Chapitre 2

Les semaines qui ont suivi ont été un enfer silencieux. C'était la période de la fermentation critique. Je devais rester isolée dans mon chai, jour et nuit, pour surveiller les cuves. C'était la seule chance de produire un millésime exceptionnel qui pourrait sauver le Château Fowler de la faillite.

J'étais complètement seule et vulnérable.

Et Kyle le savait.

Le premier problème a été le livreur de bouteilles. Il n'est jamais arrivé. J'ai appelé la société.

« Désolé, Madame Fowler. Nous avons eu une offre bien plus intéressante du Domaine Larson. Nous ne pouvons plus vous livrer. »

Puis, ce fut le tour de mes ouvriers les plus qualifiés, ceux qui travaillaient pour ma famille depuis des décennies. Un par un, ils sont venus me voir, le regard fuyant.

« Madame Juliette, je suis désolé. Monsieur Larson nous a offert le double. J'ai une famille à nourrir... »

C'était un sabotage méthodique. Kyle utilisait son influence et son argent pour m'étrangler, pour me forcer à abandonner. Il voulait que je signe les papiers qui annuleraient officiellement la fusion, pour que tout soit propre et légal.

Mes employés restants étaient épuisés, découragés. Le domaine sombrait.

Un soir, alors que je vérifiais la température d'une cuve, le téléphone a sonné. C'était Kyle.

« Alors, Juliette ? Tu tiens le coup ? » sa voix était faussement compatissante.

« Que veux-tu, Kyle ? »

« Je veux juste que ça s'arrête. Pour toi. Signe les papiers. Mettons fin à cette histoire. Tu vois bien que tu ne peux pas gagner. »

« Je ne signerai jamais. »

« Vraiment ? » il a ri. « J'ai parlé à Jean-Pierre ce matin. Le chef de tes vendangeurs. Sa femme est très malade, tu sais. Les soins coûtent cher. Je lui ai fait une proposition. Il réfléchit. »

Le sang s'est glacé dans mes veines. Il menaçait d'utiliser la maladie de la femme d'un homme loyal pour me briser.

« Tu es un monstre. »

« Non, je suis juste un homme amoureux qui protège sa future femme. Signe, Juliette. Pense à tes gens. Ne les fais pas souffrir pour ton orgueil. »

Il a raccroché. Je suis restée là, tremblante de rage et d'impuissance. Je regardais mes cuves, mon héritage. Et je pensais à la femme de Jean-Pierre.

Le lendemain, j'ai appelé mon avocat. J'ai signé les papiers.

Le soir même, Kyle est venu les chercher en personne. Il était accompagné de Dora. Elle portait un collier de diamants qui devait coûter plus cher que ma récolte annuelle.

« Je suis content que tu aies retrouvé la raison, » a dit Kyle en prenant les documents.

Dora m'a regardée avec un petit sourire satisfait.

« Je suis désolée pour tout ça, Juliette. Vraiment. J'espère qu'on pourra être amies un jour. »

Je n'ai pas répondu. J'ai fermé la porte de mon chai. Le combat n'était pas fini. Il ne faisait que commencer.

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