Trompée, Humiliée, Elle Se Bat
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Chapitre 1

Après trois ans, l'odeur de Paris me frappa dès la sortie de l'avion. Un mélange de bitume humide, de pots d'échappement et de cette indéfinissable promesse de retour à la maison.

Trois années en Afrique, à travailler dans une mission humanitaire. C'était long, c'était dur, mais je l'avais fait. Et maintenant, je rentrais.

Je rentrais chez moi, à Paris. Je rentrais retrouver mon mari, Antoine.

Mon cœur battait la chamade dans ma poitrine pendant que je traversais le terminal de Roissy. Chaque visage que je croisais, je cherchais le sien. Antoine, mon Antoine. L'homme que j'avais épousé une semaine seulement avant de partir. Cet homme charismatique, aimant, dont le sourire pouvait illuminer n'importe quelle pièce.

Nos appels vidéo avaient été mon ancre pendant ces trois années. Son visage, ses mots d'amour, ses promesses de m'attendre.

Je passai les portes automatiques, scrutant la foule qui attendait les passagers. Des familles, des couples, des pancartes.

Et puis, je le vis.

Non. Ce n'était pas lui.

Un homme se tenait là, immobile, au milieu de l'agitation. Il portait un long manteau sombre, même à l'intérieur, et sur son visage... un masque.

Un masque grotesque de gargouille, en pierre grise, avec des cornes tordues et un rictus figé.

J'ai froncé les sourcils, mal à l'aise. Une sorte de performance artistique ? C'était si parisien. J'ai continué à chercher Antoine du regard, l'ignorant.

Mais l'homme au masque de gargouille a fait un pas vers moi. Puis un autre.

Il s'est arrêté juste devant moi, sa haute silhouette me dominant. Une odeur de renfermé et de poussière émanait de lui.

"Camille," dit une voix étouffée par le masque.

J'ai reculé d'un pas, mon sac à dos heurtant un chariot à bagages.

"Pardon, vous me connaissez ?"

L'homme a penché sa tête masquée sur le côté. Un geste qui aurait pu être curieux, mais qui était juste... dérangeant.

"Bien sûr que je te connais. Je suis ton mari. Antoine."

Le sang s'est glacé dans mes veines. C'était une mauvaise blague. Ce devait être ça.

"Ce n'est pas drôle. Où est Antoine ?"

"Mais c'est moi, mon amour," a-t-il insisté, sa voix toujours aussi sourde et impersonnelle. "Je suis là. Je t'ai attendue."

Il a tendu une main gantée vers moi. J'ai reculé encore, le cœur battant à tout rompre. La panique commençait à monter.

"Non. Vous n'êtes pas Antoine."

C'est alors qu'une autre voix, une voix bien trop familière, s'est fait entendre.

"Camille ! Te voilà enfin !"

J'ai tourné la tête, le soulagement m'inondant. Chloé. Ma meilleure amie. Elle se frayait un chemin à travers la foule, un grand sourire aux lèvres.

Et à côté d'elle... Antoine. Le vrai Antoine. Mon Antoine. Beau, souriant, exactement comme dans mes souvenirs.

"Antoine !" ai-je crié, oubliant l'imposteur masqué.

Je me suis précipitée vers lui, mais quelque chose m'a arrêtée. Il n'a pas ouvert les bras. Son sourire était étrange, distant. Et il tenait la main de Chloé.

"Camille," dit-il, son ton était froid. "Qu'est-ce que tu fais ? Tu laisses ton mari tout seul."

Il a fait un signe de tête vers l'homme à la gargouille.

Mon cerveau a cessé de fonctionner. J'ai regardé Antoine, puis Chloé, puis la gargouille.

"Quoi ? De quoi tu parles ? Antoine, c'est toi mon mari."

Chloé a ri. Un petit rire cristallin, mais qui sonnait faux.

"Oh, Camille, tu es épuisée par le voyage. Tu confonds tout. Antoine est mon compagnon maintenant. Il est ma muse."

"Ta... muse ?" ai-je balbutié.

"Oui," a dit Antoine, sans me regarder dans les yeux. "Je suis avec Chloé. Toi, tu es mariée à... lui."

Il a de nouveau désigné l'homme masqué qui, pendant tout ce temps, n'avait pas bougé, nous observant en silence.

