Le Prix de la Trahison
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Chapitre 1

Je savais que j'étais revenue à la vie, et je savais que lui aussi. C'était une certitude ancrée au plus profond de moi, une connaissance silencieuse qui défiait toute logique. Nous étions morts ensemble, après une vie entière passée à nous aimer et à construire un empire dans le monde de la mode. Et maintenant, nous étions de retour dans les années 80, à l'aube de tout.

La promesse que nous nous étions faite juste avant de mourir résonnait encore dans mon esprit : "On se retrouvera, Jeanne. Au bal, là où tout a commencé. Je te retrouverai."

Sa voix, même après le gouffre de la mort, était claire comme du cristal.

Alors, j'attendais. J'attendais Pierre.

Cela faisait déjà trois mois que j'étais revenue dans ce corps de dix-huit ans. Trois mois à revivre une adolescence que j'avais presque oubliée, à supporter les cours et les préoccupations futiles de mon âge. Mais rien de tout cela n'avait d'importance. Ma seule ancre, mon seul objectif, était ce bal. Le bal annuel de la ville, celui où, dans notre vie passée, nos regards s'étaient croisés pour la première fois.

Ma meilleure amie, Claire, ne comprenait pas mon obsession.

"Jeanne, pourquoi tu refuses toutes les invitations ? Il y a au moins trois garçons qui sont fous de toi. Surtout Michel, il est mignon et son père a une bonne situation."

Je secouais la tête, un petit sourire aux lèvres.

"J'attends quelqu'un, Claire."

"Quelqu'un ? Mais qui ? Tu ne sors jamais, tu ne parles à personne. C'est un homme invisible ?"

Je ne pouvais pas lui expliquer. Comment lui dire que j'attendais l'homme avec qui j'avais partagé cinquante ans de vie, l'homme qui était mon mari, mon partenaire, mon âme sœur ? Elle me ferait interner.

"C'est un pressentiment," je me contentais de répondre. "Je sais qu'il sera là. Au bal."

Ma certitude la laissait perplexe, mais elle a fini par hausser les épaules. Mon entêtement était connu de tous. Pendant des semaines, j'ai ignoré les tentatives d'approche, les coups de téléphone et les regards insistants. Mon cœur et mon esprit étaient déjà pris. Chaque jour qui passait me rapprochait du bal, et mon excitation grandissait.

Pourtant, une chose me troublait. Dans notre vie antérieure, Pierre et moi nous étions rencontrés bien avant le bal. Nous étions dans la même ville, nous aurions dû nous croiser. Mais pendant ces trois mois, il n'y avait eu aucun signe de lui. Pas une seule fois je n'avais aperçu sa silhouette familière ou entendu son nom.

Cette absence était étrange. S'il se souvenait aussi, pourquoi ne cherchait-il pas à me trouver plus tôt ? Une petite graine d'incertitude a commencé à germer en moi, mais je l'ai vite étouffée. Il avait ses raisons, j'en étais sûre. Peut-être que sa renaissance avait été plus tardive que la mienne.

Le jour du bal est enfin arrivé. J'ai passé des heures à me préparer, non pas par vanité, mais par besoin de recréer ce moment à la perfection. J'ai choisi une robe simple, bleu nuit, très similaire à celle que je portais dans mon souvenir. Je me suis coiffée sobrement, laissant mes cheveux tomber sur mes épaules. Je voulais qu'il me reconnaisse au premier regard.

En arrivant à la salle des fêtes, mon cœur battait à tout rompre. La musique des années 80, les lumières criardes, les vêtements colorés... tout était exactement comme dans ma mémoire. J'ai trouvé une table dans un coin, là où je pouvais observer l'entrée, et je me suis assise.

Une heure a passé. Puis deux. Des garçons sont venus m'inviter à danser, mais j'ai poliment refusé à chaque fois, mon regard fixé sur la porte. Claire est venue me voir, l'air inquiet.

"Jeanne, tu es sûre que ça va ? Tu n'as pas bougé depuis tout à l'heure. La soirée est presque finie."

"Il va venir," j'ai murmuré, plus pour me convaincre moi-même que pour la rassurer.

Et puis, juste au moment où le doute commençait à me ronger, je l'ai entendu. Des chuchotements près de l'entrée, des filles qui gloussaient. "C'est Pierre Laurent ! Il est enfin là ! Qu'est-ce qu'il est beau..."

Mon souffle s'est coupé. J'ai tourné la tête si vite que mon cou m'a fait mal. Il était là, à l'entrée. Pierre. Mon Pierre. Plus jeune, bien sûr, mais c'était lui. Le même port de tête arrogant, le même sourire en coin qui m'avait fait fondre, la même lueur d'ambition dans les yeux.

Mon cœur a explosé de joie. Il était là. Il était venu. Tout allait bien se passer. J'ai senti les larmes monter, des larmes de soulagement et de bonheur pur. J'ai redressé mes épaules, j'ai lissé ma robe une dernière fois. J'étais prête. Prête à recommencer notre histoire.

            
            

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