Puis, son humeur a de nouveau basculé. Elle a arrêté de pleurer et m'a regardé avec un air de défi.
« La lettre de rançon, vous l'avez écrite ? »
J'ai hésité. « Pas encore. »
« Montrez-moi. »
Perplexe, je lui ai tendu la feuille de papier sur laquelle j'avais griffonné un brouillon. Elle l'a lue attentivement, puis a froncé les sourcils.
« C'est nul, » a-t-elle déclaré.
J'ai senti la colère monter. « Qu'est-ce qui est nul ? »
« Tout. Le ton, les exigences... "Donnez-moi 500 000 euros ou je la tue." C'est tellement cliché. Mon père va croire que c'est une blague. »
J'étais bouche bée. C'est elle, la victime, qui critique la lettre de rançon. C'est le monde à l'envers.
« Et puis, 500 000 euros, je vous l'ai déjà dit, c'est insultant. Ça donne l'impression que je suis une marchandise bas de gamme. »
Je n'en croyais pas mes oreilles. « Alors, qu'est-ce que je devrais écrire, selon toi, madame l'experte en kidnapping ? »
Elle a souri pour la première fois. Un sourire étrange, un peu fou, mais qui a illuminé son visage.
« D'abord, il faut augmenter la rançon. Cinq millions. C'est un chiffre qui impose le respect. Ensuite, il faut être plus menaçant. Ajoutez quelque chose comme : "Si vous contactez la police, vous recevrez son oreille dans une boîte." »
J'ai blêmi. « T'es malade ! Je ne ferai jamais ça ! »
« Bien sûr que non, imbécile. C'est juste pour faire peur. Mon père est un homme d'affaires, il ne réagit qu'aux menaces crédibles. Et il faut changer la fin. Pas de "je la tuerai". Mettez plutôt : "Chaque jour de retard, une partie d'elle vous sera envoyée." C'est plus... poétique, non ? »
Je la regardais, horrifié et fasciné à la fois. Elle avait un talent certain pour le crime. Elle était plus douée que moi.
Sous sa "direction avisée", j'ai réécrit la lettre de rançon. Elle hochait la tête, satisfaite, comme un professeur avec son élève.
« Voilà, ça, c'est une lettre qui a de la gueule. Il ne vous reste plus qu'à l'envoyer. »
J'ai plié le papier, le cœur battant. Cinq millions... L'idée était à la fois terrifiante et excitante.
Cette nuit-là, j'ai à peine dormi. J'ai fait un cauchemar horrible. Dans mon rêve, je regardais mon compte en banque sur un distributeur. L'argent était là, une somme énorme. Mais au moment de retirer, un message d'erreur s'affichait : "Numéro de compte invalide".
Je me suis réveillé en sueur, le cœur battant à tout rompre. Le numéro de compte ! J'avais oublié de lui demander.
Je me suis précipité vers elle. Elle dormait, sa respiration était calme et régulière. Pour la première fois, elle avait l'air en paix.
Je n'ai pas voulu la réveiller, mais l'angoisse était trop forte.
« Chloé ! » je l'ai secouée doucement. « Réveille-toi ! »
Elle a grogné, se retournant.
« Chloé, c'est urgent ! Le numéro de compte ! »
Elle a ouvert un œil, l'air complètement perdue. « Quel numéro de compte ? »
« Le tien ! Pour la rançon ! J'ai rêvé que le numéro était faux ! »
Elle m'a regardé, puis a éclaté d'un rire cristallin, un rire qui a résonné dans la cabane silencieuse.
« Vous êtes vraiment un amateur, » a-t-elle dit en s'asseyant. « On ne demande jamais un virement sur le compte de la victime. C'est la première règle. »
Je me sentais complètement idiot.
Elle a continué, visiblement amusée. « Il faut utiliser des comptes offshore, des cryptomonnaies... Vous n'avez vraiment rien préparé ? »
Je sentais le rouge me monter aux joues. J'avais passé des semaines à planifier ça, et maintenant, une fille de vingt ans me donnait des leçons.
Ce kidnapping était officiellement un fiasco.