"Un Scott qui s'y connaît en mécanique de train ? C'est nouveau," je lance, assez fort pour qu'on m'entende.
Alan se fige, son visage se crispe. Juliette explose.
"Comment oses-tu, misérable ! Tu te crois malin ?"
Elle se jette sur moi, furieuse, et essaie de me frapper. Je lève la main pour parer le coup. Dans le mouvement, la manche de mon uniforme glisse, révélant la chevalière que je porte toujours.
Les armoiries de ma famille, gravées dans l'or.
Un homme âgé, un peu plus loin, halète.
"Cette bague... C'est la chevalière des Evans ! L'emblème de l'héritier du plus grand empire viticole de Bordeaux ! Je suis un expert en héraldique, je ne peux pas me tromper !"
Tous les regards se tournent vers ma main. Le silence tombe, lourd de confusion.
Alan, pris de panique, réagit au quart de tour.
"C'est un voleur ! Il me l'a volée ! Il est jaloux de moi, il a même saboté un de mes projets viticoles !"
Il retrousse sa manche pour montrer une cicatrice sur son bras.
"Voilà la preuve ! Il m'a attaqué !"
La foule, avide d'un coupable, se retourne immédiatement contre moi. Les murmures deviennent des accusations.
"Un voleur !"
"Un saboteur !"
Juliette, triomphante, m'arrache la chevalière du doigt et la tend à Alan comme un trophée.
"Voilà ce qui t'appartient, mon amour."
Le père de Juliette, un homme au visage dur qui méprise quiconque n'est pas de son rang, fait un signe de tête à ses gardes du corps.
"Donnez une leçon à ce petit rien."
Les deux hommes s'avancent. Je ne résiste pas. Les coups pleuvent. Sur mon visage, dans mon estomac. Je m'effondre au sol, le goût du sang dans la bouche.
Je vois les visages des passagers. Indifférents. Certains sourient même. C'est exactement comme dans ma vie passée. Leur vie a de la valeur, la mienne n'en a aucune.
Mais à travers la brume de la douleur, je vois autre chose. Des enfants. Terrifiés, blottis contre leurs parents. Ils ne méritent pas de mourir.
Je me relève péniblement.
"Le pont... Le pont est fragilisé... il va s'effondrer."
Je crache du sang.
"Nous avons moins de cinq minutes pour découpler les wagons arrière !"
Alan et Juliette éclatent de rire.
"Il est devenu fou," dit Alan. "Il invente n'importe quoi pour faire diversion."
"Attachez-le !" ordonne Juliette. "On ne peut pas le laisser semer la panique."
Les gardes du corps me saisissent et m'attachent solidement à un poteau métallique. Ma dernière chance de les sauver est rejetée avec mépris.
C'est à ce moment que le train se met à trembler violemment. Un bruit sourd et sinistre vient de l'avant. Le pont.
La panique devient hystérique.