Chapitre 1

Je me souviens de l'odeur métallique du sang dans ma gorge, c'était le goût de ma première vie. Sur la table d'opération froide, je voyais la lumière blanche au-dessus de moi devenir floue, et les visages masqués des chercheurs du laboratoire secret se déformaient. Le dernier son que j'ai entendu était celui de leurs instruments tombant sur un plateau en acier. Puis, le silence.

Ma sœur, Chloé, avait eu plus de chance. Dès le début, notre mère avait tout arrangé. Le jour de notre dix-huitième anniversaire, elle a sorti deux boîtes joliment décorées, une rouge et une bleue.

« Mes chéries, pour célébrer votre entrée dans le monde des adultes, j'ai préparé une petite loterie. L'une de vous recevra le "Don de l'Esprit Vif", et l'autre, le "Don de la Timidité Extrême". C'est le destin qui décidera. »

Chloé, la favorite de mes parents, a souri avec confiance. Elle a choisi la boîte rouge sans hésiter. À l'intérieur, comme prévu, se trouvait le "Don de l'Esprit Vif". Elle est devenue une femme d'affaires célèbre, une étoile montante de l'entrepreneuriat. Son esprit était vif, ses idées brillantes, et l'argent coulait à flots.

Moi, Jeanne, j'ai pris la boîte bleue qui restait. Le "Don de la Timidité Extrême" a scellé mon destin. J'étais incapable de parler en public, je rougissais pour un rien, et je baissais les yeux devant tout le monde. J'étais la fille docile, invisible, facile à manipuler.

Mais le succès de Chloé a attiré les vautours. Nos parents, nos oncles, nos tantes, nos cousins, tous se sont accrochés à elle comme des sangsues. Ils lui demandaient de l'argent, des emplois, des faveurs. Ma mère la culpabilisait sans cesse.

« Chloé, tu es la fierté de la famille. Tu dois aider ton cousin à trouver un travail. Tu dois prêter de l'argent à ton oncle pour sa nouvelle entreprise. C'est ton devoir. »

Chloé a cédé, encore et encore, jusqu'au jour où elle a dit non. La demande était trop grosse, trop déraisonnable. Les proches, furieux et pleins de rancœur, se sont vengés. Ils l'ont dénoncée aux autorités, révélant l'existence de son "don". Un laboratoire secret, financé par des gens puissants, est venu la chercher. Ils voulaient étudier la source de son intelligence. Elle est devenue un cobaye, un simple sujet d'expérience.

Elle est morte sur leur table d'opération, son esprit vif finalement éteint.

Pendant ce temps, mon propre destin suivait un chemin différent. Ma timidité maladive, ma "douceur", avait charmé un riche héritier parisien, Léo Leclerc. Il cherchait une femme discrète, une belle potiche qui ne ferait pas de vagues dans sa famille pleine d'intrigues. Mes parents m'ont vendue pour 300 millions d'euros. Je suis entrée dans une cage dorée, devenant un pion dans les jeux de pouvoir de la famille Leclerc.

Ma vie était un long silence, une soumission forcée. Je suis morte de solitude, oubliée de tous.

Et puis, je me suis réveillée.

Mes yeux se sont ouverts. Je n'étais pas dans la chambre luxueuse de la villa Leclerc, ni sur la table d'opération froide. J'étais dans le salon de mes parents. Le soleil de l'après-midi filtrait à travers les rideaux. Devant moi, sur la table basse, se trouvaient les deux boîtes. Une rouge, une bleue. Ma mère souriait, son visage rayonnant de fausse bienveillance.

« Mes chéries, c'est un grand jour ! »

Je suis revenue. Je suis revenue au jour du tirage au sort.

Mon cœur battait fort, mais pas de peur. C'était une rage froide, une détermination pure. Je connaissais la vérité. Ce n'était pas une loterie, c'était une mise en scène. Ma mère avait truqué le tirage pour que Chloé obtienne le succès et que je sois sacrifiée.

Chloé me regardait avec un air de supériorité, prête à choisir la boîte rouge, comme la première fois. Mais cette fois, quelque chose a changé. Son regard s'est attardé sur moi, puis sur la boîte bleue. Un éclair de jalousie a traversé ses yeux. Dans ma vie précédente, même après m'avoir trahie, elle m'enviait mon mariage "facile". Elle pensait que ma timidité m'avait apporté une vie de luxe sans effort.

Avant que ma mère puisse dire un mot de plus, Chloé s'est levée brusquement. Elle a ignoré la boîte rouge et a arraché la boîte bleue de la table.

« Ça suffit ! Je suis fatiguée de devoir toujours tout faire, de devoir être la plus intelligente ! Cette fois, c'est moi qui vais avoir la vie facile ! »

Elle a serré la boîte bleue contre sa poitrine, son visage déformé par l'avidité.

« Ma petite sœur, cette fois, c'est à mon tour de profiter de la belle vie. Quant à toi, attends-toi à devenir un cobaye ! »

En croisant son regard malveillant, j'ai souri. Un vrai sourire, pour la première fois depuis si longtemps.

Une vie entière n'avait rien changé en elle. Elle était toujours aussi stupide et cupide. Pas étonnant qu'elle se soit fait manipuler et détruire si facilement.

Elle pensait choisir la richesse et la facilité. En réalité, elle venait de choisir sa propre tombe. Et cette fois, je serais là pour la regarder tomber.