Léa m'a attrapée par les cheveux et m'a traînée hors de l'entrepôt. La douleur dans mon dos était atroce, chaque mouvement ravivait les plaies. Elle m'a jetée à terre devant la porte d'entrée.
"À genoux," a-t-elle ordonné.
Je n'ai pas bougé. J'étais trop faible, trop vidée.
Elle m'a donné un violent coup de pied dans le ventre. L'air m'a manqué, et j'ai suffoqué, me pliant en deux. "J'ai dit, à genoux !"
À contrecœur, luttant contre la douleur, je me suis mise en position. Léa m'a regardée de haut, le visage dur comme la pierre. C'était comme si la cloche de la mort sonnait pour moi.
Dans un éclair de lucidité douloureuse, un souvenir a refait surface. Une autre époque, une autre Léa. J'étais adolescente, seule et perdue, et elle m'avait tendu la main. Elle m'avait sortie de la rue, m'avait offert un foyer, m'avait traitée comme une sœur. Son sourire était mon soleil.
Ce souvenir était une torture de plus. Comment cette fille douce et bienveillante avait-elle pu se transformer en ce monstre ? La réponse était simple : Marc Lambert.
"Tu sais, Camille," a dit Léa, sa voix soudainement plus calme, presque conversationnelle, ce qui était encore plus terrifiant. "Je t'ai tolérée parce que tu étais utile. Mais maintenant, tu n'es qu'un obstacle. Un rappel constant d'un passé que je veux oublier."
Elle s'est accroupie à ma hauteur, son visage à quelques centimètres du mien. "N'aie plus jamais d'idées sales à mon sujet. Tu n'es rien pour moi. Compris ?"
Ses mots étaient plus douloureux que les coups de fouet. Ils ont brisé la dernière parcelle d'espoir que je pouvais encore nourrir.
"Tu resteras à genoux ici jusqu'à ce que Marc aille mieux," a-t-elle décrété avant de tourner les talons et de rentrer dans la maison, me laissant seule sous le soleil brûlant.
Je suis restée là, à genoux sur les graviers. Les heures sont passées. Le soleil a cogné sur ma tête, la faim et la soif me tiraillaient. La nuit est tombée, froide et humide, mais je n'ai pas bougé.
Trois jours et trois nuits. C'est le temps que j'ai passé là, exposée aux éléments, entre la vie et la mort. Mon corps était meurtri, ma fièvre montait en flèche, et mon esprit commençait à divaguer.
Finalement, une voiture s'est arrêtée devant le portail. C'était mon grand-père. Il était la seule famille qui me restait, le seul qui se souciait encore de moi. Quand il m'a vue dans cet état, son visage s'est décomposé.
Il a ordonné à son chauffeur de m'aider à me relever. J'étais si faible que je me suis effondrée dans ses bras. Mon corps tremblait de manière incontrôlable, et mes yeux étaient vides.
Léa est sortie de la maison, alertée par le bruit. En voyant mon grand-père, elle a affiché un air contrit. "Oh, mon Dieu, Camille ! Je ne savais pas que tu étais encore là ! J'étais si inquiète pour Marc..."
Marc est apparu derrière elle, l'air parfaitement rétabli. Il a posé un regard fugace sur moi, et j'ai cru y déceler une lueur d'hésitation, peut-être de pitié. Mais elle a disparu aussi vite qu'elle était venue quand il a vu Léa lui jeter un regard suppliant.
"Elle fait encore sa comédie," a-t-il dit d'un ton méprisant, tirant Léa contre lui.
Mon grand-père m'a serrée plus fort. "Je la ramène à la maison," a-t-il dit d'une voix qui ne tolérait aucune discussion.
Dans la voiture, alors que je reprenais un peu mes esprits, j'ai murmuré : "Grand-père, je veux partir. Loin d'ici."
Il m'a caressé les cheveux, son visage plein de tristesse. "Je sais, mon enfant. Je vais t'aider. Je te le promets."
Cette nuit-là, depuis la fenêtre de ma chambre chez mon grand-père, j'ai vu des feux d'artifice illuminer le ciel au-dessus de la villa de Léa. Les couleurs éclatantes dansaient comme des étoiles éblouissantes. Marc venait de la demander en mariage. Pour eux, c'était une nuit de fête. Pour moi, ce n'était que le reflet de ma propre solitude et de ma douleur.