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Robert et moi, nous allons bientôt fêter nos noces d'or, cinquante ans de mariage, ce n'est pas rien.
Une vie entière passée ensemble dans notre vignoble près de Bordeaux, à travailler la terre et à voir les saisons défiler.
Pour l'occasion, notre fils unique, Brandon, est venu de Paris. Il nous a offert une caisse de six bouteilles de vin de Bourgogne, un grand cru, a-t-il dit.
Un cadeau pour célébrer notre amour.
Robert était touché, moi aussi. Voir notre fils, qui a si bien réussi, penser à nous de cette manière, ça me remplissait de fierté.
On lui a glissé un chèque de 200 euros pour notre petite-fille, sa fille. Un petit quelque chose.
Il a pris le chèque en se grattant la tête, l'air un peu gêné, puis il est reparti pour Paris.
L'ambiance était à la fête, nous parlions déjà de notre voyage en Corse, un rêve que nous voulions réaliser pour cet anniversaire.
Mais l'harmonie n'a pas duré.
Deux jours plus tard, le téléphone a sonné. C'était Krista, notre belle-fille.
Sa voix était mielleuse, faussement douce.
« Juliette ? Alors, vous avez déjà goûté au vin ? »
Je me suis assise et j'ai mis le haut-parleur pour que Robert entende aussi.
« Pas encore, ma chère, on attendait une occasion spéciale. On pourrait peut-être en ouvrir une bouteille quand vous viendrez ? »
Un petit rire sec a crépité dans le combiné.
« C'est justement pour ça que j'appelle. J'espère que vous n'en avez ouvert aucune. Je craignais que si vous connaissiez le prix, vous n'oseriez plus y toucher. »
Robert m'a regardée, les sourcils froncés. Je ne comprenais pas où elle voulait en venir.
Krista a continué, son ton devenant soudainement plus dur.
« La caisse vaut 16 000 euros. Mais par piété filiale, on vous fait un prix d'ami, disons 15 000 euros. »
Le silence est tombé dans notre cuisine.
Robert a pointé le téléphone du doigt, sa main tremblait légèrement.
« Qu'est-ce qu'elle raconte ? » a-t-il murmuré, incrédule.
J'ai posé ma main sur la sienne pour le calmer. Je commençais à comprendre.
« Krista, je ne comprends pas. C'était un cadeau de Brandon. »
« Un cadeau ? Avec quel argent ? Vous savez bien qu'on est à sec. Si on ne paie pas l'école privée de la petite le mois prochain, elle est renvoyée. »
J'ai senti la colère monter.
« Je veux parler à Brandon. »
« Il est occupé, » a-t-elle répondu sèchement. « C'est moi qui gère les finances. »
« Très bien, » ai-je dit, ma voix devenant glaciale. « Premièrement, Brandon a dit que c'était un cadeau. Deuxièmement, rien ne prouve que ce vin vaut ce prix. Troisièmement, je suis sûre que mon fils n'est pas au courant de cette... transaction. »
« Vous n'allez pas payer, c'est ça ? » sa voix était devenue agressive.
« Pas sans une facture, non. Et si vous continuez, je retire l'argent que je donne chaque mois pour votre loyer. »
« Vieille peau avare ! » a-t-elle hurlé. « Vous croyez que je ne sais pas où vous dépensez votre argent ? J'ai des choses sur vous, des choses que Robert aimerait savoir ! »
Surprise, j'ai juste eu le temps de dire : « De quoi parles-tu ? »
« On arrive demain. Et Brandon va vous faire tout expliquer. »
Bip, bip, bip. Elle avait raccroché.
J'ai regardé Robert. À 70 ans, je pensais avoir tout vu. Je me trompais.