Le lendemain matin, Jeanne n'a pas quitté sa chambre. Elle n'a pas préparé le petit-déjeuner, n'a pas réveillé les enfants pour l'école, n'a pas vérifié si les uniformes de Louis et Chloé étaient prêts. Elle est restée assise sur son lit, regardant le jour se lever sur Paris, un sentiment de vide étrange mais apaisant l'envahissant.
Le chaos n'a pas tardé à s'installer en bas. Elle a entendu la voix paniquée d'une domestique, puis les cris impatients des enfants, et enfin le ton irrité de Pierre.
« Jeanne ! Où es-tu ? Les enfants vont être en retard ! »
Elle n'a pas bougé. Elle a entendu des pas pressés dans le couloir, des portes qui claquent, la frustration qui montait. Après un long moment, elle a entendu la voiture démarrer et s'éloigner. La maison est retombée dans le silence.
Quand Pierre est revenu plus tard dans la journée, il est entré dans sa chambre sans frapper. Son visage était tendu de colère.
« C'était quoi ce spectacle ce matin ? Tu as décidé de faire la grève ? »
Jeanne l'a regardé, ses yeux cernés par la fatigue.
« J'ai signé l'accord de divorce. Mon avocat te contactera. Je veux juste me reposer maintenant. »
Son calme semblait l'irriter encore plus.
« Te reposer ? Tu te reposes depuis six ans dans cette maison ! Tu as tout ce dont une femme peut rêver ! »
« Je n'ai rien de ce que je veux, » a-t-elle murmuré, plus pour elle-même que pour lui.
La porte s'est ouverte à la volée, et Louis et Chloé sont entrés en courant, leurs visages boudeurs.
« Maman, pourquoi tu ne t'occupes plus de nous ? » a demandé Chloé, sa petite voix pleine de reproches.
« On veut que Tante Sophie vienne ! » a renchéri Louis. « Elle est bien meilleure que toi ! Elle sait comment jouer avec nous, et elle nous achète toujours des glaces ! »
Chaque mot était une confirmation. Une confirmation qu'elle avait pris la bonne décision. Dans sa vie passée, ces mots l'auraient détruite. Aujourd'hui, ils ne faisaient que renforcer sa résolution.
Jeanne a hoché la tête lentement.
« D'accord. Si c'est ce que vous voulez. »
Elle a regardé Pierre.
« Appelle-la. Fais-la venir. Ils la veulent. Tu la veux. C'est parfait. »
Le visage de Pierre s'est contracté de fureur. Il ne s'attendait pas à cette capitulation si rapide et si totale. Il s'attendait à des larmes, des cris, de la jalousie. Pas ce vide résigné.
« Très bien, » a-t-il sifflé entre ses dents. « Puisque c'est ce que tu veux. »
Il a attrapé la main de ses enfants.
« Venez. On s'en va. On va chercher Tante Sophie. »
Les enfants ont applaudi, leurs visages s'illuminant de joie. Ils n'ont pas jeté un seul regard en arrière vers leur mère.
Jeanne les a regardés partir. Quand la porte d'entrée s'est refermée, un silence profond s'est abattu sur la villa. Elle a fermé les yeux. C'était fini. Elle était enfin libre de ce rôle de mère et d'épouse qu'elle n'avait jamais réussi à incarner à leurs yeux. Un sentiment de soulagement immense, teinté d'une tristesse profonde, l'a submergée. Elle n'a pas pleuré. Les larmes avaient toutes été versées dans sa vie précédente.