Le Prix de la Trahison
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Chapitre 2

Pierre Laurent a fait son entrée dans la salle comme s'il en était le propriétaire. Les conversations ont baissé d'un ton, et tous les regards se sont tournés vers lui. Il portait un costume bien coupé, chose rare chez les garçons de notre âge, ce qui lui donnait un air plus mature, plus sérieux. Il dégageait une confiance en lui qui frôlait l'arrogance, mais qui était incroyablement séduisante. Mon regard était aimanté au sien, incapable de se détacher.

Il a balayé la salle du regard, lentement, comme un roi inspectant son domaine. Et puis, ses yeux ont croisé les miens.

Pendant une seconde, le monde s'est arrêté.

Il m'a vue. J'en suis certaine. Et il a souri. Ce n'était pas un sourire banal, c'était son sourire, celui qu'il me réservait quand nous partagions un secret, un mélange de tendresse et de malice. Mon cœur a raté un battement. Un frisson a parcouru tout mon corps. Il se souvient. Il se souvient de tout. La certitude a balayé tous mes doutes.

Mes lèvres ont tremblé alors que je lui rendais son sourire. C'était un message silencieux entre nous, un pont jeté par-dessus la mort et le temps. Tout le reste s'est effacé : la musique, la foule, les lumières. Il n'y avait plus que lui et moi.

Et puis, il a commencé à marcher.

Il s'est avancé, droit vers moi. Chaque pas qu'il faisait résonnait dans ma poitrine. Il traversait la foule, ignorant les regards admiratifs des autres filles et les saluts de quelques garçons. Sa destination était claire. C'était moi.

Je me suis levée, mon corps bougeant de lui-même. Mon esprit était un tourbillon d'émotions. La joie, le soulagement, un amour si puissant qu'il menaçait de me submerger. J'ai tendu la main, paume vers le ciel, un geste d'invitation, de retrouvailles. Notre nouvelle vie allait commencer, ici et maintenant. Je pouvais presque déjà sentir la chaleur de sa main dans la mienne.

Il est arrivé à ma hauteur. Mon souffle était suspendu. Mes yeux étaient fixés sur les siens, attendant le moment magique.

Mais il ne s'est pas arrêté.

Il m'a dépassée.

Il est passé juste à côté de moi, si près que j'ai senti le courant d'air de son passage, son parfum familier flottant un instant autour de moi. Il n'a même pas tourné la tête. Mon bras est resté tendu dans le vide, ridicule. Mon sourire s'est figé sur mon visage.

Mon regard l'a suivi, incrédule. Il a continué de marcher, quelques pas de plus, et s'est arrêté devant une autre table. Devant une autre fille.

Sophie Morel. La fille du propriétaire de l'usine de textile, la plus grande de la région. Sophie, avec sa robe rose bonbon et ses boucles blondes parfaites.

Pierre s'est incliné légèrement, avec un charme étudié que je ne lui connaissais que trop bien.

"Sophie," a-t-il dit d'une voix claire et forte, assez pour que je l'entende. "M'accorderiez-vous cette danse ?"

Sophie a gloussé, ravie, et a posé sa main dans la sienne. La main qu'il aurait dû prendre.

Le monde s'est effondré. Le bruit de la salle m'est revenu d'un coup, assourdissant. La musique m'a paru stridente et fausse. Mon bras est retombé lourdement le long de mon corps. Je le regardais, lui, Pierre, emmener Sophie sur la piste de danse, lui murmurer à l'oreille, la faire rire. Il ne m'a pas jeté un seul regard. C'était comme si je n'existais pas.

Je ne comprenais pas. C'était impossible. Une erreur. Un cauchemar.

Je suis restée là, plantée au milieu de la salle, pendant une éternité. Les gens commençaient à me regarder bizarrement. Je sentais mes joues brûler de honte. Sans un mot, j'ai tourné les talons et j'ai marché vers la sortie. Je bousculais les gens sans m'excuser, mes yeux brouillés de larmes que je refusais de laisser couler.

Dehors, le ciel s'est ouvert. Une pluie battante, froide et violente, a commencé à tomber. Je n'ai pas cherché à m'abriter. J'ai marché sous l'averse, laissant l'eau glacer ma peau et tremper ma robe. Le froid extérieur n'était rien comparé au vide glacial qui s'était installé dans ma poitrine.

Les souvenirs ont afflué, violents et douloureux. Pas les bons souvenirs de notre vie passée. Non. Le souvenir de notre fin. L'accident de voiture, le métal tordu, le son de sa voix s'éteignant à côté de moi, sa promesse. "Je te retrouverai, Jeanne..."

Cette promesse était un mensonge. Ou alors, je m'étais trompée sur toute la ligne.

                         

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