Chapitre 5

L'infirmière a tenté de joindre Matthieu. Encore et encore. Son téléphone était éteint ou sur messagerie. Il gérait la crise médiatique pour Camille. Il la protégeait. Il ne se souciait pas de savoir si sa propre femme était vivante ou morte.

Pour moi, c'était la fin. Pas seulement la fin de notre mariage. La fin de tout espoir, de toute illusion. La fin de la femme stupide et amoureuse que j'avais été.

Quand j'ai finalement pu quitter l'hôpital, je suis rentrée à la maison. L'appartement était vide, silencieux. J'ai marché jusqu'à mon atelier.

J'ai pris le "Parfum de la Rupture". Il contenait déjà la note fumée du goudron de bouleau. J'y ai ajouté une nouvelle senteur. Quelque chose de dur, de piquant. J'ai choisi l'essence de pivoine, pour me souvenir de l'humiliation de ce dîner.

Puis, j'ai sorti une petite fiole d'un coffret fermé à clé. Un accord synthétique. Une molécule froide, métallique, qui évoquait l'odeur du sang et des larmes salées. C'était une note que je n'avais jamais pensé utiliser. Une note de désespoir absolu.

Je l'ai ajoutée au mélange. Le parfum est devenu insoutenable. Une cacophonie olfactive. L'odeur de l'amour, de la trahison, de l'humiliation et de la mort. C'était l'odeur de notre histoire. Mon œuvre était achevée.

J'ai pris les papiers du divorce que mon avocat m'avait préparés. Je les ai signés d'une main ferme.

J'ai posé le flacon de parfum corrompu et les documents signés sur le bureau de Matthieu, juste à côté de la photo de Camille.

Puis, j'ai pris ma valise, qui était déjà prête. J'ai quitté l'appartement sans un regard en arrière. J'ai quitté Paris. J'ai quitté ma vie passée pour de bon.