité.

Brandon resta figé, stupéfait, partagé entre l'envie brutale qui montait en lui et la confusion qui l'assaillait. Evelyn s'avança, ses yeux implorants accrochés aux siens.

- Je t'en prie... prends-moi.

Il détourna la tête, comme pour refuser cette vision.

- Je ne peux pas. Tu souffres, et ce que tu réclames ne t'apportera pas la paix.

- Je ne cherche pas la paix ! répliqua-t-elle avec force. Je veux un répit. Rien qu'une halte dans cette douleur.

Elle se haussa sur la pointe des pieds et scella sa bouche à la sienne, son corps vibrant pressé contre le sien. Ce contact fit céder ses dernières résistances. Brandon répondit à son baiser avec une ardeur violente, comme s'il avait attendu ce signal pour lâcher prise.

Dans un élan brusque, il la souleva et la déposa sur le lit, son baiser toujours accroché au sien. Lorsqu'ils se séparèrent, ses yeux la sondèrent avec gravité.

- Tu en es certaine ? demanda-t-il d'une voix basse, presque suppliante.

Evelyn soutint son regard, le sien illuminé d'une détermination nouvelle.

- Oui, affirma-t-elle d'un souffle ferme. Je le veux.

Alors il céda. Son corps s'abattit sur le sien, ses lèvres ravagèrent les siennes, et ses mains explorèrent la courbe de sa poitrine avec une intensité qui la fit trembler.

Ce qu'elle croyait n'être qu'une folie passagère se mua en révélation. Sous ses caresses, elle découvrait une ferveur inconnue, une ivresse qu'elle n'avait jamais partagée avec Nathan. La comparaison s'imposa à elle, brutale, et elle la murmura à voix haute, comme pour briser définitivement l'ombre de celui qu'elle avait cru aimer.

Ses propres mains s'emplirent d'audace : elle arracha la serviette qui le couvrait encore et laissa glisser ses doigts jusqu'à son sexe, le pressant doucement. Brandon laissa échapper un grondement rauque.

Il se pencha, sa bouche happant la pointe ferme de ses seins, sa langue traçant de lents cercles autour de ses tétons. Evelyn ferma les yeux, haletante, ses doigts crispés dans ses cheveux. Quand sa main glissa plus bas pour la caresser, elle étouffa un cri, mais bientôt ses gémissements brisèrent le silence.

- S'il te plaît... prends-moi, maintenant ! implora-t-elle, la voix brisée par l'urgence.

Il releva la tête, son regard incandescent planté dans le sien.

- Pas encore. Pas avant que je t'aie conduite jusqu'au bout de ce plaisir.

Ces mots suffirent. Une déferlante l'emporta, son corps secoué de spasmes, sa bouche ouverte sur un cri de jouissance. Elle trembla encore lorsque Brandon, dans un mouvement sûr, se plaça entre ses cuisses et la pénétra d'un élan puissant.

Un cri lui échappa, mélange d'étonnement et de ravissement. Chaque coup de reins la submergeait, la poussant plus loin, plus haut. Elle voulait qu'il cesse pour reprendre son souffle, mais aussi qu'il continue sans jamais s'arrêter.

Cette nuit-là, Evelyn comprit une vérité qu'elle avait toujours refusée : elle n'était pas froide, pas brisée comme Nathan l'avait prétendu. Tout ce qu'elle avait cru sur son propre corps n'était que mensonge. Avec Brandon, elle se découvrait, s'ouvrait à un feu qui consumait ses dernières chaînes.

Jusqu'à l'aube, elle s'abandonna à lui, et dans ses bras, elle sentit renaître une femme qu'elle croyait perdue.