Je me suis souvenue du jour où nous avions installé cette serrure. Marc avait ri et dit : « C'est la date où ma vie a vraiment commencé. On ne l'oubliera jamais. » Des mensonges. Tout n'était que mensonges.
J'ai sonné. J'ai attendu, le cœur battant.
La porte s'est ouverte. Ce n'était pas Marc. C'était Chloé.
Elle portait un de mes peignoirs en soie, celui que Marc m'avait offert pour notre anniversaire. Elle se tenait là, l'air de rien, comme si elle était la maîtresse des lieux depuis toujours.
« Jeanne ? Qu'est-ce que tu fais ici ? Marc a dit que tu ne reviendrais pas. »
Sa voix était mielleuse, mais ses yeux brillaient de triomphe.
« Je suis venue chercher mes affaires, » ai-je dit, ma voix plus stable que je ne l'aurais cru. « Celles qui restent. »
« Oh, » a-t-elle fait, feignant la surprise. « Je ne sais pas s'il reste grand-chose. Marc a fait un grand nettoyage. Il voulait repartir à zéro, tu comprends. »
Elle m'a laissée entrer, mais est restée près de moi, comme pour me surveiller.
Le salon était méconnaissable. Mes photos de famille avaient disparu des murs. Mes livres d'art avaient été retirés des étagères, remplacés par des magazines de cuisine et des livres sur la grossesse. Sur la cheminée, notre photo de mariage avait été remplacée par un grand portrait encadré de Marc et Chloé, souriants et enlacés.
Je suis montée à l'étage, mon cœur se serrant à chaque pas. Notre chambre. Ma coiffeuse était vide. Mes parfums, mes crèmes, tout avait disparu. Dans la penderie, mes vêtements avaient été enlevés. À leur place pendaient les robes de maternité de Chloé.
Elle avait effacé toute trace de mon existence.
Je suis entrée dans la petite pièce que j'avais aménagée pour être la chambre de Béatrice. J'avais passé des mois à la décorer. J'avais peint des nuages sur les murs, assemblé le berceau, choisi chaque petit vêtement.
La pièce était vide. Complètement vide. Le berceau, la table à langer, les jouets... tout avait disparu.
« Où sont les affaires du bébé ? » ai-je demandé, ma voix tremblante de fureur contenue.
Chloé a haussé les épaules.
« Marc a tout donné à une association caritative. Il a dit que ça portait malheur. Que ça lui rappelait... toi. Et puis, notre fils aura besoin de sa propre chambre, avec de nouvelles choses. »
Notre fils.
C'est à ce moment-là que j'ai vu quelque chose sur la table de chevet, à côté du lit qu'elle partageait maintenant avec Marc. C'était un album photo. Je l'ai ouvert.
Page après page, des photos d'eux. En vacances, au restaurant, dans ce lit même. Des photos qui couvraient les derniers mois, les mois où j'étais enceinte, seule et malade, pendant qu'il vivait une idylle avec elle.
Sur la dernière page, il y avait une échographie. Celle de leur enfant. En dessous, Marc avait écrit : « Pour mon vrai futur. Mon vrai amour. »
J'ai refermé l'album. Un rire silencieux et amer m'a secoué. J'étais tellement stupide. J'avais cru à son ambition, à notre projet commun. J'avais été le tremplin, et maintenant qu'il avait atteint le sommet, il m'avait jetée sans un regard en arrière.
J'ai regardé Chloé, qui me souriait toujours, savourant sa victoire.
Elle pensait avoir gagné. Elle n'avait aucune idée de ce qui l'attendait.