Chapitre 3

Les jours suivants ont été un cauchemar. Les amis de Juliette ne m'ont pas laissé tranquille.

Chaque fois que je trouvais un petit travail dans une cave ou un vignoble, un appel téléphonique était passé. Soudain, le poste n'était plus disponible. Mon nom était devenu un poison dans le monde du vin.

J'ai été mis sur une liste noire. Personne ne voulait de l'héritier déchu, de l'idiot qui s'était fait avoir par une Parisienne.

L'argent a vite manqué. J'ai vendu ce que je pouvais. J'ai dormi dans des foyers pour sans-abris.

Finalement, j'ai atterri à Lyon. Loin de Bordeaux, loin de la Bourgogne. J'espérais y être anonyme.

J'ai trouvé un travail. Pas dans un grand restaurant, pas dans une cave prestigieuse. J'étais sommelier dans un modeste bistrot de quartier.

L'ironie était amère. J'utilisais les connaissances que j'avais affinées pour elle, pour Juliette, pour servir des vins bon marché à des clients qui ne se souciaient que de se saouler. L'odeur de la graisse de friture remplaçait le parfum des grands crus.

Je vivais dans une petite chambre au-dessus du bistrot. Je mangeais les restes. J'étais un fantôme de l'homme que j'avais été.

Un soir, un grand événement œnologique a eu lieu à Lyon. Le propriétaire du bistrot m'a envoyé pour l'aider au service.

Et c'est là que je les ai revus.

Juliette et sa bande.

Elle était magnifique, vêtue d'une robe noire élégante, riant avec les mêmes personnes qui s'étaient moquées de moi. Elle était redevenue ce qu'elle était vraiment : une riche héritière, une reine dans son royaume de futilité.

Nos regards se sont croisés. Pendant une seconde, j'ai cru voir une surprise sur son visage. Mais elle a vite été remplacée par ce sourire arrogant que je connaissais si bien.

Un de ses amis, un ancien rival de mes années d'études en œnologie, m'a reconnu.

« Tiens, tiens, si ce n'est pas Alan Murray. Je vois que tu as trouvé ta place. Servir le vin au lieu de le faire. C'est plus approprié, n'est-ce pas ? »

Juliette s'est approchée, un amusement cruel dans les yeux.

« Laisse-le, Charles. Il est peut-être tombé bien bas, mais il a encore du talent. N'est-ce pas, Alan ? »

Elle a fait un signe à un serveur.

« Apportez une de mes bouteilles. Nous allons faire une petite dégustation à l'aveugle. Pour le spectacle. »