"C'est absurde," ai-je dit, ma voix tremblant. "On s'est mariés il y a trois ans, juste avant mon départ. Toi et moi."

"Tu as toujours aimé les excentriques," a dit Chloé avec une fausse douceur. "Tu nous as présenté ton mari avant de partir. Il portait déjà ce masque. Tu as dit que c'était sa 'tendance artistique'."

Je les ai regardés, incrédules. C'était un cauchemar. J'étais dans un cauchemar.

"Non. Ce n'est pas vrai. J'ai des photos. Sur mon téléphone."

Avec des mains tremblantes, j'ai sorti mon téléphone de ma poche. J'ai ouvert la galerie. J'ai fait défiler jusqu'aux photos de mon mariage. Mon cœur s'est arrêté.

Sur chaque photo, j'étais là, dans ma robe blanche, souriante. Mais à côté de moi, ce n'était pas le visage d'Antoine. C'était le masque de pierre grise. Le masque de la gargouille.

J'ai haleté, laissant tomber mon téléphone. Il a heurté le sol avec un bruit sec.

"Vous voyez ?" a dit Antoine, d'un ton presque ennuyé. "Tu te fais des idées. Tu as toujours été mariée à lui."

"Même les vidéos de surveillance de l'immeuble te montrent te blottir contre lui," ajouta Chloé, sa voix pleine d'une pitié feinte.

Je me sentais devenir folle. Tout mon entourage, ma meilleure amie, l'homme que j'aimais, me disaient que j'étais folle. Les preuves numériques le confirmaient.

Des gens autour de nous commençaient à nous regarder, à chuchoter. "Pauvre fille", "elle a l'air perdue", "quelle histoire étrange".

J'étais publiquement humiliée, traitée de folle, d'usurpatrice.

Je ne pouvais plus respirer. J'ai tourné les talons et je me suis mise à courir, sans destination, fuyant les visages, fuyant cette réalité impossible.

J'ai couru hors de l'aéroport, dans les rues, les sons de la ville m'agressant. Je me suis engouffrée dans une ruelle sombre pour reprendre mon souffle, le dos contre un mur froid et humide.

C'est là que des ombres se sont détachées de l'obscurité. Je n'ai pas vu leurs visages. J'ai juste senti une douleur fulgurante à l'arrière de ma tête, et puis... le noir.

...

Je me suis réveillée en sursaut, le cœur battant la chamade.

Le son dans mes oreilles... c'était l'annonce du commandant de bord. "Mesdames et messieurs, nous allons commencer notre descente vers l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle."

J'étais dans l'avion. La même place. Les mêmes vêtements.

J'ai regardé par le hublot. Les nuages défilaient sous nous.

C'était un rêve. Un cauchemar horrible et incroyablement détaillé. C'est tout.

Le soulagement était si intense que j'ai failli en pleurer.

Mais une peur froide rampait encore le long de ma colonne vertébrale. C'était trop réel.

Par réflexe, j'ai attrapé mon téléphone. Ma main tremblait encore.

Je devais vérifier. Juste pour être sûre.

J'ai ouvert Instagram. J'ai cherché le profil d'Antoine.

Et là, tout était normal. Son visage. Nos photos ensemble. Des dizaines de publications où il disait à quel point je lui manquais.

"Trois ans, c'est trop long. Reviens vite, mon héroïne."

"Hâte de retrouver ma femme."

"Le compte à rebours est lancé. Je t'aime, Camille."

Les larmes me sont montées aux yeux, des larmes de soulagement cette fois. C'était un stupide cauchemar. Mon Antoine m'attendait. Le vrai.

J'ai respiré profondément, essayant de calmer mon cœur.

Pour me rassurer complètement, j'ai fait quelque chose que je n'aurais jamais pensé faire. J'ai commencé à prendre des captures d'écran. De chaque photo. De chaque message d'amour.

Je les ai sauvegardées dans un dossier sécurisé sur le cloud, avec un mot de passe.

Je me sentais un peu paranoïaque, mais le souvenir du cauchemar était encore vif.

Au moins, maintenant, j'avais des preuves. Des preuves de ma réalité, de mon amour, de mon mariage.

Cette fois, si quelque chose d'étrange se produisait, je serais prête. Personne ne pourrait me faire croire que j'étais folle.

J'avais les preuves.

J'étais en sécurité.

L'avion a touché le sol parisien. Mon nouveau départ commençait.

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