Jeanne: L'Héritière Résiliente
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Chapitre 3

Juste au moment où la main de Monsieur Martin allait me frapper à nouveau, une voix a retenti depuis le seuil de la porte.

"Arrêtez ! Qu'est-ce que vous faites ?"

Un jeune homme se tenait là. Il devait avoir mon âge, peut-être un peu plus. Grand et mince, des cheveux bruns en désordre et des yeux bleus inquiets. Il portait des vêtements de travail simples. C'était la troisième voix que j'avais entendue chuchoter.

Monsieur Martin s'est figé, la main en l'air. Il s'est retourné lentement, l'air furieux d'être interrompu.

"Paul ! Ne te mêle pas de ça. C'est une affaire de famille."

Paul. Ce nom. Il m'était familier, lui aussi.

Le jeune homme a avancé dans la pièce, son regard balayant la scène : moi, terrorisée contre le mur, les marques rouges sur mon visage, les larmes qui coulaient.

"Une affaire de famille ? Vous êtes en train de la frapper ! C'est ça, la nouvelle femme de mon cousin ?"

La famille Martin a immédiatement changé de tactique. Le père a baissé la main, essayant de composer un visage plus calme. La mère s'est avancée avec un sourire mielleux qui ne trompait personne.

"Paul, mon chéri, ne t'inquiète pas. Elle est juste un peu nerveuse avant le mariage. Un peu folle, tu sais, les filles de la ville... Elle dit des bêtises, elle crie, il faut bien la calmer."

Elle a essayé de me faire passer pour une hystérique. J'ai secoué la tête, les yeux suppliants fixés sur ce Paul.

"Il ment ! Ils m'ont kidnappée ! Je ne suis pas... " Ma voix s'est brisée. J'ai regardé le jeune homme plus attentivement. Ses yeux bleus, la forme de son menton... Un souvenir d'enfance a refait surface. Des étés passés ici, à courir dans les champs. Un petit garçon qui me suivait partout.

"Paul ?" ai-je murmuré. "Paul Dubois ?"

Il a froncé les sourcils, surpris que je connaisse son nom de famille.

"Oui. Comment...?"

"C'est moi, Paul ! C'est Jeanne ! Ta cousine Jeanne !"

Le silence est tombé dans la pièce, lourd et tendu. Paul m'a dévisagée. Il a regardé mes cheveux emmêlés, mon visage sale et meurtri, la robe en toile de sac. Il a cherché dans mes yeux un signe de reconnaissance.

Pendant une seconde, j'ai cru voir une lueur. Mais ensuite, il a secoué la tête, l'air confus.

"Non... Ma cousine Jeanne... elle ne te ressemble pas. Tu... Je suis désolé, je ne te reconnais pas."

Mon dernier espoir s'est évanoui. J'étais tellement méconnaissable qu'il ne pouvait pas me voir. Pour lui, j'étais juste une étrangère folle. Le désespoir m'a submergée, mais il a été immédiatement remplacé par une rage sauvage.

Si personne ne voulait m'aider, je me battrais seule.

Monsieur Martin, enhardi par le déni de Paul, s'est de nouveau avancé vers moi.

"Tu vois ? Même ton 'cousin' ne te croit pas. Maintenant, ça suffit."

Quand il a tendu la main pour me saisir, j'ai agi à l'instinct. J'ai attrapé la seule chose à ma portée : l'écuelle de soupe froide sur la petite table. Je la lui ai jetée en plein visage.

Le liquide clair et les quelques légumes ont dégouliné sur son expression stupéfaite.

Profitant de sa surprise, je l'ai bousculé de toutes mes forces et j'ai foncé vers la porte.

Je n'ai pas fait deux pas.

La femme Martin m'a barré le passage. Elle m'a attrapé par les bras. J'ai crié, je me suis débattue, j'ai donné des coups de pied. Monsieur Martin, essuyant la soupe de ses yeux, a rugi de fureur et s'est jeté sur moi.

Ils m'ont maîtrisée à deux. Paul se tenait là, choqué, ne sachant que faire. Il était paralysé par la violence de la scène.

"Aidez-moi !" ai-je crié dans sa direction.

Mais il n'a pas bougé.

Ils m'ont traînée hors de la pièce, à travers la cuisine. J'ai agrippé le chambranle de la porte, mes ongles se sont cassés sur le bois. C'était inutile.

Ils m'ont tirée à l'extérieur, vers une petite dépendance sombre à l'arrière de la maison. Une cave ou une remise à outils. L'odeur de terre et de moisissure était encore plus forte ici.

Ils m'ont poussée à l'intérieur. Je suis tombée lourdement sur le sol en terre battue.

La lourde porte en bois s'est refermée sur moi, me plongeant dans une obscurité presque totale. J'ai entendu le bruit d'une barre en fer qu'on glissait dans les supports.

J'étais emmurée. Seule dans le noir. Le silence n'était rompu que par le son de ma propre respiration, rapide et paniquée.

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