Le médecin est entré à ce moment-là. Un jeune interne, pas son médecin habituel. Camille a senti une vague de panique. Il ne fallait pas qu'il découvre la vérité. Pas comme ça.
"Comment vous sentez-vous, Madame ?" a demandé le jeune médecin en consultant son dossier. "Nous avons fait quelques analyses. Il y a quelque chose que..."
"Je vais bien !" l'a coupé Camille, sa voix plus forte qu'elle ne le pensait.
Elle a arraché la perfusion de son bras, ignorant la douleur aiguë. Elle s'est levée du lit, chancelante, et s'est dirigée vers le médecin.
"Donnez-moi ça," a-t-elle dit en essayant de lui arracher le dossier des mains. "Ce ne sont pas vos affaires !"
"Madame, calmez-vous !"
Victor s'est levé, abasourdi par sa réaction. "Camille, qu'est-ce que tu fais ? Laisse-le parler !"
"Non !" a-t-elle crié, les larmes de désespoir coulant sur ses joues. Elle s'est tournée vers lui, suppliante. "Victor, s'il te plaît. Fais-moi sortir d'ici. Je ne veux pas rester."
Son médecin traitant, alerté par le bruit, est entré dans la chambre. Il a compris la situation en un coup d'œil. Il avait fait une promesse à Camille : garder son secret.
Il a posé une main sur l'épaule du jeune interne. "Laissez-moi gérer ça." Il s'est tourné vers Victor. "Monsieur, votre femme a juste fait une crise d'angoisse due au surmenage. Un peu de repos et tout ira bien. Il n'y a rien de grave."
Victor a regardé le médecin, puis Camille, qui s'était calmée, le visage livide. Le mensonge du médecin a renforcé sa conviction. C'était une autre performance, une autre tentative désespérée d'attirer son attention.
"Je vois," a dit Victor, sa voix de nouveau glaciale. "Une crise d'angoisse."
Il est parti sans un mot de plus.
Une fois seule avec son médecin, Camille s'est effondrée. "Merci," a-t-elle murmuré.
"Camille, ça ne peut plus durer," a dit le médecin, sa voix pleine d'inquiétude. "Votre état s'aggrave. Vous avez besoin de soins, pas de ce stress constant."
"Je sais," a-t-elle répondu. "Augmentez juste les doses. Donnez-moi ce qu'il faut pour tenir."
Il a soupiré, mais a accepté. Il savait qu'il ne pouvait pas la forcer.
De retour à la maison, la vie est devenue encore plus sombre. Elle cachait soigneusement ses médicaments, les prenant en secret, luttant contre les nausées et la douleur constante.
Quelques jours plus tard, Victor est rentré avec Isabelle. Ils avaient apparemment décidé d'emménager ensemble. Dans sa maison.
"À partir de maintenant, Isabelle vit ici," a-t-il annoncé sans la regarder. "Tu dormiras dans la chambre d'amis. Et tu t'occuperas du ménage et de la cuisine."
C'était une nouvelle humiliation, la pire de toutes. Devenir la bonne de son propre mari et de sa maîtresse.
"Fais-nous à dîner," a ordonné Isabelle avec un sourire triomphant.
Camille est allée dans la cuisine, le cœur vide. Elle a commencé à couper des légumes, ses mains fonctionnant de manière mécanique. Elle était tellement absorbée par sa douleur qu'elle n'a pas fait attention. Le couteau a glissé et lui a entaillé profondément le doigt.
Le sang a coulé sur la planche à découper. Elle a laissé échapper un petit cri de douleur.
Victor est entré dans la cuisine, attiré par le bruit. Il a vu son doigt ensanglanté. Au lieu de s'inquiéter, il a souri cruellement.
"Fais attention," a-t-il dit d'un ton moqueur. "Tu pourrais tacher le sol."
Il s'est détourné et est retourné au salon, la laissant seule avec sa blessure et son désespoir.