L'Amante du Roi, Rejetée puis Reine
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Chapitre 3

La mort de Pierre a secoué la cour. Mon plan avait fonctionné, mais le résultat était plus sanglant que prévu. Je pensais avoir piégé la Marquise, mais un détail m'avait échappé.

Le Roi, horrifié par le suicide, a ordonné une enquête approfondie. Et c'est là que tout a dérapé. L'enquêteur, un homme loyal à la Marquise, a "découvert" que le contrat que j'avais présenté était un faux. Un faux très bien fait, mais un faux quand même.

Soudain, la situation s'est retournée contre moi. J'étais celle qui avait manipulé tout le monde, celle qui avait poussé un pauvre serviteur au suicide pour accuser une innocente. La Marquise pleurait dans les bras de ses amies, jouant la victime parfaite.

On m'a arrêtée et jetée dans la même cellule que Pierre. Les murs froids semblaient encore imprégnés de son désespoir. J'étais seule. La famille de Mornay m'avait abandonnée. Le Roi, se sentant trahi, refusait de me voir. Ma chute était aussi rapide que mon ascension avait été fulgurante.

Le procès était une farce. Les témoins, payés par la Marquise, se succédaient pour m'accabler. J'allais être condamnée. L'exécution était la fin la plus probable.

Le jour du verdict, on m'a traînée devant le Roi et la cour assemblée. La Marquise de Montaigne était là, triomphante. Nos regards se sont croisés. Elle souriait.

Je savais que je n'avais qu'une seule issue. Une solution extrême, dangereuse, mais la seule qui pouvait encore changer le cours des choses.

Quand le juge m'a demandé si j'avais quelque chose à dire pour ma défense, j'ai répondu d'une voix claire.

« Oui. Je suis innocente. Et je vais le prouver. »

Sous les yeux horrifiés de l'assemblée, j'ai attrapé une broche pointue qui fermait mon col. Avant que les gardes ne puissent réagir, je l'ai enfoncée dans mon propre bras. La douleur était fulgurante, mais je n'ai pas crié.

J'ai retiré la broche ensanglantée et je l'ai tendue vers la Marquise.

« Je jure sur mon sang et sur mon âme que la Marquise de Montaigne est coupable de tout ce dont je l'accuse. Si je mens, que Dieu me foudroie ici et maintenant ! »

Mon geste était théâtral, fou. Le sang coulait le long de mon bras, tachant ma robe. Un silence de mort est tombé sur la salle. À cette époque, un serment prêté sur son propre sang avait un poids énorme. C'était un acte de désespoir, mais aussi de conviction absolue. Personne ne pouvait croire qu'une femme irait aussi loin pour un mensonge.

Le Roi était blême. La Marquise, elle, avait perdu son sourire. Mon acte l'avait mise dans une position impossible. Nier mon serment la ferait paraître coupable.

« C'est une folle ! » a-t-elle crié.

« Peut-être, » a dit une voix grave.

Le Cardinal de Richelieu s'est avancé. Il n'avait pas dit un mot pendant tout le procès.

« Mais la folie et la vérité sont parfois proches. Un tel acte mérite qu'on y regarde de plus près. »

Il a regardé le Roi.

« Majesté, je demande la permission de mener ma propre enquête. Il y a trop de zones d'ombre dans cette affaire. »

Le Roi, déstabilisé par mon geste et influencé par le poids du Cardinal, a accepté.

L'enquête de Richelieu a été rapide et brutale. Ses hommes ne connaissaient ni la pitié ni la corruption. En moins de vingt-quatre heures, ils ont fait parler l'enquêteur de la Marquise. Ils ont retrouvé les témoins et les ont persuadés de dire la vérité. Ils ont même découvert que le contrat n'était pas un faux, mais un document volé dans les appartements de l'amant de la Marquise, ce qui expliquait pourquoi elle l'avait cru faux.

La vérité a éclaté, plus terrible encore que ce que j'avais imaginé. La Marquise n'avait pas seulement voulu me piéger, elle avait orchestré la mort de Pierre depuis le début, sachant que son suicide serait l'arme la plus puissante contre moi.

La punition du Roi a été terrible. La Marquise de Montaigne a été dépouillée de tous ses titres et de toutes ses terres. Elle a été condamnée à finir ses jours dans un couvent isolé, le genre d'endroit où l'on oublie jusqu'à son propre nom. On dit qu'elle est devenue folle avant même d'y arriver.

Moi, j'ai été réhabilitée. Plus que ça, mon acte désespéré m'avait transformée en une sorte de martyre, une héroïne tragique. Le Roi, rongé par la culpabilité de m'avoir condamnée si vite, m'a couverte de cadeaux et d'attentions. Ma position à la cour était désormais plus solide que jamais. J'étais devenue intouchable.

Mais le soir, seule dans mes nouveaux appartements luxueux, je regardais la cicatrice sur mon bras. J'avais gagné. J'avais le pouvoir, la faveur du Roi, la sécurité. Mais j'étais plus seule que jamais. La confiance était un luxe que je ne pouvais plus me permettre. La faveur du Roi était changeante, comme le vent. Un jour, il m'adorait. Le lendemain, il pouvait me faire exécuter sur un simple soupçon.

Ce pouvoir acquis par le sang et les larmes était fragile. Je devais trouver quelque chose de plus stable, un levier qui ne dépendrait pas de l'humeur d'un homme. Je devais trouver une ancre dans cette mer déchaînée.

Et puis, il y avait le Cardinal. Pourquoi m'avait-il aidée ? Il n'agissait jamais sans raison. Son intervention n'était pas un acte de justice, mais un calcul politique. Il m'avait utilisée pour éliminer la Marquise, qui était devenue trop influente.

Mais il y avait autre chose. Dans son regard, ce jour-là, j'avais vu plus que de la stratégie. J'avais vu... une lueur de protection ? Une inquiétude fugace quand j'ai enfoncé la broche dans mon bras ?

Je commençais à me demander qui était vraiment le Cardinal de Richelieu. Et surtout, ce qu'il attendait de moi. Mon plus grand allié était peut-être aussi mon plus grand danger.

                         

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