Le froid glacial et humide de la cave à vin. C'est la dernière chose dont je me souviens. Juliette, la femme que j'avais épousée quelques heures plus tôt, m'avait jeté là pour mourir.
Elle hurlait, folle de rage, que j'avais volé la place de son véritable amour, Alan Scott.
"Tu n'es qu'un simple sommelier ! C'est Alan qui aurait dû être le héros ! C'est lui que j'aurais dû épouser !"
Je lui avais dit qu'Alan avait simulé sa mort, qu'il l'avait abandonnée, mais elle ne voulait rien entendre. Elle était convaincue qu'il s'était suicidé par désespoir à cause de notre mariage.
Alors elle m'a laissé mourir de faim et de froid, seul, dans le noir.
Et maintenant... je suis de retour.
La même panique, les mêmes cris. Le wagon-restaurant est en feu, une fumée noire et épaisse envahit tout. Le train fonce à toute allure, les freins d'urgence ne répondent plus. Droit vers le pont endommagé.
C'est exactement le même moment.
Cette fois, je ne bougerai pas.
Je reste assis, impassible, regardant le chaos autour de moi.
Soudain, une voix stridente perce le tumulte.
"Gordon Evans ! Toi ! Qu'est-ce que tu attends ?"
C'est Juliette Larson. Elle me pointe du doigt, son visage déformé par la haine.
"Tu es un lâche ! Un simple larbin ! Ta vie ne vaut rien comparée à la nôtre ! Va éteindre ce feu tout de suite !"
Sa cruauté est si familière. Dans ma vie passée, j'ai tout risqué pour ces gens. J'ai rampé dans les conduits de ventilation pour réparer un problème électrique majeur, j'ai sauvé ce train d'un premier sabotage. Et ma récompense a été une mort lente et atroce.
Pour elle. Pour cette femme qui me traite maintenant de larbin.
Mon collègue, Kyler, s'interpose.
"Madame Larson, calmez-vous ! Gordon est le meilleur d'entre nous ! Il a déjà sauvé ce train une fois aujourd'hui, il est le seul qui puisse nous aider !"
Quelques passagers semblent se souvenir, leurs regards se tournent vers moi avec un peu d'espoir.
Mais je secoue la tête.
"C'est inutile. La situation est désespérée."
Juliette ricane.
"Inutile ? Ou simplement trop lâche ? Heureusement, nous n'avons pas besoin de toi."
Elle se tourne vers un homme grand et arrogant à côté d'elle.
"Voici Alan Scott ! Le véritable héros ! Et surtout, le fils du plus grand magnat du vin de Bordeaux !"
Le nom du "magnat du vin" produit son effet. C'est le nom de mon père. Les passagers se tournent vers Alan avec admiration.
"N'ayez crainte," dit Alan d'une voix forte. "Je vais régler ça."
Je le regarde, un sourire amusé aux lèvres. Alan Scott. Le fils d'un maître de chai que mon père a renvoyé pour fraude. Un imposteur.