Vers trois heures du matin, n'y tenant plus, elle s'est levée sans faire de bruit et s'est glissée dans son bureau. Elle a allumé son ordinateur, la lumière de l'écran agressive dans l'obscurité. Elle s'est connectée à leur compte commun, puis a commencé à éplucher les relevés de carte de crédit de Marc, mois par mois.
Les preuves étaient là, étalées en lignes de chiffres implacables. Des factures de restaurants chics pour deux personnes les soirs où il prétendait être en "dîner d'affaires". Des nuits d'hôtel dans des établissements de luxe à Paris, alors qu'il était censé dormir à la maison. Et puis, le coup de grâce : la facture d'une bijouterie célèbre. Un collier en diamants. Un cadeau qu'elle n'avait jamais reçu. La date de l'achat correspondait à l'anniversaire de Chloé, une information qu'elle a trouvée en quelques clics sur les réseaux sociaux de la jeune femme.
Son téléphone a vibré sur le bureau. Un message de Marc.
« Tout va bien, mon amour ? Je me suis réveillé, tu n'étais pas là. Je m'inquiète pour toi. »
Une nausée violente l'a saisie. L'hypocrisie était si flagrante, si écœurante. Elle a eu envie de vomir.
Elle a couru aux toilettes et s'est penchée sur la cuvette, son corps se vidant dans des spasmes douloureux. Ce n'était pas seulement la grossesse. C'était le dégoût. Le dégoût physique pour l'homme qui partageait son lit, pour la vie qu'elle avait crue être la sienne.
Une fois la nausée passée, elle s'est rincé le visage à l'eau froide. Son reflet dans le miroir était celui d'une femme cernée, le teint blafard, mais ses yeux brillaient d'une nouvelle lueur. Fini la tristesse, finie la confusion. Il ne restait qu'une résolution de fer.
Elle est retournée à son bureau. Elle savait qu'elle ne pouvait pas agir seule. Elle avait besoin d'alliés, d'informations. Elle a pensé à son atelier. Il y avait là une jeune couturière, Élise, une fille discrète mais très observatrice, qui lui était entièrement dévouée. Élise avait une cousine qui travaillait comme réceptionniste dans l'immeuble de bureaux de Marc.
Jeanne a pris son téléphone et a tapé un message à Élise, lui demandant de passer à l'atelier plus tôt le lendemain matin. Elle avait besoin de lui parler "d'un projet confidentiel".
Elle a ensuite ouvert un nouveau document sur son ordinateur. Le titre : "Plan d'action". Elle a commencé à lister les étapes. Contacter sa sœur, Sophie, qui était avocate. Rassembler toutes les preuves financières. Sécuriser ses propres actifs, en particulier l'atelier et son héritage familial.
Elle a travaillé jusqu'à l'aube, alimentée par une énergie nouvelle, une fureur froide qui avait remplacé le chagrin. Quand le ciel a commencé à pâlir, elle a fermé l'ordinateur. Elle s'est regardée à nouveau dans le miroir. L'image d'une femme brisée avait disparu. À sa place se tenait une stratège, prête pour la bataille.
Elle ne se contenterait pas de le quitter. Elle allait le démanteler. Lui et sa complice. Elle allait reprendre le contrôle de sa vie, de son histoire, et construire son propre empire sur les ruines de leur trahison. Marc allait apprendre, à ses dépens, qu'il avait perdu bien plus qu'une femme. Il avait perdu sa plus grande alliée et créé sa pire ennemie.