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Les lumières de Marseille scintillaient au loin, mais tout ce que je voyais, c'était l'obscurité d'une ruelle humide. L'odeur de sang et de crasse se mêlait à l'air salin. Mes mains étaient brisées, mes doigts, autrefois capables de distinguer des centaines de notes de parfum, ne pouvaient même plus se fermer.
Un homme s'est approché, son visage à moitié caché par l'ombre. Il tenait un téléphone.
La voix de Chloé, claire et froide, a traversé le haut-parleur.
« Léo, mon cher Léo. Tu comprends maintenant ? »
Je n'ai pas répondu. Je n'avais plus la force.
« Ce n'est pas que je ne t'aime pas. Tu es ma plus belle création. Mais l'amour ne suffit pas pour diriger un empire. J'ai besoin d'Antoine. J'ai besoin de ses connexions russes pour prendre le contrôle total de la Maison Duval. »
Sa voix était douce, comme si elle m'expliquait une recette de parfum.
« Tu étais un obstacle. Un témoin. Et surtout, un rival. Papa t'adorait trop. C'était dangereux. »
Un silence. Puis elle a ajouté, presque comme une pensée après coup :
« Antoine était si jaloux que j'aie couché avec toi. Il a même menacé de se tuer. Je devais le calmer. Ta mort est mon cadeau pour lui. Adieu, mon petit parfumeur. »
L'appel s'est terminé. L'homme a rangé son téléphone et a sorti un couteau. La lame a brillé sous la faible lune.
Je n'ai pas crié.
J'ai fermé les yeux, le visage de Chloé gravé dans mon esprit. Sa beauté, son ambition, sa cruauté.
Si seulement j'avais une autre chance. Je ne ferais plus jamais la même erreur. Je ne la laisserais plus jamais me détruire. Je la détruirais d'abord.
La douleur a été brève et intense.
Puis, plus rien.
Je me suis réveillé en sursaut.
La soie des draps était douce contre ma peau. L'air était empli du parfum familier de la chambre de Chloé, un mélange de tubéreuse et de jasmin.
J'ai regardé mes mains. Elles étaient intactes. Parfaites.
Mon cœur battait à tout rompre.
Je suis revenu.
Je suis revenu à la nuit fatidique. La nuit où nous avons créé le parfum qui devait nous unir, le parfum qui a causé ma mort.
Chloé dormait paisiblement à côté de moi, un léger sourire sur ses lèvres. Dans ma première vie, ce sourire me faisait fondre. Maintenant, il me donnait la nausée.
Je me suis levé doucement, sans faire de bruit. Je me suis habillé dans le silence, chaque mouvement calculé.
Le flacon du parfum était sur la coiffeuse. "L'Âme de Duval". Notre chef-d'œuvre. Mon arrêt de mort.
Je l'ai pris. Je n'ai pas hésité.
Je suis sorti de la chambre, traversant les couloirs silencieux du manoir Duval. Je savais exactement où aller.
La chambre d'Antoine.
J'ai frappé doucement. La porte s'est ouverte après quelques secondes. Antoine était là, en pyjama, l'air surpris et méfiant.
« Léo ? Qu'est-ce que tu fais ici ? »
Je n'ai pas répondu. J'ai simplement tendu le flacon.
Il a froncé les sourcils, confus.
« C'est pour toi », j'ai dit d'une voix neutre. « La formule est à l'intérieur. Présente-le demain comme si c'était le tien. Gagne le concours. Épouse Chloé. Prends l'empire. »
Antoine m'a regardé, abasourdi. La méfiance sur son visage a lentement laissé place à une avidité à peine dissimulée. Il n'arrivait pas à croire à sa chance.
« Pourquoi ? » a-t-il finalement demandé.
« Parce que je suis fatigué. Je ne veux plus de tout ça. »
J'ai posé le flacon dans sa main et je me suis retourné pour partir.
« Attends ! » a-t-il crié à voix basse. « Chloé va te tuer. »
J'ai eu un sourire sans joie.
« Non. Elle sera trop occupée à célébrer avec toi. »
J'ai quitté le manoir sans me retourner. Cette fois, je ne serais pas le pion. Je serais le joueur. Et le jeu ne faisait que commencer.
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